La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/05/2001 | FRANCE | N°203673

France | France, Conseil d'État, 7 / 5 ssr, 28 mai 2001, 203673


Vu, 1°) sous le n° 203673, le recours sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 19 janvier 1999 et 18 mai 1999, présentés pour le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT et le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA ; le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT et le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 19 novembre 1998 du conseil du contentieux administratif de Wallis et Futuna en tant que, par ce jugement, ce conseil a condamné soli

dairement l'Etat et le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA ...

Vu, 1°) sous le n° 203673, le recours sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 19 janvier 1999 et 18 mai 1999, présentés pour le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT et le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA ; le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT et le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 19 novembre 1998 du conseil du contentieux administratif de Wallis et Futuna en tant que, par ce jugement, ce conseil a condamné solidairement l'Etat et le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA à verser à la société en nom collectif Dumez et compagnie la somme de 38 720 927 francs CFP ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société en nom collectif Dumez et compagnie devant le conseil du contentieux administratif de Wallis et Futuna ;
3°) de condamner la société en nom collectif Dumez et compagnie et, le cas échéant, in solidum, la société anonyme Dumez et la société anonyme Dumez international, à payer d'une part à l'Etat, d'autre part au TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA, une somme de 25 000 francs en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu, 2°) sous le n° 204468, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 1er février 1999, présentée par le PREFET, ADMINISTRATEUR SUPERIEUR DU TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA ; le PREFET, ADMINISTRATEUR SUPERIEUR DU TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA, demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 19 novembre 1998 par lequel le conseil du contentieux administratif de Wallis et Futuna a condamné solidairement l'Etat et le territoire des îles Wallis et Futuna à verser à la société en nom collectif Dumez et compagnie la somme de 38 720 927 francs CFP ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 modifiée conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer ;
Vu les articles 160 de l'ordonnance du 21 août 1825 et 176 de l'ordonnance du 9 février 1827 ;
Vu le décret du 5 août 1881 concernant l'organisation et la compétence des conseils du contentieux administratif dans les colonies et réglementant la procédure à suivre devant ces conseils, ensemble le décret du 7 septembre 1881 le rendant applicable à toutes les colonies françaises ;
Vu le décret n° 90-199 du 28 février 1990 relatif à la présidence du conseil du contentieux administratif des îles Wallis et Futuna ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Peylet, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT et du TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA et de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de la société en nom collectif Dumez et Compagnie,

- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le recours du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT et la requête du TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA, d'une part, la requête du PREFET, ADMINISTRATEUR SUPERIEUR DU TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA, d'autre part, sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que la société en nom collectif Dumez et compagnie a, sous le nom commercial de société Dumez Calédonie, conclu avec l'Etat, par un acte d'engagement accepté le 7 mai 1993, un marché de travaux d'un montant de 140 045 000 francs CFP pour la construction de six kilomètres de la route territoriale n° 2 entre Holo et Fakatoï ; que la maîtrise d'.uvre était assurée par le service des travaux publics du territoire qui était par ailleurs chargé de réaliser préalablement la plate-forme de la route ; que l'entreprise a saisi le conseil du contentieux administratif de Wallis et Futuna d'une demande tendant, d'une part, à ce qu'elle soit indemnisée des coûts supplémentaires qu'elle a subis et des gains qu'elle a manqués du fait de l'allongement de la durée d'exécution des travaux dont l'Etat et le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA, qui ont tardé à livrer la plate-forme, ont été responsables, et, d'autre part, à ce que soit fixée la date d'achèvement de la garantie contractuelle ; que, par un jugement du 19 novembre 1998, le conseil du contentieux administratif de Wallis et Futuna, faisant partiellement droit à la demande de la société en nom collectif Dumez et compagnie, a condamné solidairement l'Etat et le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA à payer à celle-ci la somme de 38 720 927 francs CFP avec intérêts de droit à compter du 13 juin 1996 et a fixé la date de fin de garantie contractuelle à la date dudit jugement ; que le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT et le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA demandent l'annulation de ce jugement en tant qu'il les condamne au paiement de cette somme ;
Considérant que, si la société en nom collectif Dumez et compagnie s'est présentée en premier lieu devant le conseil du contentieux administratif comme venant aux droits de la société Dumez SA, elle a par la suite corrigé ses écritures et fait siennes, en qualité de titulaire du marché précité du 7 mai 1993, les conclusions présentées ; qu'il en résulte que le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT et le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA ne sont pas fondés à soutenir que la qualité en laquelle la société en nom collectif Dumez et compagnie s'était présentée devant les premiers juges ne lui conférait pas d'intérêt à agir ni que cette société n'avait pas établi cet intérêt et n'avait pas suffisamment précisé ses conclusions ; qu'ils ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que c'est à tort que le conseil du contentieux administratif a rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir qu'ils avaient opposée aux demandes de la société en nom collectif Dumez et compagnie ;

