Vu la requête, enregistrée le 31 juillet 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 4 juin 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 20 mars 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. Moussa X ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Aladjidi, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà d'un délai d'un mois à compter de la date de notification de refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité ivoirienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision du 14 juin 2002 par laquelle le PREFET DE POLICE a rejeté la demande de titre de séjour qu'il avait présentée ; qu'il était ainsi dans le cas visé au 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet de police peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit (...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ;
Considérant qu'indépendamment de l'énumération faite par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'un arrêté d'expulsion pris en dehors des cas d'urgence absolue ou de nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant que M. X fait valoir qu'il réside en France depuis 1988 ; que le PREFET DE POLICE conteste cependant la réalité de la présence en France de M. X entre 1993 et 1995 ainsi qu'en 1999, attestée par des quittances de loyers et des reçus de transport urbain et de postes ainsi que par diverses attestations de personnes privées ; que la circonstance que certains de ces documents soient manuscrits et ne couvrent que quelques mois de l'année n'est en l'espèce pas de nature à atténuer la valeur probante de l'ensemble du dossier réuni par l'intéressé ; qu'ainsi, à la date à laquelle a été pris l'arrêté prononçant sa reconduite à la frontière, M. X justifiait résider habituellement en France depuis plus de dix ans et pouvait donc prétendre de plein droit à la délivrance d'une carte de séjour en application des dispositions précitées du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que, par suite, le PREFET DE POLICE ne pouvait, sans méconnaître ces dispositions, prendre à son encontre l'arrêté attaqué ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté en date du 20 mars 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;
Sur les conclusions présentées par M. X en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. X en application de l'article L. 761- du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Moussa X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.