Vu la requête enregistrée le 20 juillet 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Alain X... demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 11 mai 1995 de la section disciplinaire du conseil national de l'Ordre des médecins qui, en application de l'article L. 460 du code de la santé publique, l'a suspendu pendant six mois du droit d'exercer la médecine et a subordonné sa reprise d'activité à une nouvelle expertise ; d'écarter des débats voire d'annuler le compte rendu d'expertise du 5 décembre 1994 et de condamner l'Ordre national des médecins à lui verser la somme de 50 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la code de la santé publique ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et notamment son article 75-I ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Lallemand, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la section disciplinaire du conseil national de l'Ordre des médecins,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 460 du code de la santé publique : "Dans le cas d'infirmité ou d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession, le conseil régional peut décider la suspension temporaire du droit d'exercer (...) Elle ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé adressé au conseil régional, établi par trois médecins experts spécialisés (...). Le conseil régional peut être saisi (...) par le conseil départemental (...). L'expertise prévue à l'alinéa précédent doit être effectuée au plus tard dans le délai de deux mois à compter de la saisine du conseil régional (...). Si le conseil régional n'a pas statué dans le délai de trois mois à compter de la demande dont il est saisi, l'affaire est portée devant la section disciplinaire du conseil national de l'Ordre. Le conseil régional et, le cas échéant, la section disciplinaire peuvent subordonner la reprise de l'activité professionnelle à la constatation de l'aptitude de l'intéressé par une nouvelle expertise" ;
Considérant que le conseil régional de l'Ordre des médecins de Midi-Pyrénées a été saisi du cas de M. X... par une délibération du conseil départemental de l'Aveyron, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 460 du code de la santé publique ; que la circonstance que le conseil départemental ait lui-même été saisi par une lettre du procureur de la République de Rodez est sans incidence sur la régularité de la saisine du conseil régional ;
Considérant que la décision du 11 mai 1995 de la section disciplinaire du conseil national de l'Ordre des médecins s'est substituée à celle du 1er février 1995 du conseil régional Midi-Pyrénées qu'elle a annulée ; que, dès lors, les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure devant le conseil régional sont inopérants ;
Considérant qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que l'expertise effectuée par trois médecins psychiatres le 2 décembre 1994 se soit déroulée dans des conditions irrégulières ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle" ; que ces dispositions ne sont pas applicables à la section disciplinaire du conseil national de l'Ordre des médecins dont, lorsqu'elle se prononce en application de l'article L.460 du code de la santé publique, les décisions ne présentent pas le caractère de décisions juridictionnelles ;
Considérant que le moyen tiré de la violation de l'article 8-1 de la même convention n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la même convention : "Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles" ; que les décisions de la section disciplinaire du conseil national de l'Ordre des médecins prises sur le fondement de l'article L. 460 du code de la santé publique peuvent faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir devant le Conseil d'Etat ; que dès lors ces décisions ne sont pas prises en méconnaissance de l'article 13 précité ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la section disciplinaire du conseil national de l'Ordre des médecins, qui s'est prononcée au vu de l'instruction, du rapport des experts qui ont relevé que M. X... présentait des stigmates d'alcoolisme chronique non sevré et souffrait d'une pathologie de la personnalité qu'ils ont suffisamment caractérisée et qui le rendait inapte à l'exercice de la médecine, et de l'audition de M. X... a pu, d'une part, légalement estimer qu'il se trouvait dans un état pathologique rendant dangereux l'exercice de la médecine ; qu'elle a pu, d'autre part, sans erreur manifeste d'appréciation, décider que cet état justifiait une interdiction d'exercer la médecine pendant six mois à compter du 14 mars 1995, date de la notification de la décision du conseil régional à laquelle sa décision se substituait et que la reprise d'activité de M. X... devait être subordonnée à une nouvelle expertise comportant des examens médicaux ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 11 mai 1995 de la section disciplinaire du conseil national de l'Ordre des médecins ;
Sur les conclusions relatives à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le conseil national de l'Ordre des médecins, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Alain X... au conseil national de l'Ordre des médecins et au ministre du travail et des affaires sociales.