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17/12/1997 | FRANCE | N°180759

France | France, Conseil d'État, 4 ss, 17 décembre 1997, 180759


Vu la requête, enregistrée le 20 juin 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-CORSE ; il demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 24 mai 1996 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bastia a annulé son arrêté du 21 mai 1996 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Najat X..., épouse Y... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y... devant ledit tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sa

uvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance ...

Vu la requête, enregistrée le 20 juin 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-CORSE ; il demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 24 mai 1996 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bastia a annulé son arrêté du 21 mai 1996 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Najat X..., épouse Y... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y... devant ledit tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mion, Auditeur,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de Mme Najat X... épouse Y...,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y..., ressortissante marocaine, est entrée en France le 9 septembre 1991 sous couvert d'un visa valable pour une durée de vingt jours ; qu'elle s'est irrégulièrement maintenue sur le territoire au-delà de la date d'expiration de ce visa, sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il est constant qu'à la date de l'arrêté contesté, elle se trouvait dans l'un des cas, prévus par l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, dans lesquels le préfet peut ordonner la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Sur la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1°- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant que si Mme Y... fait valoir qu'elle vit en France avec son mari, ressortissant marocain séjournant régulièrement en France, et leur fils né en 1993, il ne résulte pas des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des conditions du séjour en France de Mme Y... et des attaches familiales conservées par l'intéressée au Maroc, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, notamment à la circonstance que ladite mesure ne fait pas obstacle à ce que son mari demande le bénéfice de la législation sur le regroupement familial, l'arrêté contesté ait porté au droit de Mme Y... au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bastia s'est fondé sur la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté en date du 21 mai 1996 par lequel le PREFET DE LA HAUTE CORSE a ordonné la reconduite à la frontière de Mme Y... ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Y... devant le tribunal administratif de Bastia ;
Sur le défaut de motivation :
Considérant que l'arrêté contesté, qui énonce les considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé ;
Sur l'erreur manifeste d'appréciation :

Considérant qu'il ne résulte des pièces du dossier relatives à l'état de santé de Mme Y... ni qu'elle serait hors d'état de supporter un voyage, ni que le traitement médical qu'elle suit ne pourrait lui être prodigué qu'en France ; que, dans ces conditions, en ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y..., le PREFET DE LA HAUTE-CORSE n'a pas commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la gravité des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE CORSE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bastia a annulé son arrêté du 21 mai 1996 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y... ;
Article 1er : Le jugement susvisé du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bastia en date du 24 mai 1996 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme Y... devant le tribunal administratif de Bastia est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA HAUTE-CORSE, à Mme Najat X... épouse Y... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 4 ss
Numéro d'arrêt : 180759
Date de la décision : 17/12/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22


Publications
Proposition de citation : CE, 17 déc. 1997, n° 180759
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mion
Rapporteur public ?: M. Schwartz

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:180759.19971217
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