Vu, enregistrée le 27 octobre 1992 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ordonnance du 22 octobre 1992 par laquelle, en vertu de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le président de la cour administrative d'appel de Nancy transmet au Conseil d'Etat la requête de la COMMUNE D'ALLIANCELLES (Marne), représentée par son maire en vertu d'une délibération du 15 septembre 1992 du conseil municipal, enregistrée le 13 octobre 1992 au greffe de la Cour ; la COMMUNE D'ALLIANCELLES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 juillet 1992 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a, sur déféré du préfet de la Marne, annulé la délibération du 8 décembre 1989 par laquelle le conseil municipal d'Alliancelles a décidé de mettre en adjudication son droit de pêche sur la rivière l'Ornain ;
2°) de rejeter le déféré du préfet de la Marne ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 15 avril 1829 ;
Vu l'ordonnance du 10 juillet 1835 ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 62-1448 du 24 novembre 1962
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lambron, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de la COMMUNE D'ALLIANCELLES,
- les conclusions de Mme Hubac, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par délibération en date du 8 décembre 1989, le conseil municipal de la COMMUNE D'ALLIANCELLES (Marne) a adjugé le droit de pêche dans la rivière Ornain ; que, sur déféré du préfet de la Marne, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a annulé cette délibération ;
Sur la légalité de l'ordonnance royale du 10 juillet 1835 :
Considérant que la COMMUNE D'ALLIANCELLES conteste en premier lieu, la légalité de l'ordonnance royale du 10 juillet 1835 en tant qu'elle a classé au nombre des fleuves, rivières, canaux et portions de fleuves et de rivières dans lesquels la pêche serait exercée au profit de l'Etat, la rivière Ornain "sur tout son cours jusqu'au confluent de la Saulx", mais que la commune n'est plus recevable à demander l'annulation de cet acte qui a été régulièrement publié au bulletin des lois le 16 septembre 1835 ;
Sur le droit de pêche dans la rivière Ornain :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens de la requête :
Considérant que la COMMUNE D'ALLIANCELLES soutient en second lieu que l'"indemnité préalable" à laquelle, en vertu de l'article 3 de la loi du 15 avril 1829, avaient droit "dans le cas où des cours d'eau seraient rendus ou déclarés navigables ou flottables, les propriétaires qui seront privés du droit de pêcher" ne lui a jamais été versée alors qu'elle remplissait les conditions pour l'obtenir, que cette circonstance a fait obstacle au transfert à l'Etat du droit de pêche qu'elle détenait dans la rivière Ornain avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance royale du 10 juillet 1835 et qu'elle a donc pu légalement, par la délibération attaquée, procéder à l'adjudication de ce droit de pêche ; que la solution de ce litige est subordonnée au point de savoir si la COMMUNE D'ALLIANCELLES était titulaire d'un droit de pêche dans la rivière Ornain avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance royale du 10 juillet 1835 et si elle a continué à détenir ce droit, nonobstant l'intervention de ladite ordonnance, faute d'avoir reçu l'indemnité préalable prévue par l'article 3 de la loi du 15 avril 1829 ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 235-3 du code rural, "les contestationsentre l'administration et les adjudicataires relatives à l'interprétation et à l'exécution des conditions des baux et adjudications, et toutes celles qui s'élèvent entre l'administration ou ses cocontractants et des tiers intéressés à raison de leurs droits ou de leurs propriétés, sont portées devant le tribunal de grande instance" ; qu'il n'appartient dès lors qu'à l'autorité judiciaire de trancher la question soulevée par la COMMUNE D'ALLIANCELLES ;
Considérant qu'eu égard au caractère sérieux de la contestation soulevée, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de surseoir à statuer sur la requête de la COMMUNE D'ALLIANCELLES jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur cette question préjudicielle ;
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de la COMMUNE D'ALLIANCELLES dirigée contre le jugement du 7 juillet 1992 du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de savoir si la COMMUNE D'ALLIANCELLES était titulaire d'un droit de pêche dans la rivière Ornain avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance royale du 10 juillet 1835 et si elle a continué à détenir ce droit, nonobstant l'intervention de ladite ordonnance, faute d'avoir reçu l'indemnité préalable prévue par l'article 3 de la loi du 15 avril 1829. La COMMUNE D'ALLIANCELLES devra justifier dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision de sa diligence à saisir de cette question la juridiction compétente.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE D'ALLIANCELLES, au préfet de la Marne et au ministre de l'intérieur.