Vu la requête, enregistrée le 28 juin 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES YVELINES ; le PREFET DES YVELINES demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 27 mai 1994, par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 22 mai 1994 décidant la reconduite à la frontière de Mme Rabia X... ;
2°) rejette la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Hubac, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ... Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., de nationalité algérienne, née le 8 mars 1967, est entrée en France le 27 juin 1992 au titre du regroupement familial ; que par décision en date du 21 décembre 1992, dont elle a reçu notification le 2 janvier 1993, le PREFET DES YVELINES a refusé de lui délivrer un titre de séjour, au motif que son mari était alors sans emploi ; qu'à la suite du recours gracieux qu'elle a formé, ce refus a été confirmé par lettre du 9 novembre 1993, dont elle a reçu notification le 26 novembre ; qu'en raison de son maintien sur le territoire français au-delà de l'expiration du délai d'un mois qui lui avait été imparti, le PREFET DES YVELINES a pris à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière, le 22 mai 1994 ;
Considérant que Mme X... fait valoir qu'à la date de cet arrêté, son mari, de nationalité algérienne et ses quatre enfants en bas âge, nés en France vivaient tous en France, et qu'elle n'avait plus d'attaches familiales en Algérie en dehors de sa mère, très âgée ; que, dans les circonstances de l'affaire, eu égard notamment au fait que son mari avait retrouvé un emploi, le 5 mai 1994 dans le cadre d'un contrat emploi solidarité, la mesure de reconduite à la frontière prise à son encontre porte à son droit au respect de la vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été décidée cette mesure ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DES YVELINES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté en date du 22 mai 1994 prononçant la reconduite à la frontière de Mme X... ;
Sur les conclusions de Mme X... tendant à l'application des dispositions du décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 :
Considérant que le décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 ayant été abrogé par le décret n° 91-1266 du 19 septembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, les conclusions de Mme X... doivent être regardées comme demandant l'application de l'article 75-I de ladite loi ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à Mme X... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du PREFET DES YVELINES est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à Mme X... la somme de 3 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DES YVELINES, à Mme Rabia X... et au ministre de l'intérieur.