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30/12/1996 | FRANCE | N°177437

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 30 décembre 1996, 177437


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 février 1996 et 7 mars 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mme Régine A..., demeurant ... ; Mme A... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 5 janvier 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 11 juin 1995 pour l'élection des conseillers municipaux de Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la déclaration d'inéligibil

ité de M. X... et à l'annulation de son élection ;
2°) déclare M. X.....

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 février 1996 et 7 mars 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mme Régine A..., demeurant ... ; Mme A... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 5 janvier 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa protestation contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 11 juin 1995 pour l'élection des conseillers municipaux de Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la déclaration d'inéligibilité de M. X... et à l'annulation de son élection ;
2°) déclare M. X... inéligible pendant un an, annule son élection en qualité de conseiller municipal de Fontenay-sous-Bois et, par voie de conséquence, en tant que maire, et proclame élu, en ses lieu et place, le candidat figurant sur la liste qu'il conduisait immédiatement après le dernier élu de cette liste ;
3°) condamne M. X... à lui payer une somme de 10 000 F en application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Louis X...,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par M. X... :
Sur les griefs tirés de la méconnaissance des articles L. 52-11 et L. 52-12 du code électoral :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-12 : "Chaque candidat ou candidate tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection ... par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4 ... Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié" ; qu'aux termes de l'article L. 52-15 du même code : "La commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne ..." ;
Considérant, en premier lieu, que l'allégation de Mme A... selon laquelle le coût de deux tracts de soutien à la liste conduite par M. X..., maire sortant de Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), n'aurait pas été compris dans les dépenses retracées dans le compte de campagne de ce dernier, n'est pas corroborée par les pièces du dossier ;
Considérant, en deuxième lieu, que le fait que les prestations fournies par les entreprises qui ont assuré la confection de plusieurs documents électoraux de M. X... ont été payées à un prix inférieur de 20 %, en moyenne, à celui qui ressort de devis demandés à d'autres entreprises et produits par Mme A..., ne suffit pas à démontrer l'existence, en l'espèce, d'une sous-facturation ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il est constant que les personnes âgées habitant Fontenay-sous-Bois ont été invitées par la municipalité à participer, le 8 juin 1995, à une excursion assortie d'un repas ; que, toutefois les dépenses occasionnées par cette manifestation, qui s'inscrivait dans le cadre habituel des actions de la commune en faveur des personnes âgées, ne peuvent être regardées comme ayant été effectuées en vue de l'élection etpour le compte de M. X... ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. X... aurait bénéficié pour les besoins de sa campagne du concours d'agents de la commune, ni qu'il aurait utilisé aux mêmes fins des véhicules municipaux ;
Considérant, en cinquième lieu, que Mme A... soutient que plusieurs articles publiés dans le bulletin municipal "Fontenay notre ville" entre les mois de décembre 1994 et juin 1995 ont constitué des éléments de propagande électorale dont le coût aurait dû figurer dans le compte de campagne de M. X... ; qu'il résulte, cependant, de l'instruction, que ces articles se bornaient à rendre compte des activités municipales ; que les dépenses correspondantes ne peuvent donc être regardées comme étant de la nature de celles que vise l'article L. 52-12 du code électoral ;

