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31/03/1993 | FRANCE | N°115926

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 31 mars 1993, 115926


Vu le recours du MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET enregistré le 5 avril 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 6 février 1990 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, avant de statuer sur les conclusions de la requête de la société Sofither, dont le siège est Z.A.C. de La Barogne, ..., tendant à la réduction des cotisations de taxe professionnelle maintenues à sa charge, au titre de chacune des années 1981, 1982, 1983 e

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Vu le recours du MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET enregistré le 5 avril 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 6 février 1990 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, avant de statuer sur les conclusions de la requête de la société Sofither, dont le siège est Z.A.C. de La Barogne, ..., tendant à la réduction des cotisations de taxe professionnelle maintenues à sa charge, au titre de chacune des années 1981, 1982, 1983 et 1985, dans les rôles de la commune de Châtillon-sous-Bagneux, a ordonné qu'il soit procédé à un supplément d'instruction contradictoire entre l'administration et le contribuable ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l'instruction de la D.G.I. 6 E-15-77 du 21 novembre 1977 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lesourd, Baudin, avocat de la Société à responsabilité limitée Sofither,
- les conclusions de M. Gaeremynck, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, en premier lieu, que, pour critiquer l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Paris, en ce que celle-ci a admis que la société Sofither pouvait, au soutien de ses conclusions tendant à la réduction de la taxe professionnelle maintenue à sa charge au titre de chacune des années 1981, 1982, 1983 et 1985, dans les rôles de la commune de Châtillon-sous-Bagneux, utilement invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, repris par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le paragraphe 11 de l'instruction 6 E-15-77 du 21 novembre 1977, prévoyant que le bénéfice de l'"écrêtement" de la taxe professionnelle institué par les articles 1472 et 1472 A du code général des impôts " ... pourra ... être accordé, en cas de réclamation, au contribuable qui, bien qu'imposable à la patente en 1975, n'a fait l'objet d'aucune imposition ...", le ministre chargé du budget fait valoir qu'aux termes mêmes de l'instruction, la mesure ainsi prévue " ... sera prise dans le cadre de la juridiction gracieuse ...", et soutient que, par suite, ladite instruction ne peut, sur ce point, être regardée comme comportant une "interprétation" susceptible d'être opposée à l'administration dans une instance contentieuse ;
Mais considérant, d'une part, que le paragraphe 11 susmentionné comporte les éléments d'une "interprétation" de texte fical, au sens des dispositions législatives précitées ; d'autre part, que, lorsque l'administration fait connaître, dans les formes prévues par ces dispositions, sa position quant à l'application d'un texte fiscal, elle ne peut se soustraire, elle-même, aux effets que la loi attache à de telles "interprétations" par la seule mention qu'en méconnaissance, d'ailleurs, des règles propres au prononcé des remises gracieuses d'impôt, les mesures corrélatives devront être prises sous le couvert de la juridiction gracieuse ; que, dès lors, c'est par une exacte application des textes précités que la cour administrative d'appel a admis que la société Sofither pouvait, en l'espèce, utilement invoquer, sur leur fondement, les énonciations du paragraphe 11 de l'instruction du 21 novembre 1977 ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le fait que la société Sofither n'a pas fait état d'une situation de "gêne" de nature à justifier une remise d'impôt gracieuse, en application des dispositions du 2-1° de l'article 1930 du code général des impôts reprises au 1° de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales, est sans influence sur le bien-fondé de sa prétention à bénéficier de la solution admise par le paragraphe 11 de l'instruction du 21 novembre 1977 ;
Considérant, en troisième lieu, que cette instruction réserve le bénéfice de la solution susanalysée "aux redevables qui ont rempli leurs obligations en matière d'impôts directs locaux (... déclaration des bases d'imposition de taxe professionelle)" ; que le ministre ne peut soutenir, en l'absence de toute précision de l'instruction en ce sens, que la condition ainsi posée viserait le respect, par les contribuables, de leurs obligations déclaratives, non seulement au titre des années d'imposition qui font l'objet de leur réclamation, mais, en outre, au titre d'années antérieures ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel que la société Sofither n'a, au titre des années 1981 et 1982, déposé que postérieurement à l'expiration du délai imparti à l'article 1477 du code général des impôts, et en réponse à une demande de l'administration, les déclarations des bases d'imposition de son établissement de Châtillon-sous-Bagneux, auprès du service local dont dépend cet établissement ; que la cour administrative d'appel a, par suite, inexactement qualifié le comportement de la société, en admettant que, pour lesdites années, elle avait satisfait à la condition de respect des obligations déclaratives posée au paragraphe 11 de l'instruction du 21 novembre 1977 ; que le ministre chargé du budget est, dès lors, fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant que la cour administrative d'appel a compris ces impositions dans le champ du supplément d'instruction contradictoire qu'elle a prescrit, avant de statuer sur la requête de la société, aux fins de déterminer le montant des réductions qui devraient lui être accordées ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application du deuxième alinéa de l'article 11 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond en ce qui concerne les conclusions de la requête présentée par la société Sofither devant la cour administrative d'appel de Paris et tendant à la réduction de la taxe professionnelle maintenue à sa charge, au titre des années 1981 et 1982, dans les rôles de la commune de Châtillon-sous-Bagneux ;
Considérant, en premier lieu, que le mécanisme d'"écrêtement" des bases de la taxe professionnelle institué par les articles 1472 et 1472 A du code général des impôts est, en vertu de ces textes, applicable au bénéfice des contribuables qui, dans la commune où ils sont assujettis à cette taxe, ont été imposés à la patente au titre de l'année 1975 ; qu'il est constant que la société Sofither n'a fait l'objet, dans la commune de Châtillon-sous-Bagneux, d'aucune imposition à la patente au titre de l'année 1975 ; qu'ainsi, et comme, d'ailleurs, elle le reconnaît elle même, les dispositions des articles 1472 et 1472 A ne pouvaient recevoir application à son égard ;
Considérant, en second lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la société Sofither, faute d'avoir satisfait à ses obligations déclaratives, en ce qui concerne son établissement de Châtillon-sous-Bagneux, au titre des années 1981 et 1982, ne peut utilement invoquer, en se prévalant des dispositions des articles 1649 quinquies E du code général des impôts, puis L. 80 A du livre des procédures fiscales, les termes du paragraphe 11 de l'instruction du 21 novembre 1977 en vue de bénéficier, néanmoins, de l'"écrêtement" de ses bases d'imposition au titre desdites années ;

