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27/06/2005 | FRANCE | N°260994

France | France, Conseil d'État, 5eme et 4eme sous-sections reunies, 27 juin 2005, 260994


Vu la requête, enregistrée le 13 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la COMMUNE DE ROGNONAS, représentée par son maire ; la COMMUNE DE ROGNONAS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté interpréfectoral du 8 août 2003 des préfets de Vaucluse, des Bouches-du-Rhône et du Gard autorisant la réalisation des ouvrages hydrauliques liés à la construction de la liaison routière est-ouest au sud d'Avignon ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice admin

istrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 92/43/CEE du...

Vu la requête, enregistrée le 13 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la COMMUNE DE ROGNONAS, représentée par son maire ; la COMMUNE DE ROGNONAS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté interpréfectoral du 8 août 2003 des préfets de Vaucluse, des Bouches-du-Rhône et du Gard autorisant la réalisation des ouvrages hydrauliques liés à la construction de la liaison routière est-ouest au sud d'Avignon ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;

Vu la directive n° 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 ;

Vu le décret n° 93-742 du 29 mars 1993 ;

Vu le décret n° 93-743 du 29 mai 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier de Lesquen, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat du ministre de l'écologie,

- les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'intervention de l'association pour la sauvegarde de l'environnement de Rognonas et de sa région, la fédération d'action régionale pour l'environnement - FARE SUD et l'association développement durable Alpilles Rhône Durance :

Considérant que les associations susmentionnées ont intérêt à l'annulation de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi leur intervention est recevable ;

Sur la régularité de l'arrêté attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article 8 du décret du 29 mars 1993 pris pour l'application de l'article 10 de la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau codifié à l'article L. 214-1 du code de l'environnement : Il est statué par arrêté conjoint des préfets lorsque l'ouvrage, l'installation, les travaux ou l'activité sont réalisés sur plus d'un département. / Toutefois, en cas de désaccord du maire de l'une des communes sur le territoire desquelles l'enquête a été ouverte, et si l'objet de l'enquête fait partie d'un projet d'infrastructure du domaine public fluvial d'un coût supérieur à 1 829 388 euros, il est statué par décret en Conseil d'Etat. ; que la réalisation des ouvrages hydrauliques liés à la construction de la liaison routière est-ouest au sud d'Avignon et faisant l'objet de l'autorisation délivrée par l'arrêté attaqué ne constituant pas un projet d'infrastructure du domaine public fluvial, le moyen tiré de ce que le désaccord du conseil municipal de Rognonas aurait privé les préfets de leur compétence pour accorder l'autorisation ne peut être accueilli ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 2 du décret du 29 mars 1993 : Toute personne souhaitant réaliser une installation, un ouvrage, des travaux ou une activité soumise à autorisation adresse une demande au préfet du département ou des départements où ils doivent être réalisés. / Cette demande (...) comprend : (...) / 4° Un document indiquant, compte tenu des variations saisonnières et climatiques, les incidences de l'opération sur la ressource en eau, le milieu aquatique, l'écoulement, le niveau et la qualité des eaux, y compris de ruissellement, ainsi que sur chacun des éléments mentionnés à l'article 2 de la loi du 3 janvier 1992 susvisée, en fonction des procédés mis en oeuvre, des modalités d'exécution des travaux ou de l'activité, du fonctionnement des ouvrages ou installations, de la nature, de l'origine et du volume des eaux utilisées ou concernées. Ce document précise, s'il y a lieu, les mesures compensatoires ou correctives envisagées et la compatibilité du projet avec le schéma directeur ou le schéma d'aménagement et de gestion des eaux et avec les objectifs de qualité des eaux prévus par le décret du 19 décembre 1991 susvisé. ;

Considérant que le dossier de demande d'autorisation soumis à enquête publique par le directeur départemental de l'équipement de Vaucluse comporte une analyse détaillée de l'impact du projet sur les eaux superficielles et énonce avec précision les mesures de protection envisagées pour en réduire les conséquences dommageables, alors même qu'elle ne prend pas en compte l'effet des polluants dispersés par le vent sur le milieu aquatique, dont il n'est pas contesté qu'il est difficilement évaluable ; que l'analyse des effets polluants générés par la circulation des véhicules est suffisante ; que l'effet des produits de traitement des sols sur les eaux a été précisément étudié ; que l'étude prend en compte l'impact des ouvrages sur les captages d'eau privés et prévoit des mesures destinées à prévenir les risques de pollution de ces ouvrages ; qu'en relevant que le maître d'ouvrage s'engage à rétablir les pertes qui seront occasionnées aux captages par la mise en place d'ouvrages de substitution, elle indique avec une précision suffisante les mesures correctrices envisagées ; que ce document comporte une évaluation des risques hydrauliques liés à la réalisation des ouvrages prenant en compte les effets de la création de la voie TGV, et une description suffisamment précise des dispositions tendant à prévenir ces risques ; que si la commune requérante soutient que la réalisation des ouvrages litigieux porte atteinte à une zone humide située entre les communes de Barbentane et Rognonas, dont l'existence résulterait d'une étude réalisée à sa demande en septembre 2003 qu'elle produit, il n'est pas établi qu'une autre zone humide que celle de la Courtine aurait dû être recensée dans le périmètre du projet ; qu'il ne ressort pas de l'examen du dossier que la sismicité du site et les risques d'inondation aient été étudiés de manière insuffisante ;

