Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA GIRONDE ; le PREFET DE LA GIRONDE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 2 novembre 1995 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté en date du 25 octobre 1995 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Laaredj Y... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Bechtel, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'arrêté attaqué, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision de reconduite à la frontière, est suffisamment motivé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant que, si M. Y... soutient être le fils adoptif de Mme Valérie X..., de nationalité française, résidant à Bordeaux, ses allégations ne sont pas assorties de précisions ni de justifications suffisantes ; que, dans ces conditions, c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé pour l'annuler sur ce que l'arrêté en date du 25 octobre 1995 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Y... portait à sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il avait été pris ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y... devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
Considérant que la circonstance que l'arrêté, en date du 25 octobre 1995, par lequel le PREFET DE LA GIRONDE a décidé la reconduite à la frontière de l'intéressé n'aurait pas été accompagné d'une décision mentionnant le pays à destination duquel M. Y... sera renvoyé manque en fait ; que M. Y... ne justifie d'aucun motif qui fasse obstacle à sa reconduite à destination du pays dont il a la nationalité et ne peut soutenir que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme auraient été méconnues ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA GIRONDE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté du 25 octobre 1995 ordonnant la reconduite de M. Y... à la frontière ;
Article 1er : Le jugement susvisé du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux, en date du 2 novembre 1995, est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA GIRONDE, à M. Y... et au ministre de l'intérieur.