Vu la requête, enregistrée le 2 février 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU BAS-RHIN ; il demande au Conseil d'Etat :
1°) d annuler le jugement en date du 25 novembre 1995 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté en date du 24 novembre 1995 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Mohammed X..., de nationalité marocaine ;
2°) de rejeter la demande de M. X... devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mion, Auditeur,
- les observations de Me Thomas-Raquin, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ..." ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. Mohammed X... est entré irrégulièrement en France ; qu'il ne justifie pas être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'il entre ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant, toutefois, qu il n est pas contesté que M. X... vit depuis 1993 avec une ressortissante yougoslave, résidant régulièrement en France depuis 1971, qu il a épousée après l intervention de l arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre, et dont il a eu une fille, née en 1994 antérieurement audit arrêté ; qu eu égard aux circonstances de l espèce, notamment à la durée des liens unissant les intéressés, et au fait, non contesté par le PREFET DU BAS-RHIN, que l enfant de M. et Mme X..., née prématurément, requiert des soins constants de ses parents, et rend la présence de son père indispensable, la mesure de reconduite dont M. X... a fait l objet doit être regardée comme ayant porté au droit de l intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU BAS-RHIN n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté en date du 24 novembre 1995 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Mohammed X... ;
Article 1er : La requête du PREFET DU BAS-RHIN est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU BAS-RHIN, à M. Mohammed X... et au ministre de l intérieur.