Considérant, en troisième lieu, que la commission d'enquête a émis un avis motivé à l'issue de l'analyse du projet, des observations qui ont été portées à sa connaissance et des réponses qu'y a apportées le maître d'ouvrage ; que la commission d'enquête n'était pas tenue de répondre à chacune des objections qui étaient opposées au projet ; qu'il n'est pas établi que la commission aurait volontairement occulté certaines des observations et fait preuve de partialité ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'en vertu de l'article 15 de la loi du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution, le comité national de l'eau a pour mission de donner son avis sur tous les projets d'aménagement et de répartition des eaux ayant un caractère national ainsi que sur les grands aménagements régionaux ; que l'autorisation délivrée par l'arrêté attaqué ne constituant ni un projet d'aménagement et de répartition des eaux ayant un caractère national, ni un grand aménagement régional au sens des dispositions précitées, le moyen tiré de ce que le comité national de l'eau n'a pas été consulté ne peut être accueilli ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au demandeur d'une autorisation délivrée sur le fondement de l'article L. 214-3 du code de l'environnement de recueillir l'avis des syndicats hydrauliques des communes avoisinantes ; que, dès lors, la circonstance que les syndicats hydrauliques d'Aramon, de Barbentane et de Tarascon n'ont pas été consultés, est sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué ;

Sur le bien-fondé de l'arrêté attaqué :

Considérant, en premier lieu, que si la COMMUNE DE ROGNONAS soutient que l'arrêté attaqué est pris sur le fondement de règles nationales qui méconnaîtraient les obligations qui découlent de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, et de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage, elle n'apporte à l'appui de ce moyen aucune précision qui permette d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant, en deuxième lieu, d'une part qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : I. - Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée de la ressource en eau (...) ; qu'aux termes de l'article L. 212-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : Un ou des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux fixent pour chaque bassin ou groupement de bassins les orientations fondamentales d'une gestion équilibrée de la ressource en eau, telle que prévue à l'article L. 211-1. Ils prennent en compte les principaux programmes arrêtés par les collectivités publiques et définissent de manière générale et harmonisée les objectifs de quantité et de qualité des eaux ainsi que les aménagements à réaliser pour les atteindre (...) Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec leurs dispositions. Les autres décisions administratives doivent prendre en compte les dispositions de ces schémas directeurs. ;

Considérant que le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Rhône-Méditerranée-Corse en date du 20 décembre 1996 fixe notamment pour orientations fondamentales de (...) poursuivre de façon généralisée la lutte contre la pollution sous toutes ses formes en amplifiant les efforts sur les rivières et les eaux souterraines, en développant une politique efficace de réduction de trois catégories de polluants à combattre en priorité : les nutriments (azote et phosphore), les micropolluants y compris radioactifs, la pollution bactériologique avec, en particulier, un objectif général et global de protection de la Méditerranée (...), de (...) planifier la lutte contre la pollution par une politique d'objectifs de qualité répondant aux besoins de tous les usages : eau potable, irrigation, eau industrielle, baignade, loisirs aquatiques, vie piscicole ... en considérant la santé publique comme la priorité absolue (...) et de (...) réserver l'exploitation des eaux souterraines en priorité aux usages qualitativement exigeants, de valoriser leurs potentialités et notamment, en tenant compte de leur vulnérabilité, celles des aquifères karstiques, et de développer leur gestion raisonnée. ; que, d'autre part, aux termes de l'article 13 du décret du 29 mars 1993 susvisé : Les conditions de réalisation, d'aménagement et d'exploitation des ouvrages ou installations, d'exécution des travaux ou d'exercice de l'activité doivent satisfaire aux prescriptions fixées par l'arrêté d'autorisation et, le cas échéant, par les arrêtés complémentaires. / Ces prescriptions tiennent compte, d'une part, des éléments énumérés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement, explicités par les schémas directeurs et les schémas d'aménagement et de gestion des eaux mentionnés aux articles L. 212-1 et L. 212-2, L. 212-3 à L. 212-17 du même code et, le cas échéant, des objectifs de qualité définis par le décret du 19 décembre 1991 susvisé et, enfin, de l'efficacité des techniques disponibles et de leur économie ; qu'en vertu du 7ème alinéa du même article, l'arrêté d'autorisation fixe les moyens d'analyse, de mesure et de contrôle de l'ouvrage, de l'installation, des travaux ou de l'activité et de surveillance de leurs effets sur l'eau et le milieu aquatique, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs résultats sont portés à la connaissance du préfet ; qu'aux termes du huitième alinéa du même article : Il fixe en outre, s'il y a lieu, les moyens d'intervention dont doit disposer, à tout moment, le bénéficiaire de l'autorisation en cas d'incident ou d'accident. ;

Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que l'arrêté d'autorisation mentionné ci-dessus soit accompagné d'une autorisation délivrée au titre de la législation sur les carrières lorsqu'il est envisagé de valoriser les produits de dragages ou d'arasement ; que l'arrêté attaqué fixe en son article 12 les mesures de suivi pendant la phase de chantier et la phase d'exploitation, ainsi que les modalités de leur transmission aux services placés sous l'autorité du préfet, conformément aux dispositions susmentionnées du septième alinéa de l'article 13 du décret du 29 mars 1993 ; qu'en confiant en son article 6 au pétitionnaire le soin de dresser un plan d'alerte en cas de pollution accidentelle d'une part pour la période des travaux avant le début de mise en place des installations de chantier et d'autre part pour la période d'exploitation six mois avant la mise en exploitation du premier tronçon et en prévoyant que ce plan devra être transmis pour accord à la direction départementale de l'action sanitaire et sociale et aux services en charge de la police des eaux et devra faire l'objet d'exercice une fois avant la mise en service et une fois tous les deux ans après, l'arrêté attaqué satisfait aux dispositions susmentionnées du huitième alinéa de l'article 13 du décret du 29 mars 1993 ; que l'article 10 de l'arrêté attaqué qui impose au pétitionnaire des mesures compensatoires destinées à préserver les caractéristiques de la zone humide de la Courtine, comporte des prescriptions suffisantes ;

Considérant ainsi que eu égard aux précautions que l'arrêté d'autorisation impose pour prévenir les risques de pollution des eaux de la Durance et du Rhône et des eaux souterraines, les risques d'inondation et les atteintes portées à la ressource en eau et à l'éco-système de la zone humide de la Courtine, il ne résulte de l'instruction ni que l'arrêté serait incompatible avec les orientations fondamentales du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Rhône-Méditerranée-Corse, ni que les préfets de Vaucluse, de Provence-Côte d'Azur et du Gard auraient fait une inexacte appréciation des exigences énumérées par l'article L. 211-1 du code de l'environnement et prescrit des mesures qui ne seraient pas proportionnées au but recherché de gestion équilibrée de la ressource en eau ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE ROGNONAS n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mises à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante les sommes que la COMMUNE DE ROGNONAS, l'association pour la sauvegarde de l'environnement de Rognonas et de sa région, la fédération d'action régionale pour l'environnement - FARE SUD et l'association développement durable Alpilles Rhône Durance demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge de la COMMUNE DE ROGNONAS la somme que l'Etat demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de l'association pour la sauvegarde de l'environnement de Rognonas et de sa région, la fédération d'action régionale pour l'environnement - FARE SUD et l'association développement durable Alpilles Rhône Durance est admise.

Article 2 : La requête de la COMMUNE DE ROGNONAS est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de l'association pour la sauvegarde de l'environnement de Rognonas et de sa région, la fédération d'action régionale pour l'environnement - FARE SUD et l'association développement durable Alpilles Rhône Durance et de l'Etat tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE ROGNONAS, à l'association pour la sauvegarde de l'environnement de Rognonas et de sa région, à la fédération d'action régionale pour l'environnement - FARE SUD, à l'association développement durable Alpilles Rhône Durance, au préfet de Vaucluse, au préfet des Bouches-du-Rhône, au préfet du Gard et au ministre de l'écologie et du développement durable.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 jui. 2005, n° 260994
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: M. Xavier de Lesquen
Rapporteur public ?: M. Chauvaux
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Formation : 5eme et 4eme sous-sections reunies
Date de la décision : 27/06/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 260994
Numéro NOR : CETATEXT000008233218 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-06-27;260994 ?
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