Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 août 1991 et 16 décembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A.R.L. LE COLONIS, dont le siège social est ..., représentée par son gérant en exercice ; la S.A.R.L. LE COLONIS demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 12 juin 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a remis à sa charge, en droits et pénalités, l'intégralité des suppléments d'impôt sur les sociétés et des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui avaient été assignés pour les années 1978 à 1981 et l'amende fiscale prévue à l'article 1763 A du code général des impôts, appliquée au titre des années 1979 à 1981 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Dulong, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la S.A.R.L. LE COLONIS,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de l'une des conclusions et de certains moyens du pourvoi :
Considérant que la S.A.R.L. LE COLONIS n'est pas recevable à soumettre au juge de cassation des conclusions, relatives à l'amende fiscale dont elle a fait l'objet en application de l'article 1763 A du code général des impôts, dont elle n'avait pas saisi les juges du fond ;
Considérant que les moyens tirés par la même société de ce que la procédure de taxation d'office ne lui était pas applicable, faute pour l'administration de l'avoir mise, au préalable, en demeure de souscrire ses déclarations, et de ce que les notifications de redressements qui lui ont été adressées les 23 décembre 1982 et 7 octobre 1983 étaient insuffisamment motivées, sont invoqués pour la première fois devant le Conseil d'Etat et sont, dès lors, irrecevables ;
Considérant que la société, qui s'était bornée, devant les juges du fond, à contester le bien-fondé des pénalités ajoutées, en vertu des articles 1729 et 1731 du code général des impôts, aux droits qui lui ont été réclamés, n'est pas davantage recevable à soutenir, pour la première fois en cassation, qu'elles ont été appliquées selon une procédure irrégulière ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
Considérant que la cour administrative d'appel n'a entaché son arrêt d'aucune irrégularité en statuant par une seule décision, sur les trois recours, concernant des impositions mises à la charge d'un même contribuable, dont elle avait été saisie par le ministre chargé du budget ;
Considérant qu'en jugeant que les recettes tirées par la S.A.R.L. LE COLONIS de la vente de boissons qu'elle avait achetées sans facture, avaient été à bon droit comprises dans ses bases d'imposition, la Cour, en relevant, d'autre part, que ces mêmes recettes avaient été, pour partie, distribuées à MM. Y... et X..., n'a entaché son arrêt d'aucune contradiction de motifs ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
Considérant, en premier lieu, que le moyen par lequel la société entend contester le bien-fondé des conséquences tirées par la cour administrative d'appel de l'appréciation qu'elle a portée sur la régularité de la procédure de rectification d'office mise en oeuvre à son encontre par l'administration au titre des mois pour lesquels elle soutient qu'elle ne se trouvait pas en situation de taxation d'office pour retard dans le dépôt de ses déclarations du chiffre d'affaires, n'est pas assorti des précisions qui permettraient d'en apprécier la portée ;
Considérant, en deuxième lieu, que la cour administrative d'appel a pu juger, sans erreur de droit, que, "compte tenu des coefficients de bénéfice brut relevés dans l'entrepriseet des périodes réelles d'ouverture" du bar-discothèque exploité par la S.A.R.L. LE COLONIS, la reconstitution de recettes opérée par l'administration, au vu des procès-verbaux de l'instruction pénale diligentée à l'encontre des dirigeants du groupement d'intérêt économique dont faisait partie la société, n'était pas radicalement viciée ;
Considérant, en troisième lieu, que la cour administrative d'appel n'a pas davantage commis d'erreur de droit en jugeant que les recettes tirées par la société de la vente de boissons achetées par elle sans facture devaient être comprises dans ses bases d'imposition ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'en refusant d'admettre comme charges déductibles des frais financiers qui n'avaient pas été exposés dans l'intérêt de la société, la cour administrative d'appel n'a commis aucune erreur de qualification juridique ;
Considérant, enfin, qu'après avoir souverainement constaté que la société avait systématiquement minoré ses achats et, corrélativement, les recettes qui en ont découlé, a pu légalement en déduire que l'administration avait rapporté la preuve de la mauvaise foi de l'intéressée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la S.A.R.L. LE COLONIS n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant que l'Etat n'étant pas, dans la présente affaire, la partie perdante, les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit condamné à payer à la S.A.R.L. LE COLONIS la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la S.A.R.L. LE COLONIS est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la S.A.R.L. LE COLONIS et au ministre de l'économie et des finances.