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29/12/1997 | FRANCE | N°124562

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 29 décembre 1997, 124562


Vu la requête enregistrée le 28 mars 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION ORNITHOLOGIQUE ET MAMMALOGIQUE DE SAONE-ET-LOIRE, représentée par son président en exercice domicilié en cette qualité ... ; l'ASSOCIATION ORNITHOLOGIQUE ET MAMMALOGIQUE DE SAONE-ET-LOIRE demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'article 6 du décret n° 86-571 du 14 mars 1986 disposant que les espèces de gibier d'eau peuvent être chassées en

France jusqu'au dernier jour de février, à l'exception du canard c...

Vu la requête enregistrée le 28 mars 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION ORNITHOLOGIQUE ET MAMMALOGIQUE DE SAONE-ET-LOIRE, représentée par son président en exercice domicilié en cette qualité ... ; l'ASSOCIATION ORNITHOLOGIQUE ET MAMMALOGIQUE DE SAONE-ET-LOIRE demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'article 6 du décret n° 86-571 du 14 mars 1986 disposant que les espèces de gibier d'eau peuvent être chassées en France jusqu'au dernier jour de février, à l'exception du canard colvert dont la chasse n'est permise que jusqu'au 15 février ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive n° 79-409/CEE du 2 avril 1979 ;
Vu le code rural ;
Vu la loi n° 94-591 du 15 juillet 1994 ;
Vu la directive n° 86-571 du 14 mars 1986 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lerche, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions du ministre de l'environnement tendant au non lieu à statuer :
Considérant que si le ministre de l'environnement fait valoir que le décret du 14 mars 1986 n'est plus en vigueur depuis l'intervention de la loi du 15 juillet 1994 qui a fixé les dates de clôture de la chasse, cette loi n'était pas intervenue à la date du refus implicite d'abroger ce décret qui a produit des effets jusqu'à l'intervention de la loi ; qu'ainsi les conclusions a fin de non-lieu doivent être écartées ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le Premier ministre :
Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ; qu'en se fondant sur les dispositions de l'article 7 de la directive n° 79-409/CEE du 2 avril 1979, l'ASSOCIATION ORNITHOLOGIQUE ET MAMMALOGIQUE DE SAONE-ET-LOIRE a demandé le 30 octobre 1990 au Premier ministre d'abroger l'article 6 du D 86-571 du 14 mars 1986 en tant qu'il laisse au préfet, en contradiction avec la directive communautaire, la faculté d'autoriser la chasse au gibier d'eau jusqu'au dernier jour de février ; que le Premier ministre n'ayant pas répondu à cette demande dans le délai de quatre mois, il en est résulté une décision implicite de rejet que l'association requérante a contestée pour excès de pouvoir dans le délai de recours contentieux ;
Considérant qu'il ressort clairement des stipulations de l'article 189 du traité du 25 mars 1957 que les directives du conseil des communautés économiques européennes lient les Etats-membres "quant au résultat à atteindre" ; que si pour atteindre le résultat qu'elles définissent, les autorités nationales, qui sont tenues d'adapter la législation et la réglementation des Etats-membres aux directives qui leur sont destinées, restent seules compétentes pour décider de la forme à donner à l'exécution de ces directives et pour fixer elles-mêmes, sous le contrôle des juridictions nationales, les moyens propres à leur faire produire leurs effets en droit interne, ces autorités ne peuvent légalement édicter des dispositions réglementaires qui seraient contraires aux objectifs définis par les directives dont s'agit ;
Considérant que, selon les dispositions de l'article 7 paragraphe 4 de la directive du conseil n° 79-409 du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages, les Etats-membres "veillent en particulier à ce que les espèces auxquelles s'applique la législation de la chasse ne soient pas chassées pendant la période nidicole ni pendant les différents stades de reproduction et de dépendance ; lorsqu'il s'agit d'espèces migratrices, ils veillent en particulier à ce que les espèces auxquelles s'applique la législation de la chasse ne soient pas chassées pendant leur période de reproduction et pendant leur trajet de retour vers leur lieu denidification" ;

Considérant qu'il ressort des différentes études scientifiques et notamment du rapport réalisé conjointement, en mars 1989, par le Muséum national d'histoire naturelle et par l'Office national de la chasse que pour certaines espèces de gibier d'eau le mois de février correspond au début de leur retour vers leur lieu de nidification ; qu'ainsi en autorisant la chasse jusqu'au 15 février pour le canard colvert, et uniformément jusqu'au dernier jour de février pour toutes les autres espèces de gibier d'eau, l'article 6 du décret du 14 mars 1986 a été pris en méconnaissance des objectifs fixés par la directive européenne ; que la disposition attaquée est par suite, dans cette mesure, illégale ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le Premier ministre a illégalement refusé, dans les limites ci-dessus précisées, de déférer à la demande de l'ASSOCIATION ORNITHOLOGIQUE ET MAMMALOGIQUE DE SAONE-ET-LOIRE tendant à l'abrogation de l'article 6 du décret du 14 mars 1986 en tant qu'il laisse au préfet la faculté d'autoriser la chasse au gibier jusqu'au dernier jour de février ;
Article 1er : La décision implicite de rejet attaquée est annulée en tant qu'elle refuse l'abrogation de l'article 6 du décret du 14 mars 1986 en ce qu'il autorise la chasse au canard colvert jusqu'au 15 février et jusqu'au dernier jour de février pour tous les autres gibiers d'eau quelle que soit leur espèce.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION ORNITHOLOGIQUE ET MAMMALOGIQUE DE SAONE-ET-LOIRE, au Premier ministre et au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.


Synthèse
Formation : 6 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 124562
Date de la décision : 29/12/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

03-08 AGRICULTURE, CHASSE ET PECHE - CHASSE.


Références :

Décret 86-571 du 14 mars 1986 art. 6
Loi 94-591 du 15 juillet 1994


Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 1997, n° 124562
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lerche
Rapporteur public ?: M. Piveteau

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:124562.19971229
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