La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/01/1998 | FRANCE | N°159885

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 19 janvier 1998, 159885


Vu la requête enregistrée le 7 juillet 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Maurice X..., demeurant ... ; M. MESPLET demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 5 mai 1994 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir annulé le jugement du 6 avril 1989 du tribunal administratif de Bordeaux, n'a que partiellement fait droit à sa demande en décharge de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1984 et 1985, et a, sur recours du ministre du budget, d'une part, réformé le jugement du 31 décembre 1

991 du tribunal administratif de Bordeaux qui lui avait accordé ...

Vu la requête enregistrée le 7 juillet 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Maurice X..., demeurant ... ; M. MESPLET demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 5 mai 1994 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir annulé le jugement du 6 avril 1989 du tribunal administratif de Bordeaux, n'a que partiellement fait droit à sa demande en décharge de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1984 et 1985, et a, sur recours du ministre du budget, d'une part, réformé le jugement du 31 décembre 1991 du tribunal administratif de Bordeaux qui lui avait accordé une réduction de l'impôt sur le revenu qui lui a été assigné au titre de l'année 1988, d'autre part, remis à sa charge cette imposition, calculée sur une base fixée à 74 677 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Maïa, Auditeur,
- les observations de la SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. Maurice MESPLET,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;

En ce qui concerne les conclusions du pourvoi dirigées contre l'arrêt du 5 mai 1994 de la cour administrative d'appel de Bordeaux, en tant que celle-ci se prononce sur la requête de M. MESPLET ayant trait à l'impôt sur le revenu qui lui a été assigné au titre de l'année 1985 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés au soutien de ces conclusions :
Considérant que, par une décision du 18 octobre 1993, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 12 février 1991, par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux avait rejeté la requête de M. MESPLET dirigée contre le jugement du 6 avril 1989 du tribunal administratif de Bordeaux, rejetant sa demande en décharge de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1984 et 1985, et a renvoyé l'affaire devant cette cour ; que par l'effet de cette décision du Conseil d'Etat, la cour s'est trouvée saisie de plein droit de la requête de M. MESPLET ; qu'avant d'y statuer à nouveau, elle devait faire connaître aux parties, qui n'avaient pas présenté d'observations après la cassation de son arrêt du 12 février 1991, qu'il leur était loisible de produire, dans le délai qu'il lui appartenait de fixer, les mémoires qu'il leur paraîtrait opportun de lui adresser ; qu'il est constant que la cour a rendu son arrêt sans avoir mis les parties à même de produire de tels mémoires ; que la faculté, qui leur a été donnée par la Cour, de présenter des observations orales à l'audience, mais sans qu'elles puissent, à ce stade, invoquer des moyens nouveaux à l'appui de leurs conclusions, ne leur a pas permis de faire valoir pleinement leurs droits ; qu'ainsi, M. MESPLET est fondé à soutenir que l'arrêt attaqué a été rendu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;
Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987 : "Lorsque l'affaire fait l'objet d'un deuxième pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire" ; qu'en vertu de cette disposition, il appartient au Conseil d'Etat de se prononcer définitivement sur la requête présentée par M. MESPLET devant la cour administrative d'appel de Bordeaux ;
Sur la régularité de la procédure d'établissement de l'imposition assignée à M.
X...
, au titre de l'année 1985 :
Considérant que M. MESPLET a annexé à sa déclaration de revenus de l'année 1985 des documents faisant état des sommes qu'il avait acquittées au cours de cette année en exécution d'engagements de caution souscrits par lui au bénéfice de la société anonyme "Etablissements X...", dont il était alors le président-directeur général ; qu'il est constant toutefois, qu'il n'a opéré, de ce chef, aucune déduction sur les revenus portés dans cette déclaration ; qu'ainsi, en établissant l'impôt sur la base des revenus déclarés par M. MESPLET, l'administration n'a procédé à aucun redressement qui l'eut obligée à suivre la procédure contradictoire prévue par l'article L. 55 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé de l'imposition établie au titre de l'année 1985 :

