Vu la requête enregistrée le 9 juillet 1993 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mohammed X..., demeurant ... à Bois Colombes (92270) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 11 février 1993 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 15 juillet 1992 par laquelle le ministre de l'intérieur a ordonné l'expulsion de l'intéressé du territoire français ;
2°) annule ladite décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle de Silva, Auditeur,
- les conclusions de M. Sanson, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité algérienne, est né en France où il a toujours résidé ; que les membres de sa famille proche demeurent en France et que certains possèdent la nationalité française ; qu'à la date de l'arrêté d'expulsion pris à son encontre, il était père d'un enfant de nationalité française et marié à une personne de nationalité française ; que dans les circonstances de l'espèce, s'il est établi qu'il s'est rendu coupable d'infractions lui ayant valu des condamnations à plusieurs peines d'emprisonnement, dont en dernier lieu une peine de 12 ans de réclusion criminelle pour vol avec port d'armes, vol à l'aide d'une effraction commis soit la nuit, soit en réunion et vol simple, la décision attaquée a néanmoins, compte tenu tant du comportement de M. X..., postérieurement aux condamnations prononcées à raison de ces faits que de son absence de tout lien avec un pays autre que la France, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'il suit de là que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 15 juillet 1992 lui demandant de quitter le territoire français ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 11 février 1993 et l'arrêté du ministre de l'intérieur du 15 juillet 1992 demandant à M. X... de quitter le territoire français sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Mohammed X... et au ministre de l'intérieur.