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21/08/1996 | FRANCE | N°161909

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 21 août 1996, 161909


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 septembre 1994 et 26 janvier 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Gérard X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 31 mai 1994 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail du 8 juin 1990 autorisant la société fermière du casino municipal de Cannes "Casino Croisette" à le licencier ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) de condamner l'Eta

t et la société fermière "Casino Croisette" à lui payer une somme de 15 000...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 septembre 1994 et 26 janvier 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Gérard X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 31 mai 1994 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail du 8 juin 1990 autorisant la société fermière du casino municipal de Cannes "Casino Croisette" à le licencier ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) de condamner l'Etat et la société fermière "Casino Croisette" à lui payer une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Mignon, Auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Gérard X..., et de Me Balat, avocat de la société "Casino Croisette",
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les délégués du personnel, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où à l'appui de sa demande, l'employeur allègue une perte de confiance vis-à-vis du salarié protégé, il appartient à l'autorité administrative de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les éléments produits à l'appui de la demande justifient une telle allégation, compte tenu de la nature des fonctions exercées par le salarié, de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
Considérant que, pour autoriser, par une décision du 8 juin 1990, la société fermière du casino municipal de Cannes, dénommée "Casino Croisette", à licencier M. X..., croupier-chef de tables, qui détenait, notamment, un mandat de délégué du personnel, le ministre du travail a estimé que la perte de confiance alléguée par la société était établie et justifiait l'autorisation sollicitée ;
Mais considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X..., qui était chargé, en particulier, de surveiller le bon déroulement des jeux à sa table, ait été investi, au sein de la société, de fonctions de direction de nature à étayer, le cas échéant, une telle allégation ; que, dès lors, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de la décision ci dessus-analysée du ministre du travail ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que M. X..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la société "Casino Croisette" la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner cette société à payer à M. X... une somme de 10 000 F, au titre de ses propres frais, non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 31 mai 1994 et la décision du ministre du travail du 8 juin 1990 sont annulés.
Article 2 : La société "Casino Croisette" paiera à M. X... une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société "Casino Croisette" au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Gérard X..., à la société "Casino Croisette" et au ministre du travail et des affaires sociales.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 161909
Date de la décision : 21/08/1996
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04,RJ1 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION -Licenciement pour perte de confiance - Conditions - Salarié investi de fonctions de direction - Notion - Absence - Croupier-chef de tables d'un casino (1).

66-07-01-04 Dans le cas où à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement l'employeur allègue la perte de confiance vis-à-vis du salarié protégé, il appartient à l'autorité administrative de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les éléments produits à l'appui de la demande justifient une telle allégation, compte tenu de la nature des fonctions exercées par le salarié, de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi (1). Le croupier-chef de tables d'un casino, qui est chargé en particulier de surveiller le bon déroulement des jeux à sa table, n'est pas investi, au sein de la société qui l'emploie, de fonctions de direction de nature à étayer l'allégation de perte de confiance invoquée à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement présentée par son employeur.


Références :

Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1.

Cf. 1992-04-01, Société Ladbroke Hotels France, p. 149 ;

1995-06-16, Comité d'amélioration du logement Pact'Arim de Seine-et-Marne, T. p. 1062


Publications
Proposition de citation : CE, 21 aoû. 1996, n° 161909
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: Mlle Mignon
Rapporteur public ?: M. Arrighi de Casanova

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:161909.19960821
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