Considérant que l'ordre de service n° 3 du 19 juillet 1994 par lequel a été prolongée la durée d'exécution du marché n'a fait que tirer les conséquences du retard pris par les travaux ; que la faute à l'origine de ce retard, que la société en nom collectif Dumez et compagnie impute à l'Etat et au TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA, ne découle pas de cet ordre de service ; que, par suite, en ne contestant pas cet ordre de service, l'entreprise n'a pas pour autant admis l'allongement de la durée des travaux dont elle s'était au contraire antérieurement plainte ; que le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT et le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA ne sont donc pas fondés à soutenir que c'est à tort que le conseil du contentieux administratif a rejeté la fin de non recevoir tirée de l'acceptation sans réserve de l'ordre de service n° 3 du 19 juillet 1994, qu'ils avaient opposée à la demande de la société en nom collectif Dumez et compagnie tendant à ce que cette société soit indemnisée du chef de l'allongement de la durée des travaux ;
Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article 13-44 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché en cause que l'entrepreneur dispose d'un délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général par le maître de l'ouvrage pour faire valoir, dans un mémoire de réclamation adressé au maître d'oeuvre, ses éventuelles réserves ; qu'en adressant la réclamation qu'elle a présentée à l'encontre du décompte général du marché au PREFET, ADMINISTRATEUR SUPERIEUR DU TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA, qui, en cette dernière qualité, représentait le territoire, maître d'oeuvre, la société en nom collectif Dumez et compagnie s'est conformée aux stipulations de l'article 13-44 du cahier des clauses administratives générales ; que, l'ordre de service n° 9 par lequel le décompte général a été adressé à l'entreprise ne comportant pas la date à laquelle il lui a été notifié, la tardiveté de la réclamation présentée par l'entreprise n'est pas établie ; qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT et le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le conseil du contentieux administratif a rejeté leurs fins de non-recevoir relatives à la procédure de contestation du décompte général ;
Considérant que les constatations et constats contradictoires prévus à l'article 12 du cahier des clauses administratives générales, auxquels il doit être procédé en particulier, selon les stipulations de l'article 48, en cas d'ajournement et d'interruption des travaux, sont des moyens de preuve dont la réalisation n'est pas prescrite à peine d'irrecevabilité de l'action en réclamation ; qu'ainsi le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT et le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le conseil du contentieux administratif a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de l'article 48 du cahier des clauses administratives générales qu'ils avaient opposée à la demande de la société en nom collectif Dumez et compagnie tendant à l'indemnisation du préjudice né de l'immobilisation improductive de son matériel et de son personnel ;

