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28/05/1997 | FRANCE | N°135118

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 28 mai 1997, 135118


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mars 1992 et 9 juillet 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME SAE GARDY, dont le siège est B.P. 2 à Barentin (76360) ; la SOCIETE ANONYME SAE GARDY demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté interministériel du 24 décembre 1991 fixant le modèle du certificat médical en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code rural ;
Vu l'ord

onnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mars 1992 et 9 juillet 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME SAE GARDY, dont le siège est B.P. 2 à Barentin (76360) ; la SOCIETE ANONYME SAE GARDY demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté interministériel du 24 décembre 1991 fixant le modèle du certificat médical en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code rural ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de Bellescize, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Choucroy, avocat de la SOCIETE ANONYME SAE GARDY,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des affaires sociales et de l'intégration :
Considérant qu'en tant qu'employeur dont les salariés sont exposés à des risques d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, la SOCIETE ANONYME SAE GARDY justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour déférer au juge de l'excès de pouvoir l'arrêté en date du 24 décembre 1991 par lequel les ministres de l'agriculture et des affaires sociales ont fixé le modèle de certificat médical applicable en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles ; que, dès lors qu'elle est recevable à contester cet arrêté, la société requérante peut invoquer tout moyen de nature à en affecter la légalité ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
Considérant qu'en vertu des articles L. 441-1 et R. 441-2 du code de la sécurité sociale, en cas d'accident du travail la victime doit, sauf cas de force majeure ou motif légitime, en faire la déclaration, dans les vingt-quatre heures à son employeur ; qu'il appartient à ce dernier, conformément aux prescriptions du premier alinéa de l'article L. 441-2 du code de déclarer tout accident dont il a eu connaissance à la caisse primaire d'assurance maladie dont relève la victime, sans préjudice de la possibilité de déclaration ouverte à l'intéressé en vertu du second alinéa de l'article L. 441-2 ; que l'employeur est également tenu, suivant les dispositions du premier alinéa de l'article L. 441-5 du code, de délivrer une feuille d'accident nécessaire à l'indemnisation du salarié ; que le second alinéa du même article renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les modalités de délivrance et d'utilisation de ce document ; qu'à cet égard, l'article R. 441-8 du code dispose que la feuille d'accident qui est remise par la victime au praticien n'entraîne pas de plein droit la prise en charge de l'indemnisation au titre de la législation sur les accidents du travail ; que selon l'article R. 441-9 du code, tout praticien appelé à donner des soins mentionne sur la feuille d'accident en possession de la victime les actes accomplis ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 441-6 du code précité : "Le praticien établit, en double exemplaire, un certificat indiquant l'état de la victime et les conséquences de l'accident ou les suites éventuelles ... Il adresse directement un de ces certificats à la caisse primaire et remet le second à la victime" ; que le deuxième alinéa du même article prévoit que lors de la guérison de la blessure sans incapacité permanente ou s'il y a incapacité permanente au moment de la consolidation, "un certificat médical indiquant les conséquences définitives, si elles n'avaient pu être antérieurement constatées, est établi en double exemplaire. L'un des certificats est adressé par les soins du praticien à la caisse primaire, le second est remis à la victime ainsi que toutes les pièces ayant servi à l'établissement dudit certificat" ;

