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30/07/1997 | FRANCE | N°160007

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 30 juillet 1997, 160007


Vu l'ordonnance du 6 juillet 1994, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 11 juillet 1994, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat la requête de l'ASSOCIATION "COMITE DE DEFENSE ET DE PROTECTION DU SITE DE CORDES" dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er mars 1994 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 28 mars 1991 du conseil municipal de Cordes approuvant la révision du plan d'occupation des sols ;
Vu la requête, enregistrée le 16 mai 199

4 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, pr...

Vu l'ordonnance du 6 juillet 1994, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 11 juillet 1994, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat la requête de l'ASSOCIATION "COMITE DE DEFENSE ET DE PROTECTION DU SITE DE CORDES" dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er mars 1994 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 28 mars 1991 du conseil municipal de Cordes approuvant la révision du plan d'occupation des sols ;
Vu la requête, enregistrée le 16 mai 1994 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, présentée par l'ASSOCIATION "COMITE DE DEFENSE ET DE PROTECTION DU SITE DE CORDES" (CDPSC), ayant son siège social à l'X... Serge, place Saint-Michel à Cordes (81170) ; l'ASSOCIATION "COMITE DE DEFENSE ET DE PROTECTION DU SITE DE CORDES" demande au juge d'appel :
1°) d'annuler le jugement du 1er mars 1994 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande dirigée contre la délibération du 28 mars 1991 par laquelle le conseil municipal de Cordes a approuvé la révision du plan d'occupation des sols de ladite commune ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette délibération ;
3°) de condamner la commune de Cordes à lui payer 17 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lafouge, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune à la requête présentée en appel :
Considérant que l'article 15 des statuts de l'ASSOCIATION "COMITE DE DEFENSE ET DE PROTECTION DU SITE DE CORDES" stipule, depuis la révision dont il a fait l'objet le 4 août 1992, que le président "peut engager l'association devant la juridiction administrative et doit en rendre compte dans les meilleurs délais au conseil d'administration" ; qu'ainsi, le président de l'association précitée avait qualité pour relever appel du jugement rendu le 1er mars 1994 par le tribunal administratif de Toulouse ;
Sur les conclusions de la requête :
Considérant que si dans leur rédaction antérieure à la modification du 4 août 1992, les statuts de l'association en vigueur à la date de la demande présentée devant le tribunal administratif et tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Cordes en date du 28 mars 1991, ne comportaient aucune disposition particulière donnant pouvoir au président pour représenter l'association en justice sans y être habilité par l'assemblée générale, la délibération de l'assemblée générale extraordinaire de l'association intervenue le 20 juin 1991 qui a été produite devant le tribunal administratif de Toulouse présentait un caractère suffisamment précis pour donner qualité au président de l'association pour demander au juge de l'excès de pouvoir l'annulation de la délibération du conseil municipal de Cordes du 28 mars 1991 approuvant la révision du plan d'occupation des sols de la commune ; que, par suite, l'association requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande, pour défaut de qualité pour agir de son président, et à demander pour ce motif l'annulation du jugement attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de l'association ;
Considérant que dans sa demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Toulouse le 3 juillet 1991, l'ASSOCIATION "COMITE DE DEFENSE ET DE PROTECTION DU SITE DE CORDES" s'est bornée à invoquer des moyens relatifs à la légalité interne du plan d'occupation des sols révisé ; que si, dans un mémoire complémentaire enregistré le 6 octobre 1993 elle a critiqué l'insuffisance des études préalables à la révision du plan ainsi que le rapport de présentation de ce document, qui en constitue la motivation, ces moyens qui reposent sur une cause juridique distincte et qui ont été formulés postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux sont irrecevables et ne peuvent, par suite, qu'être écartés ;
En ce qui concerne les dispositions du plan d'occupation des sols autres que celles relatives aux zones dites du "Bouysset" et "sous le Barry" :
Considérant, en premier lieu, que le remplacement de la zone à vocation artisanale UE par une zone UX, qui répond à la même finalité que le zonage antérieur, n'est pas entaché d'erreur manifeste ;