Considérant que le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA, maître d'.uvre, devait exécuter en régie la plate-forme de la route à construire ; qu'il résulte de l'instruction que cette plate-forme n'a été terminée dans son intégralité que le 24 août 1994, alors que l'ordre de service n° 2 du 22 juin 1993 avait prescrit à l'entreprise de terminer les travaux dont elle était chargée, ce qu'elle ne pouvait faire qu'une fois la plate-forme achevée, avant le 23 janvier 1994 ; que c'est seulement le 22 juillet 1994 qu'a été notifié à l'entreprise l'ordre de service n° 3 par lequel la date limite d'achèvement des travaux a été reportée au 29 août 1994 ; qu'il en résulte que la responsabilité de l'Etat, maître de l'ouvrage, et du TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA, maître d'.uvre, qui ont tardé à livrer la plate-forme, est engagée dans l'allongement de la durée des travaux ; que, pour réclamer néanmoins des pénalités de retard à l'entreprise, l'Etat et le territoire ne peuvent utilement se prévaloir, à l'encontre de celle-ci, du caractère imprévisible des évènements qui seraient à l'origine du retard mis par l'administration à réaliser la plate-forme ; que l'absence de clause contractuelle prévoyant un délai de livraison de la plate-forme et l'application de pénalités en cas de dépassement de ce délai ne prive pas l'entreprise des droits qu'elle peut faire valoir à une indemnité en réparation du préjudice que lui a fait subir l'allongement des délais d'exécution du marché dû à un fait de l'administration ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le retard pris par les travaux aurait été aggravé par des fautes de l'entreprise ; qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT et le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le conseil du contentieux administratif, qui a suffisamment motivé son jugement sur ce point, a exonéré l'entreprise des pénalités de retard ;
Considérant toutefois que la société en nom collectif Dumez et compagnie a omis de demander, en application de l'article 12 du cahier des clauses administratives générales, qu'il fût procédé à des constatations contradictoires en ce qui concerne le stockage des matériaux et l'immobilisation de son matériel et de son personnel ; que, si elle allègue avoir dû utiliser un poste d'enrobage appartenant à une autre entreprise, elle n'établit pas qu'il en serait résulté une dépense supplémentaire ; que, dans ces conditions, la société en nom collectif Dumez et compagnie, ne justifie pas avoir subi un préjudice en ce qui concerne le stockage des matériaux, l'immobilisation du matériel et du personnel et l'utilisation du poste d'enrobage d'une autre entreprise ; qu'il en résulte que le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT et le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA sont fondés à soutenir que c'est à tort que le conseil du contentieux administratif les a condamnés à verser à la société en nom collectif Dumez et compagnie les sommes de 30 000 000 francs CFP et de 7 441 650 francs CFP au titre de ces chefs de préjudice ;

Considérant que, pour évaluer le coût des malfaçons et imperfections à la charge du titulaire du marché au titre de la garantie de parfait achèvement, le conseil du contentieux administratif a appliqué un taux de réfaction de 5 % sur le prix du béton bitumineux ; que la demande du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT et du TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA tendant à ce que ce taux soit porté à 10 % n'est pas accompagnée de précisions permettant d'en apprécier le bien fondé ; que, par suite, cette demande doit être rejetée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la somme que le conseil du contentieux administratif a condamné l'Etat et le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA à verser à la société en nom collectif Dumez et compagnie doit être ramenée de 38 720 927 francs CFP à 1 279 277 francs CFP ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 reprises à l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la société en nom collectif Dumez et compagnie à payer à l'Etat et au TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La somme de 38 720 927 francs CFP que l'Etat et le TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA ont été condamnés solidairement à verser à la société en nom collectif Dumez et compagnie par le jugement du 19 novembre 1998 du conseil du contentieux administratif de Wallis et Futuna est ramenée à 1 279 277 francs CFP.
Article 2 : Le jugement du 19 novembre 1998 du conseil du contentieux administratif de Wallis et Futuna est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT et de la requête du TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA est rejeté.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande de la société en nom collectif Dumez et compagnie devant le conseil du contentieux administratif de Wallis et Futuna est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au TERRITOIRE DES ILES WALLIS ET FUTUNA, à la société en nom collectif Dumez et compagnie et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-03-01-02-02 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION TECHNIQUE DU CONTRAT - CONDITIONS D'EXECUTION DES ENGAGEMENTS CONTRACTUELS EN L'ABSENCE D'ALEAS - MARCHES - RETARDS D'EXECUTION


Références :

Code de justice administrative L761-1
Instruction du 22 juin 1993
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation: CE, 28 mai. 2001, n° 203673
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Peylet
Rapporteur public ?: M. Piveteau

Origine de la décision
Formation : 7 / 5 ssr
Date de la décision : 28/05/2001
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 203673
Numéro NOR : CETATEXT000008043547 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2001-05-28;203673 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award