La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/11/2004 | FRANCE | N°237287

France | France, Conseil d'État, 7eme et 2eme sous-sections reunies, 19 novembre 2004, 237287


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 août et 13 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT INTERCOMMUNAL A VOCATION MULTIPLE (SIVOM) DE BENFELD, dont le siège est mairie de Benfeld, à Benfeld (67230) ; le SIVOM DE BENFELD demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 31 mai 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa demande d'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 14 mai 1996 en tant qu'il avait rejeté ses conclusions tendant à ce que la sociét

Haegele le garantisse des condamnations prononcées contre lui ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 août et 13 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT INTERCOMMUNAL A VOCATION MULTIPLE (SIVOM) DE BENFELD, dont le siège est mairie de Benfeld, à Benfeld (67230) ; le SIVOM DE BENFELD demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 31 mai 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa demande d'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 14 mai 1996 en tant qu'il avait rejeté ses conclusions tendant à ce que la société Haegele le garantisse des condamnations prononcées contre lui et l'a condamné à garantir la société Haegele à hauteur de la totalité des condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci par le jugement de ce tribunal ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil, notamment son article 1154 ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu le titre II de la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Christnacht, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat du SYNDICAT INTERCOMMUNAL A VOCATION MULTIPLE DE BENFELD,

- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'une pelleteuse appartenant à la société Haegle, le 15 mai 1991, en creusant une tranchée dans le cadre de travaux de pose de canalisations pour la réalisation d'un réseau public d'assainissement, dont le SIVOM DE BENFELD était maître d'ouvrage, a arraché un câble d'alimentation en électricité de la maison de M. X, y provoquant un incendie ; que, saisi par la victime du sinistre et par son assureur, la compagnie d'assurances Rhin et Moselle, le tribunal administratif de Strasbourg a, par un jugement en date du 14 mai 1996, déclaré le SIVOM DE BENFELD et la société Haegele entièrement et solidairement responsables des dommages causés par l'incendie ; que la cour administrative d'appel de Nancy, par un arrêt en date du 31 mai 2001, à l'encontre duquel le SIVOM DE BENFELD se pourvoit en cassation, a confirmé le jugement du tribunal administratif de Strasbourg sur ce point et a, en outre, condamné le SIVOM DE BENFELD à garantir la société Haegele à hauteur de la totalité des condamnations prononcées à l'encontre de cette dernière par le tribunal ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant que l'attribution de compétence donnée aux tribunaux de l'ordre judiciaire par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957 pour les dommages qui sont le fait d'un véhicule appartenant à une personne publique ou un entrepreneur de travaux publics n'est susceptible de recevoir application que pour autant que le dommage invoqué trouve sa cause déterminante dans l'action d'un véhicule ;

Considérant qu'en estimant que la juridiction administrative était compétente pour connaître du litige au motif que M. X et la compagnie d'assurances Rhin et Moselle avaient fondé leur action sur les conséquences dommageables subies par eux, en tant que tiers par rapport à des travaux publics et avaient demandé la condamnation solidaire de l'entreprise Haegele et du SIVOM DE BENFELD, lequel n'avait pas la garde de la pelleteuse, sans rechercher si le dommage dont la réparation était demandée trouvait ou non sa cause déterminante dans l'action du véhicule que constituait la pelleteuse, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit ; que, par suite, l'arrêt attaqué doit être annulé ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de régler l'affaire au fond par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise établi le 26 juin 1991, que la société Haegele ne disposait pas d'informations précises sur la présence et la localisation de câbles d'alimentation électrique à proximité de la maison de M. X ; que, par suite, les dommages résultant de l'incendie provoqué par l'arrachage d'un câble d'alimentation électrique par la pelleteuse mise en oeuvre par la société Haegele sont dus à une exécution défectueuse de travaux publics et n'ont pas leur cause déterminante dans l'action de ce véhicule ; que, dès lors, l'attribution de compétence donnée aux tribunaux de l'ordre judiciaire par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957 n'est pas susceptible de recevoir application en l'espèce ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait été incompétent pour connaître du litige ne peut qu'être écarté ;

Sur la responsabilité :

Considérant que même en l'absence de faute, le SIVOM DE BENFELD, maître de l'ouvrage et l'entreprise Haegele, chargée des travaux, sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime ;

