Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mai et 19 juin 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le PREFET DE LA GIRONDE ; il demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 21 avril 1995 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 9 mars 1995 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Erdogan Y..., de nationalité turque ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mion, Auditeur,
- les observations de Me Roué-Villeneuve, avocat de M. Y...,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il résulte de l'examen de la minute du jugement attaqué, que le mémoire en défense présenté par le PREFET DE LA GIRONDE le 21 avril 1995 a été visé ; que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement manque donc en fait ;
Sur la légalité de l'arrêté du 9 mars 1995 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Y... :
Considérant qu'aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, dans sa rédaction résultant de la loi n° 89-548 du 2 août 1989, en vigueur à la délivrance, le 14 août 1991, d'une carte de résident à M. Y... : "La carte de résident est délivrée de plein droit ( ...) 1°) au conjoint étranger d'un ressortissant de nationalité française" ; que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le préfet, s'il est établi de façon certaine que le mariage d'un ressortissant étranger avec un conjoint de nationalité française a été contracté dans le but exclusif d'obtenir un titre de séjour, fasse échec à cette fraude et retire, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la carte de résident délivrée à l'intéressé ;
Considérant que le PREFET DE LA GIRONDE a, par arrêté du 9 mars 1995, ordonné la reconduite à la frontière de M. Y... qui s'était maintenu sur le territoire national au delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du retrait de la carte de résident à lui délivrée le 14 août 1991, pour une durée de dix ans, en sa qualité de conjoint d'une ressortissante de nationalité française ; que le PREFET DE LA GIRONDE a fondé sa décision de retrait de la carte de résident de M. Y... sur la circonstance que le mariage contracté par l'intéressé le 2 mars 1991 avec Mme Anne-Marie X..., de nationalité française, dont il a divorcé le 5 janvier 1993, aurait eu pour objet exclusif l'obtention d'un titre de séjour au bénéfice de M. Y... et aurait eu de ce fait un caractère fictif ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le mariage de M. Y... et de Mme X... ait été contracté dans le but exclusif d'obtenir pour M. Y... une carte de résident ; qu'au demeurant, par un jugement en date du 24 juin 1996, le tribunal de grande instance de Bordeaux a rejeté la demande du procureur de la République de Bordeaux tendant à l'annulation du mariage de M. Y... et de Mme X... ; que le moyen tiré, par voie d'exception, par M. Y... de l'illégalité de l'arrêté du PREFET DE LA GIRONDE du 5 janvier 1995 lui ayant retiré sa carte de résident doit donc être accueilli et entraîne par voie de conséquence l'annulation de l'arrêté du 9 mars 1995 ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA GIRONDE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué parle président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté du 9 mars 1995 ordonnant la reconduite à le frontière de M. Y... ;
Article 1er : La requête du PREFET DE LA GIRONDE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA GIRONDE, à M. Y... et au ministre de l'intérieur.