Considérant qu'indépendamment des obligations susanalysées pesant respectivement sur l'employeur, la victime et le praticien appelé à donner ses soins, l'article L. 441-3 du code de la sécurité sociale énonce que dès qu'elle a eu connaissance d'un accident du travail, la caisse primaire d'assurance maladie est tenue, d'une part, de faire procéder aux constatations nécessaires et, d'autre part, d'en donner avis immédiatement à l'inspecteur du travail chargé de la surveillance de l'entreprise ; que d'après l'article R. 441-10 du code, si la caisse primaire entend contester le caractère professionnel de l'accident, elle doit en informer par écrit la victime et l'employeur ; qu'en outre, il ressort des articles L. 442-1 et D. 442-1 ducode que lorsque, soit d'après les certificats médicaux transmis en application de l'article L. 441-6, soit d'après un certificat médical produit à n'importe quel moment à la caisse primaire par la victime ou par ses ayants droit, la blessure paraît devoir entraîner la mort ou une incapacité permanente totale de travail, la Caisse doit faire procéder à une enquête sur les causes et circonstances de l'accident ;
Considérant que l'article L. 461-5 du code de la sécurité sociale relatif aux maladies professionnelles fait peser, dans son premier alinéa, sur la victime l'obligation d'en faire la déclaration à la caisse primaire ; que le troisième alinéa de cet article dispose que "le praticien établit en triple exemplaire et remet à la victime un certificat indiquant la nature de la maladie ... ainsi que les suites probables. Deux exemplaires du certificat doivent compléter la déclaration mentionnée au premier alinéa dont la forme a été déterminée par arrêté ministériel" ; que d'après le quatrième alinéa du même article : "Une copie de cette déclaration et un exemplaire du certificat médical sont transmis immédiatement par la caisse primaire à l'inspecteur du travail" ;
Considérant que, s'agissant des accidents du travail des salariés agricoles et assimilés, l'article 1164 du code rural dispose que "L'employeur est tenu de délivrer à la victime une feuille d'accident. Le praticien consulté par la victime est tenu d'établir, en double exemplaire, un certificat, d'en adresser un à la caisse de mutualité sociale agricole et de remettre l'autre à la victime" ;
Considérant enfin que selon les dispositions de l'article D. 482-1 du code de la sécurité sociale, les modèles des documents nécessaires à l'application du livre de ce code relatif aux accidents du travail et aux maladies professionnelles sont fixés par des arrêtés du ministre chargé de la sécurité sociale ;
Considérant que s'il incombe à l'autorité ministérielle de fixer les modèles de documents nécessaires à l'application de la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, elle ne saurait dans l'exercice de cette compétence contrevenir aux dispositions législatives et réglementaires qui déterminent de façon limitative les destinataires d'un certificat médical ; qu'il ressort des dispositions des articles L. 441-6 et L. 461-5 du code de la sécurité sociale comme de celles de l'article 1164 du code rural que le certificat médical dont elles prévoient l'établissement n'a pas pour destinataire l'employeur ;

Considérant qu'il suit de là, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de la requête, que la SOCIETE ANONYME SAE GARDY est fondée à soutenir qu'en prévoyant par l'arrêté attaqué que le "modèle de certificat médical - initial - de prolongation - de rechute en matière de législation du travail et maladies professionnelles" comporte un exemplaire du certificat destiné à l'employeur, le ministre de l'agriculture et le ministre des affaires sociales ont méconnu les dispositions législatives précitées ; que l'arrêté et son annexe, qui forment un ensemble indivisible, doivent, par suite, être annulés ;
Article 1er : L'arrêté interministériel en date du 24 décembre 1991 relatif au modèle de certificat médical applicable en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles et son annexe sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ANONYME SAE GARDY, au ministre du travail et des affaires sociales et au ministre de l'agriculture, de la pêche et del'alimentation.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 135118
Date de la décision : 28/05/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA REGLE DE DROIT - LOI - VIOLATION - Code de la sécurité sociale - Articles L - 441-5 et L - 441-6 - Code rural - Article 1164 - Arrêté prévoyant que l'employeur est destinataire d'un exemplaire du certificat médical dressé par le praticien en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle.

01-04-02-02, 62-04-05 S'il incombe à l'autorité ministérielle de fixer les modèles de documents nécessaires à l'application de la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, elle ne saurait, dans l'exercice de cette compétence, contrevenir aux dispositions législatives et réglementaires qui déterminent de façon limitative les destinataires d'un certificat médical. Les articles L.441-5 et L.441-6 du code de la sécurité sociale et l'article 1164 du code rural ne prévoyant pas que l'employeur est destinataire du certificat médical dressé par le praticien en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle, les ministres de l'agriculture et des affaires sociales ne pouvaient prévoir qu'un exemplaire du certificat médical serait destiné à l'employeur. Illégalité de l'arrêté et de son annexe.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - LIBERTES PUBLIQUES - SECRET DE LA VIE PRIVEE - Secret médical - Violation.

26-03-10 Le ministre chargé de la sécurité sociale ne peut, par arrêté, prévoir que l'employeur d'un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle sera destinataire d'un exemplaire du certificat médical dressé par le praticien alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne l'a prévu.

SECURITE SOCIALE - PRESTATIONS - PRESTATIONS D'ASSURANCES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES - Arrêté prévoyant que l'employeur est destinataire d'un exemplaire du certificat médical dressé par le praticien en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle - Illégalité.


Références :

Arrêté du 24 décembre 1991 annexe
Code de la sécurité sociale L441-1, R441-2, L441-2, L441-5, R441-8, R441-9, L441-6, L441-3, R441-10, L461-5, D482-1
Code rural 1164


Publications
Proposition de citation : CE, 28 mai. 1997, n° 135118
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. de Bellescize
Rapporteur public ?: M. Bonichot

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:135118.19970528
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