Considérant que, si le SIVOM DE BENFELD et la société Haegele soutiennent qu'ils doivent être pour partie exonérés de leur responsabilité du fait des fautes commises par M. X, ils n'apportent aucun élément probant au soutien de ces allégations ; que, par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg les a déclarés entièrement et solidairement responsables des conséquences dommageables de l'incendie ;

Sur les conclusions d'appel en garantie présentées par le SYNDICAT INTERCOMMUNAL A VOCATION MULTIPLE (SIVOM) DE BENFELD à l'encontre de l'entreprise Haegele :

Considérant, en premier lieu, que la fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, l'entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n'étaient ni apparents ni connus à la date de la réception ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la réception définitive sans réserve des travaux à l'origine du dommage est intervenue le 4 octobre 1991 ; qu'à cette date, qui est postérieure à celle de l'incendie, les relations contractuelles entre le SIVOM DE BENFELD et la société Haege avaient pris fin ; que, dès lors, le SIVOM DE BENFELD ne peut plus mettre en cause la responsabilité contractuelle de cette société ;

Considérant, en second lieu, que dès lors que les travaux à l'origine des dommages ont été exécutés dans le cadre du marché de travaux publics passé entre le SIVOM DE BENFELD et la société Haegle, l'action en garantie entreprise par celui-ci à l'encontre de cette société ne peut avoir un fondement étranger aux rapports contractuels nés de ce marché ; qu'il suit de là que les conclusions du SIVOM DE BENFELD tendant à la condamnation de la société Haegele sur le fondement de sa responsabilité extra-contractuelle, de surcroît présentées pour la première fois devant le juge d'appel, ne peuvent être accueillies ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions d'appel en garantie présentées par le SIVOM DE BENFELD ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Haegele à l'encontre du SYNDICAT INTERCOMMUNAL A VOCATION MULTIPLE (SIVOM) DE BENFELD :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Haegele s'est fondée, pour demander à être garantie par le SIVOM DE BENFELD des condamnations prononcées à son encontre, sur la circonstance que la réception définitive des travaux avait été prononcée sans réserve et avait mis fin à leurs rapports contractuels, avant l'enregistrement au greffe du tribunal administratif de Strasbourg de la requête de M. X ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'indique ce tribunal dans son jugement, la société Haegele avait précisé sur quel fondement elle mettait en cause la responsabilité du SIVOM DE BENFELD ; que, par suite, cette société est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté, pour ce motif, ses conclusions aux fins de garantie par le SIVOM DE BENFELD ; que le jugement du tribunal administratif de Strasbourg doit, dans cette mesure, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, dès lors que la réception des travaux à l'origine des dommages avait été prononcée sans réserve, et qu'il n'est pas allégué que la société Haegele aurait pu être poursuivie au titre de la garantie décennale, cette société est fondée à demander à être garantie en totalité par le SIVOM DE BENFELD des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la compagnie d'assurances Rhin et Moselle et de M. X ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. X et de la compagnie d'assurances Rhin et Moselle la somme que le SIVOM DE BENFELD demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu non plus, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SIVOM DE BENFELD les sommes que M. StierX et l'entreprise Haegele demandent, en application des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 31 mai 2001 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par le SYNDICAT INTERCOMMUNAL A VOCATION MULTIPLE (SIVOM) DE BENFELD devant la cour administrative d'appel de Nancy et les conclusions de M. X et de l'entreprise Haegele devant cette cour tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 14 mai 1996 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'appel en garantie présentées par la société Haegele.

Article 4 : Le SYNDICAT INTERCOMMUNAL A VOCATION MULTIPLE (SIVOM) DE BENFELD est condamné à garantir la société Haegele à hauteur de la totalité des sommes mises à la charge de celle-ci par le tribunal administratif de Strasbourg dans son jugement en date du 14 mai 1996.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT INTERCOMMUNAL A VOCATION MULTIPLE (SIVOM) DE BENFELD, à la société Haegele, à M. X, à la compagnie d'assurances Rhin et Moselle et à la société d'électricité de Strasbourg.


Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 19 nov. 2004, n° 237287
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Alain Christnacht
Rapporteur public ?: M. Casas
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Formation : 7eme et 2eme sous-sections reunies
Date de la décision : 19/11/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 237287
Numéro NOR : CETATEXT000008193086 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-11-19;237287 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award