Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 décembre 1993 et 25 janvier 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Pierre X... demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du conseil national de l'Ordre des pharmaciens en date du 12 octobre 1993 annulant la décision du 10 juin 1993 par laquelle le conseil régional de l'Ordre des pharmaciens d'Alsace a rejeté la demande d'inscription au tableau de M. Y... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lafouge, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 5015-59 du code de la santé publique dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : "Devenus pharmaciens, les étudiants stagiaires ne doivent pas exercer leur art en faisant à leurs anciens maîtres une concurrence injuste. Les anciens gérants après décès, remplaçants et assistants ont la même obligation vis-à-vis de leurs anciens employeurs ou maîtres. - Notamment, un pharmacien qui, soit pendant soit après ses études, remplace ou assiste un de ses confrères, ne doit pas s'installer, pendant un délai de deux ans dans un établissement où sa présence permette une concurrence directe avec le pharmacien qu'il a remplacé ou assisté, à moins qu'il n'y ait, entre les intéressés, un accord qui doit être notifié au conseil compétent. S'il y a désaccord, le différend peut être soumis à ce conseil" ; que cette disposition doit recevoir application dès lors qu'un pharmacien a, en fait, remplacé ou assisté l'un de ses confrères et alors même qu'à cette occasion il n'a pas été inscrit à l'Ordre des pharmaciens ;
Considérant que M. Y..., après avoir travaillé pendant plusieurs années comme salarié dans la pharmacie de M. X... située à Ensisheim, a obtenu, par arrêté préfectoral du 5 mai 1993, l'autorisation par voie dérogatoire de créer une officine à Pulversheim distante de 3 kilomètres environ de la localité précédente ; que pour annuler la décision du conseil régional de l'Ordre des pharmaciens d'Alsace du 10 juin 1993 refusant de prononcer l'inscription de M. Y... au tableau de l'Ordre des pharmaciens et procéder lui-même à cette inscription, le conseil national de l'Ordre des pharmaciens, par sa décision du 12 octobre 1993, a estimé qu'il résultait de l'arrêté du 5 mai 1993 susmentionné et, en particulier, de la circonstance que celui-ci faisait état des besoins importants de la commune de Pulversheim en médicaments, non satisfaits par les localités voisines, que l'officine de M. Y... ne se trouvait pas en "concurrence directe", au sens de l'article R. 5015-59 du code de la santé publique, avec celle de M. X... ;
Considérant, toutefois, que l'arrêté préfectoral du 5 mai 1993 a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 2 décembre 1993, confirmé en appel le 14 mai 1995 par une décision du Conseil d'Etat statuant au Contentieux, au motif que les besoins en médicaments de la population n'exigeaient pas la création d'une officine de pharmacie à Pulversheim ; qu'ainsi, la décision du conseil national de l'Ordre des pharmaciens du 12 octobre 1993 est fondée sur des faits matériellement inexacts et doit, dès lors, être annulée ;
Article 1er : La décision du conseil national de l'Ordre des pharmaciens du 12 octobre 1993 est annulée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Y..., au conseil national de l'Ordre des pharmaciens et au ministre du travail et des affaires sociales.