Vu la requête, enregistrée le 9 août 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Z... Luz X...
Y..., demeurant ... ; Mme GARAY Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 31 janvier 2000 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 décembre 1998 du préfet de police décidant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;
3°) de condamner l'Etat à verser la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 à l'avocat de la requérante qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle accordée à Mme GARAY Y... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Pignerol, Auditeur,
- les observations de la SCP Boulloche, Boulloche, avocat de Mme GARAY Y...,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme GARAY Y..., de nationalité péruvienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 6 juillet 1998, de la décision du préfet de police lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme GARAY Y... est venue en France en 1992 où résident régulièrement ses parents et son frère ; qu'elle apporte son soutien à sa mère et à sa belle-soeur, gravement malades, notamment en aidant cette dernière qui a trois enfants ; que la nécessité de ce soutien n'est pas contredit par la circonstance qu'elle a envisagé, à une date d'ailleurs postérieure à l'arrêté attaqué, un emploi à temps très partiel ; qu'il n'est pas contesté que la requérante n'a plus d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que, compte tenu de ces circonstances, l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontiière porte à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise ; que la requérante est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que la requérante a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dès lors qu'il déclare expressément renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à la SCP Boulloche la somme de 5 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 31 janvier 2000 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 7 décembre 1998 du préfet de police ordonnant la reconduite à la frontière de Mme GARAY Y... sont annulés.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer la somme de 5 000 F à la SCP Boulloche, avocat de Mme GARAY Y..., qui renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle dont bénéficie Mme GARAY Y....
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Z... Luz X...
Y..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.