Considérant, en revanche, qu'il est établi que les éditoriaux publiés par M. X... dans six numéros du même bulletin municipal pendant les mois de décembre 1994 à juin 1995 se rattachaient directement à la promotion de son action politique et aux termes de sa campagne électorale ; que, par suite, le coût des pages correspondantes du bulletin municipal a eu le caractère d'une dépense effectuée en vue de l'élection et pour le compte de l'intéressé ; que cette dépense, qui s'élève à 17 000 F, doit donc être réintégrée dans le compte de campagne de M. X... ; qu'après cette rectification, le compte de celui-ci fait apparaître un total de dépenses de 308 274 F, qui reste inférieur au plafond légal des dépenses électorales qui était, en l'espèce, de 356 082 F ; que le grief tiré par Mme A... d'un dépassement de ce plafond doit, par suite, être écarté ;
Sur les griefs tirés de la méconnaissance de l'article L. 52-8 du code électoral :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de cet article : "Les dons consentis par une personne physique dûment identifiée pour le financement de la campagne d'un ou plusieurs candidats lors des mêmes élections ne peuvent excéder 30 000 F. Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ..." ; que, ni ces dispositions, ni aucune autre disposition législative n'oblige la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ou le juge de l'élection à rejeter le compte d'un candidat ayant bénéficié d'un don ou avantage prohibé par l'article L. 52-8 ; qu'il y a lieu d'apprécier, dans chaque cas, si, compte tenu, notamment, des circonstances dans lesquelles le don ou l'avantage a été consenti et de son montant, sa perception par le candidat doit entraîner le rejet de son compte ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que M. X... a bénéficié pour le financement de sa campagne électorale de deux prêts sans intérêt de 100 000 F et 15 000 F qui lui ont été respectivement consentis par Mme Z... et par M. Y... et qui leur ont été remboursés, comme il avait été convenu, après que M. X... eut obtenu le remboursement forfaitaire de la part de ses dépenses électorales prise en charge par l'Etat en vertu de l'article L. 51-11-1 du code électoral ; que, dans les circonstances de l'espèce, ces prêts sans intérêt ne peuvent être assimilés à des dons de personnes physiques soumis aux dispositions précitées de l'article L. 52-8 du code électoral ;

Considérant, d'autre part, que la somme de 17 000 F ci-dessus mentionnée correspond à un avantage en nature accordé par la commune de Fontenay-sous-Bois àM. X... ; que ce don étant assimilable à un don d'une personne morale, il tombe sous le coup de la prohibition édictée par l'article L. 52-8 ; que, toutefois, eu égard à son montant limité par rapport aux sommes de 282 274 F et de 356 082 F qui correspondent, la première, aux recettes retracées dans le compte de campagne de M. X... tel qu'approuvé par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, la seconde, ainsi qu'il a été dit, au plafond légal des dépenses électorales applicable, la perception de ce don par M. X... n'est pas de nature à entraîner le rejet de son compte ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Paris, en tant qu'ayant constaté qu'il n'y avait pas lieu de prononcer un tel rejet, il n'a pas fait application des dispositions de l'article L. 118-3 du code électoral et n'a donc, ni déclaré M. X... inéligible pour une durée d'un an aux fonctions de conseiller municipal, ni annulé son élection en qualité de conseiller municipal, puis de maire, de Fontenay-sous-Bois ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que M. X..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme A... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner Mme A... à payer à M. X... la somme réclamée par celui-ci au titre des frais non compris dans les dépens, qu'il a exposés ;
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. X... au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Régine A..., à M. X... et au ministre de l'intérieur.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

28-005-04-02-03,RJ1,RJ2 ELECTIONS - DISPOSITIONS GENERALES APPLICABLES AUX ELECTIONS POLITIQUES - FINANCEMENT ET PLAFONNEMENT DES DEPENSES ELECTORALES - COMPTE DE CAMPAGNE - RECETTES -Limitation des dons des personnes physiques (article L. 52-8 du code électoral) - Notion de dons - Absence - Prêts sans intérêts (1) (2).

28-005-04-02-03 Des prêts sans intérêts consentis par deux personnes physiques à un candidat pour le financement de sa campagne électorale qui leur ont été remboursés par ce dernier, comme convenu, après qu'il eut obtenu le remboursement forfaitaire de la part des dépenses électorales prises en charge par l'Etat en vertu de l'article L. 51-11-1 du code électoral, ne peuvent être assimilés à des dons de personnes physiques soumis aux dispositions de l'article L. 52-8 du même code (1) (2).


Références :

Code électoral L52-11, L52-12, L52-15, L52-8, L51-11-1, L118-3
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1. Comp. CC, 1995-09-28, décision relative au compte de campagne de M. Cheminade, Rec.p. 118. 2. Comp. CE, 1999-08-216, Elections municipales de Maisons-Lafitte, n° 177490, mentionné aux tables


Publications
Proposition de citation: CE, 30 déc. 1996, n° 177437
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: M. Fabre
Rapporteur public ?: M. Loloum

Origine de la décision
Formation : 9 / 8 ssr
Date de la décision : 30/12/1996
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 177437
Numéro NOR : CETATEXT000007936558 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1996-12-30;177437 ?
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