Vu la requête, enregistrée le 8 novembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jacques X... demeurant 8 Place Marine à Maisons Laffitte (78600) et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 instituant une Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code civil ;
Vu l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental ;
Vu l'ordonnance n° 45-770 du 21 avril 1945 portant deuxième application de l'ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l'ennemi ou sous son contrôle et édictant la restitution aux victimes de ces actes de ceux de leurs biens qui ont fait l'objet d'actes de disposition ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mary, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la requête :
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er du décret attaqué : "Il est institué auprès du Premier ministre une commission chargée d'examiner les demandes individuelles présentées par les victimes ou par leurs ayants droit pour la réparation des préjudices consécutifs aux spoliations de biens intervenues du fait des législations antisémites prises, pendant l'Occupation, tant par l'occupant que par les autorités de Vichy. La commission est chargée de rechercher et de proposer les mesures de réparation, de restitution ou d'indemnisation appropriées." ; qu'aux termes de l'article 2 du même décret : "La commission s'efforce de parvenir à une conciliation entre les personnes intéressées. En cas d'échec de la conciliation, elle peut émettre toutes recommandations qui lui paraîtraient utiles." ; qu'eu égard à la mission qui lui est ainsi dévolue, la commission instituée par le décret attaqué présente le caractère d'un organisme administratif, dont les règles d'organisation et de fonctionnement ne constituent pas des principes fondamentaux "du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales", lesquels relèvent du domaine de la loi en vertu des dispositions de l'article 34 de la Constitution, mais ressortissent à la compétence de l'autorité investie du pouvoir réglementaire ; qu'aucune disposition applicable en l'espèce n'imposait la consultation préalable du Conseil d'Etat ;
Considérant, d'autre part, que, si le décret attaqué vise l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental, dont il ne constitue pas une mesure d'application, cette circonstance est sans influence sur sa légalité ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 8 du décret attaqué : "Les séances de la commission ne sont pas publiques." ; que, si le requérant soutient que ces dispositions seraient contraires aux stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, selon lequel toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement, il résulte des dispositions précitées des articles 1 et 2 du décret attaqué que, compte tenu des attributions qui lui sont dévolues, la commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation ne constitue pas un tribunal au sens desdites stipulations ;
Considérant, d'autre part, que, contrairement à ce que soutient le requérant, le décret attaqué n'a pour objet ni de constater la nullité de certains actes promulgués sur le territoire continental postérieurement au 16 juin 1940 et jusqu'au rétablissement du Gouvernement provisoire de la République française, ni de rouvrir la procédure de restitution prévue par l'ordonnance n° 45-770 du 21 avril 1945 édictant la restitution aux victimes des actes de spoliation accomplis par l'ennemi ou sous son contrôle de ceux de leurs biens qui ont fait l'objet d'actes de disposition ; que, dès lors, les moyens tirés de la violation de l'ordonnance du 9 août 1944, de l'ordonnance du 21 avril 1945 et de la prescription trentenaire prévue à l'article 2262 du code civil doivent être écartés ;
Considérant, enfin, que si, pendant l'Occupation de la France, plusieurs catégories de personnes ont été spoliées en application de différentes législations prises tant par l'occupant que par les autorités de Vichy, les personnes victimes de ces mesures dans le cadre de persécutions antisémites ont fait l'objet d'une politique d'extermination systématique ; qu'ainsi, en créant ladite commission, le Gouvernement a pu, sans méconnaître le principe constitutionnel d'égalité, en limiter la compétence à l'examen de la situation particulière des personnes persécutées dans ces conditions ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation du décret attaqué ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jacques X..., au garde des sceaux, ministre de la justice et au Premier ministre.