Considérant qu'aux termes de l'article 83 du code général des impôts, relatif à l'imposition des traitements et salaires, "le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut les sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés ... : 3° les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales" ; que l'article 156-I du même code dispose que "le déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus" est déduit du revenu global du contribuable et que, dans le cas où ce revenu "n'est pas suffisant pour que l'imputation soit intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes, jusqu'à la cinquième année inclusivement" ;
Considérant qu'en vertu de ces dispositions, les sommes qu'un salarié qui, s'étant rendu caution d'une obligation souscrite par la société dont il est le dirigeant de droit ou de fait, a dû payer au créancier de cette dernière, sont déductibles de son revenu imposable de l'année au cours de laquelle le paiement a été effectué, à condition que son engagement comme caution se rattache directement à sa qualité de dirigeant, qu'il ait été pris en vue de servir les intérêts de l'entreprise et qu'il n'ait pas été hors de proportion avec les rémunérations allouées à l'intéressé ou qu'il pouvait escompter au moment où il l'a contracté ; que, dans le cas de versements effectués en exécution d'engagements multiples souscrits sur plusieurs années, le caractère déductible des sommes payées doit être apprécié par référence au montant total des engagements pris et est subordonné à la condition que l'engagement au titre duquel les paiements ont été effectués n'ait pas eu pour effet, à la date à laquelle il a été pris, de porter le montant cumulé des cautions données par le contribuable à des sommes hors de proportion avec la rémunération annuelle qu'il percevait ou pouvait escompter au titre de l'année en cause ; que, lorsque l'engagement souscrit ne respecte pas cette condition, les sommes versées à ce titre sont néanmoins déductibles dans la limite du plafond ainsi fixé, diminué de la différence entre le total des engagements souscrits antérieurement à l'année en cause et les remboursements effectués jusqu'au terme de cette même année ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. MESPLET s'est personnellement porté caution des obligations souscrites par la société anonyme "Etablissements X..." auprès de divers organismes qui lui avaient consenti des avances, pour un montant illimité en 1975 et en 1978 et pour des montants de 450 000 F en 1982 et de 250 000 F en 1983 ; qu'après la mise en règlement judiciaire de la société, prononcée le 30 août 1983, M. MESPLET a dû, en exécution de ses engagements de caution, payer, en 1985, une somme totale de 1 206 447 F, se rapportant, à concurrence de 275 000 F, à l'engagement souscrit en 1975, à concurrence de 129 425 F, à l'engagement souscrit en 1978, à concurrence de 208 440 F, à l' engagement souscrit en 1982 et à concurrence de 593 585 F, à l' engagement souscrit en 1983 ;