Considérant qu'il suit de là que la société Sofither n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 5 février 1987, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en réduction de la taxe professionnelle maintenue à sa charge, au titre des années 1981 et 1982, dans les rôles de la commune de Châtillon-sous-Bagneux ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 6 février 1990 est annulé, en tant que la taxe professionnelle due par la société Sofither, dans la commune de Châtillon-sous-Bagneux, au titre des années 1981 et 1982 est comprise dans l'objet du supplément d'instruction contradictoire ordonné par l'article 1er de son dispositif.
Article 2 : Les conclusions de la requête présentée par la société Sofither devant la cour administrative d'appel de Paris et tendant à la réduction de la taxe professionnelle maintenue à sa charge, au titre de chacune des années 1981 et 1982, dans les rôles de la commune de Châtillon-sous-Bagneux, sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre du budget et à la société Sofither.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 115926
Date de la décision : 31/03/1993
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - OPPOSABILITE DES INTERPRETATIONS ADMINISTRATIVES - OPPOSABILITE SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L - 80 A DU LPF - INTERPRETATION FORMELLE - Possibilité de limiter l'interprétation à la juridiction gracieuse - Absence.

19-01-01-03-03-05, 19-02-01-03 Lorsque l'administration fait connaître, dans les formes prévues par l'article L.80-A du livre des procédures fiscales, sa position quant à l'interprétation d'un texte fiscal, elle ne peut se soustraire elle-même aux effets que la loi attache à de telles interprétations par la seule mention que les mesures corrélatives devront être prises dans le cadre de la juridiction gracieuse. Contribuable fondé à se prévaloir d'une interprétation devant le juge de l'impôt, nonobstant une telle mention.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - QUESTIONS COMMUNES - JURIDICTION GRACIEUSE - Possibilité de limiter à la juridiction gracieuse une interprétation d'un texte fiscal - Absence.


Références :

CGI 1649 quinquies E, 1472, 1472 A, 1930, 1477
CGI livre des procédures fiscales L80 A, L247
Instruction 6-E-15-77 du 21 novembre 1977
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11


Publications
Proposition de citation : CE, 31 mar. 1993, n° 115926
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Fabre
Rapporteur public ?: M. Gaeremynck

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1993:115926.19930331
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