Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 6 avril et 30 juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Mohammed Y, demeurant ... ; Y demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 3 février 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement en date du 3 mai 2002 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de police du 7 novembre 2000 refusant son admission au séjour, ainsi que de la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant son recours hiérarchique dirigé contre ce refus d'admission ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler ce jugement et ces décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-François Mary, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. YX,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Y, ressortissant du Royaume du Maroc, né en 1956, avait séjourné en France pendant une longue durée, de façon régulière, avant de perdre le bénéfice de son titre de séjour, en 1992, à la suite d'une négligence commise par lui lors de son renouvellement ; que si Y est célibataire et sans enfant, il se trouve dans l'obligation d'assister dans la vie quotidienne son père, résident régulier, gravement malade et handicapé à 80 % ; que, par suite, la cour a inexactement qualité les faits de l'espèce, en estimant que la décision du préfet de police du 7 novembre 2000 refusant son admission au séjour, ainsi que la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant son recours hiérarchique, n'avaient pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi et n'avaient, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que Y est, dès lors, fondé à demander, pour ce seul motif, l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, en l'espèce, de régler l'affaire au fond ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision du préfet de police du 7 novembre 2000 refusant son admission au séjour ainsi que la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant son recours hiérarchique dirigé contre cette décision ont été prises en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, Y est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'eu égard à la situation de fait et de droit de Y prévalant à la date de la présente décision, il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de prescrire à l'autorité compétente la délivrance à Y d'un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros que Y demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 3 février 2004 et le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 3 mai 2002 sont annulés.
Article 2 : La décision du préfet de police du 7 novembre 2000 refusant l'admission au séjour de Y ainsi que la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant le recours hiérarchique de l'intéressé contre cette décision sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint à l'autorité compétente de délivrer à Y un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 4 : L'Etat versera à Y la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Mohammed YX et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.