Vu la requête, enregistrée le 22 mars 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jacques Célien X..., demeurant à la maison d'arrêt, ... ; M. X... demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 15 décembre 1993 par lequel le Premier ministre s'est opposé à l'acquisition de la nationalité française ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son préambule ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 6-2 ;
Vu le code de la nationalité française, notamment ses articles 37-1, 39, 101 et 106 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Chemla, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Delarue, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code de la nationalité française, en vigueur : "Le Gouvernement peut s'opposer, par décret en Conseil d'Etat, à l'acquisition de la nationalité française ... pour indignité ou défaut d'assimilation" ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant que les dispositions précitées n'ont ni pour objet ni pour effet de rendre obligatoire la mention de l'avis rendu par le Conseil d'Etat ou du sens de cet avis dans les décrets qui en font application ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait été pris selon une forme irrégulière ne saurait être accueilli ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant que les décisions par lesquelles le Premier ministre s'oppose à l'acquisition de la nationalité française par un étranger sont des décisions administratives ; que le décret attaqué n'est pas contraire aux stipulations du deuxième alinéa de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes desquelles "toute personne est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie" ; que les moyens tirés du préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 et de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen sont inopérants contre la mesure prise en application directe d'un texte législatif ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... s'est livré à un attentat à la pudeur sur une patiente hospitalisée dans l'établissement où il exerçait les fonctions de médecin interne ; que, pour lui refuser, par le décret attaqué en date du 15 décembre 1993, l'acquisition de la nationalité française, le Gouvernement a pu légalement se fonder sur ces faits dont la réalité était à l'époque suffisamment établie, alors même qu'aucune condamnation pénale ne les avait encore sanctionnés à cette date ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 15 décembre 1993 ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jacques Célien X... et au ministre du travail et des affaires sociales.