La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/10/2005 | FRANCE | N°266807

France | France, Conseil d'État, 7eme sous-section jugeant seule, 21 octobre 2005, 266807


Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le préfet de la Seine-Saint-Denis ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 29 mars 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 26 février 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Ahmed Y ;

2°) de rejeter la demande de M. Y tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la co

nvention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'...

Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le préfet de la Seine-Saint-Denis ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 29 mars 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 26 février 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Ahmed Y ;

2°) de rejeter la demande de M. Y tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Pierre Jouguelet, Conseiller d'Etat,

les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction alors en vigueur Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant que M. Y a demandé le 29 août 2003 la délivrance d'un certificat de résidence en qualité d'ascendant d'un ressortissant français ; que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, par une décision 22 décembre 2003 notifiée le 26 décembre suivant, a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire national dans un délai d'un mois ; qu'il s'est maintenu sur le territoire français au-delà de ce délai ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière lorsque le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a pris à son encontre le 26 février 2004 un arrêté de reconduite à la frontière ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y, né en 1948 et de nationalité algérienne, est entré en France, accompagné de son épouse le 19 mai 2000 muni d'un passeport revêtu d'un visa de trente jours ; que, pour contester l'arrêté du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS pris le 26 février 2004 ordonnant sa reconduite à la frontière, il a fait valoir qu'il est hébergé en France par son fils de nationalité française, qu'il a deux frères de nationalité française et qu'il avait tissé des liens anciens avec la France pour y avoir séjourné 18 ans ; que, toutefois, il n'est pas contesté qu'il a quitté la France et restitué son certificat de résidence en 1986, qu'il a encore cinq enfants en Algérie, que son épouse est également en situation irrégulière et qu'il n'était pas à la charge de son fils tant qu'il demeurait en Algérie ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté prononçant sa reconduite à la frontière n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il suit de là que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur ce que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. Y méconnaissait ces stipulations pour en prononcer l'annulation ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Sur la légalité externe de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant que l'arrêté par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a décidé la reconduite à la frontière de M. Y, en relevant que l'intéressé s'est maintenu plus d'un mois après la notification le 26 décembre 2003 du refus de titre de séjour, et en visant le 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lequel il se fonde et est ainsi suffisamment motivé ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne saurait être accueilli ;

Sur la légalité interne de l'arrêté :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de refus de titre de séjour :

Considérant en premier lieu que M. Y ayant sollicité la délivrance du certificat de résidence prévu pour les ascendants d'un ressortissant français par l'article 7 bis alinéa 4 b de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'était pas tenu d'examiner la situation de l'intéressé à un autre titre que celui qui fondait sa demande ; que, par suite, son arrêté n'est pas entaché d'une insuffisance de motivation pour ne pas comporter de considérants de droit et de fait relatifs au droit qu'aurait l'intéressé d'obtenir un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6-5 du même accord ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que le préfet a procédé à un examen individuel de la situation de l'intéressé, notamment de sa situation familiale ;

Considérant en deuxième lieu que le préfet pour refuser de délivrer un certificat de résidence à M. Y en sa qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français ne s'est pas fondé sur le défaut de visa de long séjour ; qu'il n'a mentionné ce défaut qu'à l'occasion de l'examen, dans le cadre de son pouvoir de régularisation, de la situation de l'intéressé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se soit cru lié par ce défaut de visa de long séjour pour refuser de régulariser cette situation ; que, par suite, M. Y n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur de droit en lui refusant un certificat de résidence au motif que son passeport n'était pas muni d'un visa de long séjour ;

Considérant en troisième lieu qu'en vertu de l'article 7 bis b de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, le certificat de résidence d'une durée de validité de dix ans est délivré de plein droit aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge ; que l'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à la délivrance d'un certificat de résidence au bénéfice d'un ressortissant algérien qui fait état de sa qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français, peut légalement fonder sa décision de refus sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son descendant, dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son descendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins, ou qu'il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire ; que M. Y, âgé de 55 ans au moment du refus de certificat, ne soutient pas qu'il ne disposait pas de ressources propres quand il demeurait en Algérie ; qu'il est constant que son fils français ne lui apportait aucune aide avant son arrivée en France ; que, par suite, en estimant que M. Y ne pouvait être regardé comme étant à la charge de son fils, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en lui refusant un certificat de résidence sur le fondement de ces stipulations ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour ne peut qu'être écartée ;

En ce qui concerne les autres moyens :

Considérant que l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant d'une part qu'il résulte de ce qui précède que M. Y ne remplissait pas les conditions requises pour obtenir de plein droit un certificat de résidence en qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français ; que, d'autre part, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le refus de titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus ; que, dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir qu'il remplissait les conditions requises pour bénéficier d'un certificat de résidence par application de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté prononçant la reconduite à la frontière de M. Y et à demander tant l'annulation de ce jugement que le rejet de la demande de M. Y tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande M. Y au titre des frais exposés par lui et non compris dans dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 29 mars 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise par M. Y et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS et à M. Ahmed Y.


Synthèse
Formation : 7eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 266807
Date de la décision : 21/10/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 oct. 2005, n° 266807
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre Jouguelet
Rapporteur public ?: M. Boulouis

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:266807.20051021
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award