Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er avril 1996 et 2 août 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Christian Y..., demeurant ... et M. Guillaume Z..., demeurant Ker Hervé, à Spezet (29540) ; MM. Y... et Z... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêté du 19 janvier 1996 du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation relatif à la "caudectomie" des équidés ;
2°) de condamner l'Etat à leur payer une somme de 18 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu la loi n° 66-1005 du 28 décembre 1966 modifiée ;
Vu les décrets n°s 76-351 et 76-352 du 15 avril 1976 ;
Vu le décret n° 87-86 du 10 février 1987 ;
Vu le décret n° 90-494 du 20 juin 1990 ;
Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Vidal, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de M. Y... et de M. Z...,
- les conclusions de Mme Hubac, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par l'arrêté attaqué, du 19 janvier 1996, le ministre de l'agriculture a exclu des achats du service des haras, des courses et de l'équitation ou subventionnés par lui, ainsi que des concours et manifestations organisés et subventionnés par le même service, les équidés nés à partir de 1996 et ayant fait l'objet d'une opération de "caudectomie" ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 28 décembre 1966, sur l'élevage : "La présente loi a pour objet l'amélioration de la qualité et des conditions d'exploitation du cheptel bovin, porcin, ovin et caprin. Ses dispositions pourront être appliquées, par décret en Conseil d'Etat, en tout ou en partie, à d'autres espèces animales, après avis des organisations professionnelles intéressées." ; que les dispositions des articles 2, 3, 7, 10-1, 10-2, 10-3 et 16 de cette loi, complétée par celle du 15 novembre 1972, ont été rendues applicables aux équidés par le décret n° 76-351 du 15 avril 1976 ; que l'article 2 du décret n° 76-352 du 15 août 1976, fixant les modalités d'application aux équidés de la loi du 28 décembre 1966 sur l'élevage, dispose que : "Le service des haras assure, sous l'autorité du ministre de l'agriculture, l'identification des équidés ..." ; que l'article 6 du même décret prévoit que les modalités d'application de ses articles 2 à 5 sont fixées par arrêté du ministre de l'agriculture ; qu'aux termes de l'article 9 du décret du 10 février 1987, portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'agriculture : "Le service des haras, des courses et de l'équitation est chargé de l'ensemble des questions relatives à l'élevage des équidés et aux activités hippiques. A ce titre : - il conduit la politique d'orientation de la production et assure la conservation et l'amélioration des races ; - il contrôle l'utilisation des équidés et favorise leur commercialisation ..." ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation était compétent pour prendre l'arrêté attaqué du 19 janvier 1996 ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes d'un arrêté du 10 novembre 1995 du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, publié au Journal Officiel de la République française du 17 novembre 1995, "Délégation permanente est donnée à M. François X..., chef de service, pour signer, au nom du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation et dans la limite de ses attributions : 1° A l'exception des décrets, tous actes, arrêtés et décisions concernant les affaires du service relevant de son autorité ( ...)" ; qu'il en résulte que M. X... était compétent pour signer, au nom du ministre, l'arrêté attaqué du 19 janvier 1996 ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 28 décembre 1966 : "Un conseil supérieur de l'élevage est placé auprès du ministre de l'agriculture qui le consulte sur la conduite des actions intéressant l'élevage" ; que ce conseil n'ayant pas compétence pour connaître des questions touchant aux équidés, MM. Y... et Z... ne sont pas fondés à soutenir que le ministre était tenu de le consulter ; que le ministre n'était pas davantage tenu de prendre l'avis du conseil supérieur du cheval, dès lors qu'il ne ressort pas des dispositions, relatives à cet organisme, du décret du 20 juin 1990, que sa consultation soit obligatoire ;
Considérant, en quatrième lieu, que, si l'arrêté attaqué prévoit que les équidés ayant fait l'objet d'une opération de "caudectomie" sont exclus des achats du service des haras, des courses et de l'équitation, il n'interdit pas la vente de ces animaux à d'autres acquéreurs ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'atteinte portée à la liberté du commerce et de l'industrie doit être écarté ;
Considérant, en cinquième lieu, que les mesures édictées par cet arrêté ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation au regard des objectifs poursuivis par le ministre en charge du service des haras, des courses et de l'équitation ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 200-1 du code rural : "Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation. Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ..." ; que, contrairement à ce qui est soutenu, l'arrêté du 19 janvier 1996 n'a nullement pour objet de porter atteinte à une espèce animale et d'en compromettre le développement ; qu'il n'a donc pas été pris en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 200-1 du code rural ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MM. Y... et Z... ne sont pas fondés à demander l'annulation de cet arrêté ; Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à MM. Y... et Z..., la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de MM. Y... et Z... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Christian Y..., à M. Guillaume Z... et au ministre de l'agriculture et de la pêche.