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08/10/2004 | FRANCE | N°254783

France | France, Conseil d'État, 2ème ssjs, 08 octobre 2004, 254783


Vu la requête, enregistrée le 6 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 14 janvier 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 19 septembre 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. C... A... ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention europ

enne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembr...

Vu la requête, enregistrée le 6 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 14 janvier 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 19 septembre 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. C... A... ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Martine Jodeau-Grymberg, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que si M. A..., ressortissant de la République algérienne, entré sur le territoire français pour la première fois en 1992, fait valoir qu'il réside depuis plus de dix ans en France auprès de sa mère et de sept de ses onze frères et soeurs, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, âgé de vingt-neuf ans à la date de l'arrêté du PREFET DE POLICE, est célibataire, sans enfant à charge et n'est pas dénué d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses quatre autres frères et soeurs ; que, si l'intéressé s'est marié, le 5 août 1995, à une ressortissante française, son mariage a été annulé par le Tribunal de grande instance de Versailles le 18 octobre 1999 en raison de la fraude dont il était entaché ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE POLICE en date du 19 septembre 2002 n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a, pour ce motif, annulé cet arrêté ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Paris et le Conseil d'Etat ;

Considérant que l'arrêté décidant la reconduite à la frontière de M. A...a été signé par M. B..., sous-directeur de l'administration des étrangers, qui bénéficiait d'une délégation de signature du PREFET DE POLICE en date du 11 juillet 2001, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture le 20 juillet 2001 ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente ;

Considérant que l'arrêté du 19 septembre 2002 contient les éléments de droit et de faits sur lesquels il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;

Considérant que si M. A...fait valoir qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter des observations écrites en méconnaissance des dispositions de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983, remplacées par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, il résulte de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, relatives à la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, et notamment des articles 22 et 22 bis qui ouvrent un recours suspensif devant le juge administratif, organisent les garanties dont bénéficie l'étranger pour pouvoir exercer utilement ce recours et fixent les délais dans lesquels ces recours doivent être présentés et jugés, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des arrêtés de reconduite à la frontière et, par suite, exclure l'application des dispositions précitées tant de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 que de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983, dont M. A... ne peut par conséquent utilement se prévaloir ;

Considérant que la circonstance que l'arrêté du 19 septembre 2002 aurait été irrégulièrement notifié à M. A..., est sans influence sur la légalité de cet arrêté ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision par laquelle le PREFET DE POLICE a refusé de délivrer à M. A...un titre de séjour lui a été notifiée le 13 avril 2000 ; que la décision contestée mentionnait les voies et délais de recours ; que, dès lors, la décision de refus de titre de séjour avait acquis, à la date d'enregistrement de la requête de M. A...devant le tribunal administratif de Paris, un caractère définitif ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision lui refusant un titre de séjour était illégale n'est pas recevable ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PRFEET DE POLICE ait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences que la mesure de reconduite pouvait avoir sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit : ... a) au conjoint algérien d'un ressortissant français ; ... f) au ressortissant algérien qui justifie par tous moyens résider en France depuis plus de quinze ans... " ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...est entré en France, pour la première fois, en 1992 ; qu'à la date de l'arrêté de reconduite à la frontière, il ne justifiait donc pas d'un séjour de plus de quinze ans ; que s'il entend exciper du mariage qu'il a contracté avec une ressortissante française le 5 août 1995 pour se prévaloir des stipulations du a) de l'article 7 bis précité, un tel moyen ne peut qu'être écarté, dès lors que ledit mariage a été annulé le 18 octobre 1999 par le tribunal de grande instance de Versailles ;

Considérant que si M. A...fait valoir que l'arrêté du 19 septembre 2002 a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un tel moyen est inopérant à l'appui d'un recours contre un arrêté de reconduite à la frontière ; qu'à supposer que l'intéressé ait entendu contester la décision distincte par laquelle le PREFET DE POLICE a décidé qu'il pourrait notamment être reconduit à destination du pays dont il a la nationalité, il n'apporte aucun élément susceptible d'établir la réalité des risques qu'il courrait à titre personnel en cas de retour en Algérie ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 19 septembre 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. A...à destination de l'Algérie ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à M. A...la somme que celui-ci demande pour les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 14 janvier 2003 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. A...présentées devant le Conseil d'Etat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. C... A...et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 2ème ssjs
Numéro d'arrêt : 254783
Date de la décision : 08/10/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 oct. 2004, n° 254783
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Martine Jodeau-Grymberg
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:254783.20041008
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