Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 14 décembre 1992, présentée pour M. Jean-Dominique X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat annule la décision du 23 octobre 1992 par laquelle le ministre des affaires étrangères a rejeté son recours hiérarchique contre la décision du 18 août 1992 du Consul général de France à Barcelone refusant de lui délivrer un passeport ainsi que ladite décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
Vu le décret de la Convention nationale du 7 décembre 1792 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Chemla, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Rouvière, Boutet, avocat de M. Jean-Dominique X...,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la liberté fondamentale d'aller et de venir n'est pas limitée au territoire national mais comporte également le droit de le quitter ; que ce droit est reconnu par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et confirmé par l'article 2-2 du protocole 4 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; qu'aux termes de l'article 2-3 de cet accord, le droit d'aller et de venir peut faire l'objet de restrictions prévues par la loi et nécessaires dans une société démocratique ; que le décret de la Convention nationale du 7 décembre 1792, qui a le caractère d'une loi au sens de ces stipulations, ne permet à l'autorité administrative de refuser un passeport que si les déplacements de l'intéressé à l'étranger sont de nature à compromettre la sécurité nationale ou la sûreté publique ;
Considérant que les motifs de refus de passeport opposés à M. X... et tirés d'infractions anciennes et de tentatives de reprise d'activité dans le domaine des jeux ne sont pas au nombre de ceux qui permettent légalement de justifier un tel refus ; que si le ministre déclare s'être également fondé sur ce que des renseignements erronés auraient été fournis à l'appui d'une seconde demande de passeport présentée à la même époque par M. X..., l'existence d'une fraude n'est pas pour autant établie ; qu'il suit de là que M. X... est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Article 1er : La décision du 23 octobre 1992 du ministre des affaires étrangères et la décision du 18 août 1992 du Consul général de France à Barcelone sont annulées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Dominique X..., au ministre de l'intérieur et au ministre des affaires étrangères.