Considérant que l'engagement de caution souscrit, en 1975, dans l'intérêt de la société anonyme "Etablissements X..." par M. MESPLET était hors de proportion avec la rémunération d'environ 200 000 F qu'il a perçue en 1985 ; que les sommes versées au titre de cet engagement peuvent cependant être admises en déduction, dans la limite d'un plafond de 600 000 F ; qu'en revanche, les versements effectués en exécution des engagementsultérieurement souscrits par M. MESPLET, ne sont pas déductibles, dès lors qu'aux dates respectives auxquelles ils ont été souscrits, ils se sont ajoutés à un premier engagement, encore en vigueur, dont le montant, illimité, a eu, par lui-même, pour effet de porter le total des engagements contractés à un montant hors de proportion avec les rémunérations perçues par M. MESPLET au cours des années où il a contracté les engagements ultérieurs ; que, par suite, aucun des versements correspondant à des engagements postérieurs à celui de 1975, n'était déductible ; qu'en revanche, M. MESPLET est fondé à demander que la somme de 275 000 F, payée en exécution de la caution qu'il avait donnée en 1975, soit déduite de son revenu imposable de 1985 ; que, toutefois, compte tenu de la réduction de 135 000 F apportée à cette base imposable par le dégrèvement prononcé en sa faveur, le 19 octobre 1992, la réduction à laquelle il a droit doit être limitée à 140 000 F ; que M. MESPLET n'est que, dans cette mesure, fondé à demander la réformation du jugement du 6 avril 1989 du tribunal administratif de Bordeaux ;
En ce qui concerne les conclusions du pourvoi dirigées contre l'arrêt du 5 mai 1994 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant que celle-ci a, sur le recours du ministre du budget, réformé le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 31 décembre 1991 qui avait accordé à M. MESPLET une réduction de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1988 et remis à sa charge cette imposition, sur une base fixée à 74 677 F :
Considérant qu'au soutien de ces conclusions, M. MESPLET se borne à faire valoir que la cour administrative d'appel a omis de prononcer, dans le dispositif de son arrêt du 5 mai 1994, la jonction de sa requête et du recours du ministre du budget ; que cette omission est sans influence sur la régularité de l'arrêt de la cour ;
Article 1er : L'arrêt du 5 mai 1994 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé, en tant que celle-ci statue sur la requête de M. MESPLET tendant à l'annulation du jugement du 6 avril 1989 du tribunal administratif de Bordeaux et à ce que lui soit accordée la décharge de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1985.
Article 2 : La base de l'impôt sur le revenu assigné à M. MESPLET au titre de l'année 1985 est réduite de 140 000 F.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 avril 1989 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. MESPLET dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 avril 1989 est rejeté.
Article 5 : Les conclusions du pourvoi de M. MESPLET dirigées contre l'arrêt du 5 mai 1994, de la cour administrative d'appel de Bordeaux, en tant que celle-ci statue sur le recours du ministre du budget tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 31 décembre 1991, accordant à M. MESPLET une réduction de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1988, sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Maurice MESPLET et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-07-02-02-01,RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - TRAITEMENTS, SALAIRES ET RENTES VIAGERES - DEDUCTIONS POUR FRAIS PROFESSIONNELS - FRAIS REELS - SOMMES VERSEES EN EXECUTION D'UN ENGAGEMENT DE CAUTION -Cas de versements effectués en exécution d'engagements multiples - Appréciation de la proportion avec la rémunération - Prise en compte du montant cumulé des cautions données (1) - Calcul des sommes restant déductibles en cas de disproportion de ce montant cumulé avec la rémunération - Déductibilité dans la limite du plafond calculé en fonction de la rémunération diminué de la différence entre les engagements des années précédentes et les remboursements effectués jusqu'au terme de l'année.

19-04-02-07-02-02-01 Les sommes qu'un salarié qui, s'étant rendu caution d'une obligation souscrite par la société dont il est le dirigeant de droit ou de fait, a dû payer au créancier de cette dernière, sont déductibles de son revenu imposable de l'année au cours de laquelle le paiement a été effectué, à condition que son engagement comme caution se rattache directement à sa qualité de dirigeant, qu'il ait été pris en vue de servir les intérêts de l'entreprise et qu'il n'ait pas été hors de proportion avec les rémunérations allouées à l'intéressé ou qu'il pouvait escompter au moment où il l'a contracté. Dans le cas de versements effectués en exécution d'engagements multiples souscrits sur plusieurs années, le caractère déductible des sommes payées doit être apprécié par référence au montant total des engagements pris et est subordonné à la condition que l'engagement au titre duquel les paiements ont été effectués n'ait pas eu pour effet, à la date à laquelle il a été pris, de porter le montant cumulé des cautions données par le contribuable à des sommes hors de proportion avec la rémunération annuelle qu'il percevait ou pouvait escompter au titre de l'année en cause (1). Lorsque l'engagement souscrit ne respecte pas cette condition, les sommes versées à ce titre sont néanmoins déductibles dans la limite du plafond ainsi fixé, diminué de la différence entre le total des engagements souscrits antérieurement à l'année en cause et les remboursements effectués jusqu'au terme de cette même année.


Références :

CGI 83, 156
CGI Livre des procédures fiscales L55
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11

1.

Cf. CE, 1993-10-18, Mesplet, p. 293


Publications
Proposition de citation: CE, 19 jan. 1998, n° 159885
Mentionné aux tables du recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: M. Maïa
Rapporteur public ?: M. Arrighi de Casanova

Origine de la décision
Formation : 8 / 9 ssr
Date de la décision : 19/01/1998
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 159885
Numéro NOR : CETATEXT000007947286 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1998-01-19;159885 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award