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20/04/2005 | FRANCE | N°271833

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 20 avril 2005, 271833


Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Gilles Y, demeurant ... ; M. Y demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté la demande qu'il avait présentée le 24 juin 2004 tendant à ce qu'il soit admis à la retraite à compter du 1er janvier 2006 avec jouissance immédiate de sa pension ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur l'Union européenne et les

protocoles qui y sont annexés ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de r...

Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Gilles Y, demeurant ... ; M. Y demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté la demande qu'il avait présentée le 24 juin 2004 tendant à ce qu'il soit admis à la retraite à compter du 1er janvier 2006 avec jouissance immédiate de sa pension ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le décret n° 80-792 du 2 octobre 1980 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Chavanat, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice :

Considérant que M. Y a, par lettre en date du 24 juin 2004, sollicité sa mise à la retraite à compter du 1er janvier 2006 ; que, dès lors qu'à la date de sa demande, sa situation au regard de ses droits à la retraite pouvait être utilement appréciée, il pouvait demander à l'autorité administrative de prendre une décision le concernant ; qu'en statuant sur une telle demande, l'autorité administrative ne se borne pas à donner un avis, mais prend une décision qui fait grief, bien qu'elle soit prise sous la condition que les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde, n'auront pas changé à sa date d'effet ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 2 octobre 1980 : pour pouvoir bénéficier des dispositions du présent décret, le fonctionnaire, le magistrat ou le militaire relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite qui désire faire valoir ses droits à pension avant la limite d'âge doit déposer sa demande d'admission à la retraite six mois au moins avant la date à laquelle il souhaite cesser son activité. La décision de radiation des cadres doit intervenir dans les deux mois qui suivent le dépôt de la demande de mise à la retraite et, en tout état de cause, quatre mois au moins avant la date à laquelle elle prend effet. ; que ces dispositions qui fixent à l'administration une date avant laquelle sa décision doit être prise, n'ont pas pour effet de rendre prématurée une demande d'un agent qui serait présentée avant celle-ci ;

Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne : 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail ; que les pensions servies par le régime français de retraite des fonctionnaires entrent dans le champ d'application de ces stipulations ; que, nonobstant les stipulations de l'article 6, paragraphe 3, de l'accord annexé au protocole nº 14 sur la politique sociale, joint au traité sur l'Union européenne, le principe de l'égalité des rémunérations s'oppose à ce que la jouissance immédiate d'une pension de retraite, accordée aux personnes qui ont assuré l'éducation de trois enfants au moins, soit réservée aux femmes, alors que les hommes ayant assuré l'éducation de trois enfants au moins seraient exclus du bénéfice de cette mesure ;

Considérant que le a) du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, institue la jouissance immédiate de la pension et en réserve le bénéfice aux femmes fonctionnaires lorsqu'elles sont mères de trois enfants vivants ou décédés par faits de guerre ou les ont élevés pendant au moins neuf ans ; que, si ces dispositions ont été modifiées par l'article 136 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2004, la rédaction nouvelle qui résulte de cette modification ne peut, à la date de la présente décision, recevoir d'application, à défaut de l'intervention du décret en Conseil d'Etat permettant sa mise en oeuvre ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les dispositions applicables de l'article L. 24 précité sont incompatibles avec le principe d'égalité des rémunérations tel qu'il est affirmé par le traité instituant la Communauté européenne et par l'accord annexé au protocole nº 14 sur la politique sociale joint au traité sur l'Union européenne ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté la demande de M. Y, tendant à l'obtention de la jouissance immédiate de sa pension sur le fondement de l'article L. 24-I-3°) alors même qu'il aurait assuré l'éducation de ses quatre enfants, est entachée d'illégalité ; que, dès lors, M. Y est fondé à demander pour ce motif l'annulation de la décision attaquée

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté la demande présentée par M. Y, tendant à obtenir sa mise à la retraite et la jouissance immédiate de sa pension à compter du 1er janvier 2006 est annulée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Gilles Yet et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 20 avr. 2005, n° 271833
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Bonichot
Rapporteur ?: M. Bruno Chavanat
Rapporteur public ?: M. Aguila Yann

Origine de la décision
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 20/04/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 271833
Numéro NOR : CETATEXT000022810619 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-04-20;271833 ?
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