Considérant, en deuxième lieu, que le classement en zone NB, où seules les opérations isolées sont autorisées et où les lotissements sont interdits, du secteur "La Vaysse de Puech Caubel", qui ne porte pas d'atteinte sensible à la protection des intérêts agricoles, n'est constitutif d'une erreur manifeste, ni au regard des objectifs assignés à un document d'urbanisme par l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme ni davantage au regard des règles découlant de l'article L. 123-1 du même code ; que les dispositions du règlement régissant la zone NB ne sont pas entachées d'une contradiction de nature à en affecter la légalité ; que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant, en troisième lieu, que le 8°) de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme permet à un plan d'occupation des sols de fixer les emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d'intérêt général ainsi qu'aux espaces verts ; que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que, s'agissant comme l'envisage la commune de Cordes de la réalisation de deux aires de stationnement destinées à être implantées en sous-sol et aménagées en surface comme jardins publics ou autres installations d'intérêt général, les deux emplacements réservés à cet effet correspondent à cette dualité de destination ; que le fait pour la commune de réserver un autre emplacement pour la réalisation d'un "ascenseur urbain" dans le but de faciliter l'accès au site touristique de Cordes n'est ni contraire à l'article L. 123-1 (8°) du code précité, ni constitutif d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne les dispositions applicables à la zone dite "sous le Barry" :
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier qu'eu égard à l'intérêt particulier que présente le site de Cordes, inscrit dès 1943 à l'inventaire des sites pittoresques, à la nécessité corrélative de prendre les mesures destinées à assurer la sauvegarde de la cité médiévale et de son environnement naturel, à l'existence dans la plaine Nord de deux zones d'urbanisations future NA b) et NA c), aptes à répondre au développement prévisible de l'urbanisation compte tenu de l'évolution de la population lors des derniers recensements, le classement en zone d'urbanisation future d'un territoire supplémentaire, situé en périphérie de l'agglomération, sur le flanc Sud du site, au lieudit "sous le Barry", est constitutif d'une erreur manifeste d'appréciation ; que l'association requérante est, par suite, fondée à demander l'annulation du plan en tant qu'il délimite une zone NA a) dans le secteur "sous le Barry" ;

En ce qui concerne les dispositions du plan d'occupation des sols révisé applicables à la zone du Bouysset :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des conditions dans lesquelles le plan d'occupation des sols a été modifié par le maire postérieurement à la délibération du conseil municipal du 27 juillet 1989 décidant d'en faire application par anticipation sur le fondement de l'article R. 123-35-II du code de l'urbanisme ainsi que des termes de la délibération du conseil municipal du 4 avril 1990 consécutive à la délivrance le 9 janvier 1990 d'un permis de construire pour un ensemble immobilier au lieudit "Le Bouysset", lequel était alors classé par le plan approuvé comme espace boisé à conserver, que la suppression de cette mesure de protection et l'inclusion de la parcelle dont s'agit dans la zone UB du plan révisé, annoncées lors de la délibération du 4 avril 1990 et prononcées par la délibération attaquée, ne répondent à aucun motif d'urbanisme et n'ont eu d'autre objet que de permettre la réalisation d'un projet dont le permis de construire précité du 9 janvier 1990 avait donné lieu à un jugement du tribunal administratif ordonnant qu'il soit sursis à son exécution ; qu'ainsi, l'association requérante est fondée à demander l'annulation pour détournement de pouvoir du classement en zone UB de la parcelle n° 22 sise au lieudit "Le Bouysset" ;
Sur l'application des articles L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de ces articles font obstacle à ce que l'association requérante, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à la commune de Cordes la somme que cette dernière réclame au titre des frais exposés par elle tant en première instance qu'en appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, en revanche, par application des dispositions législatives susmentionnées, de condamner la commune de Cordes à payer à l'association requérante la somme de 17 000 F qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle tant en première instance qu'en appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 1er mars 1994 est annulé.
Article 2 : La délibération du conseil municipal de Cordes du 28 mars 1991 approuvant le plan d'occupation des sols révisé de la commune est annulée en tant que ce plan classe en zone UB la parcelle n° 22 sise au lieudit "Le Bouysset" et en zone NA a) le lieudit "sous le Barry".
Article 3 : La commune de Cordes versera à l'ASSOCIATION "COMITE DE DEFENSE ET DE PROTECTION DU SITE DE CORDES" la somme de 17 000 F au titre des frais exposés par elle tant en premier ressort qu'en appel et non compris dans les dépens.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Cordes tendant à la condamnation de l'ASSOCIATION "COMITE DE DEFENSE ET DE PROTECTION DU SITE DE CORDES" au paiement des frais irrépétibles sont rejetées.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la demande de première instance et de la requête d'appel est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION "COMITE DE DEFENSE ET DE PROTECTION DU SITE DE CORDES", à la commune de Cordes et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 160007
Date de la décision : 30/07/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PLANS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME - PLANS D'OCCUPATION DES SOLS - LEGALITE DES PLANS - LEGALITE INTERNE - APPRECIATIONS SOUMISES A UN CONTROLE D'ERREUR MANIFESTE - CLASSEMENT ET DELIMITATION DES ZONES - Classement ne permettant pas d'assurer la sauvegarde d'un site inscrit à l'inventaire - Erreur manifeste d'appréciation.

68-01-01-01-03-03-01 Eu égard à l'intérêt particulier que présente le site de Cordes, inscrit dès 1943 à l'inventaire des sites pittoresques, et à la nécessité corrélative de prendre les mesures destinées à assurer la sauvegarde de la cité médiévale et de son environnement naturel, à l'existence dans la plaine nord de deux zones d'urbanisation future aptes à répondre au développement prévisible de l'urbanisation, le classement en zone d'urbanisation future d'un territoire supplémentaire, situé en périphérie de l'agglomération, sur le flanc sud du site est constitutif d'une erreur manifeste d'appréciation.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PLANS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME - PLANS D'OCCUPATION DES SOLS - LEGALITE DES PLANS - LEGALITE INTERNE - DETOURNEMENT DE POUVOIR - Modification du zonage destinée à permettre la réalisation d'un projet ayant fait l'objet d'une décision de sursis à exécution par le juge.

68-01-01-01-03-04 Le classement en zone UB d'une parcelle qui était classée comme espace boisé à protéger par le plan d'occupation des sols approuvé est entaché de détournement de pouvoir, dès lors que cette modification apportée postérieurement à la délibération du conseil municipal décidant la mise en application anticipée du plan d'occupation des sols en cours de révision sur le fondement de l'article L.123-4 du code de l'urbanisme ne répondait à aucun motif d'urbanisme et n'avait d'autre objet que de permettre la réalisation d'un projet dont le permis de construire avait donné lieu à un jugement du tribunal administratif ordonnant qu'il soit sursis à exécution.

- RJ1 URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PLANS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME - PLANS D'OCCUPATION DES SOLS - APPLICATION DES REGLES FIXEES PAR LES P - O - S - REGLES DE FOND - REGLES APPLICABLES AUX SECTEURS SPECIAUX - EMPLACEMENTS RESERVES - Double destination de la réserve - Légalité (1).

68-01-01-02-02-16-01 Les dispositions du 8° de l'article L.123-1 du code de l'urbanisme, qui permettent à un plan d'occupation des sols de fixer des emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d'intérêt général ainsi qu'aux espaces verts, ne font pas obstacle à ce que, lorsqu'une commune envisage de réaliser une aire de stationnement implantée en sous-sol et aménagée en surface comme un jardin public ou une autre installation d'intérêt général, l'emplacement réservé à cet effet corresponde à cette dualité de destination.


Références :

Code de l'urbanisme L121-10, L123-1, R123-35
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Instruction du 27 juillet 1989
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1.

Rappr. 1991-10-14, Association cadre de vie des résidents de Courbevoie-Becon, p. 336


Publications
Proposition de citation : CE, 30 jui. 1997, n° 160007
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. Lafouge
Rapporteur public ?: M. Bonichot

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:160007.19970730
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