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14/10/1988 | FRANCE | N°64636

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 14 octobre 1988, 64636


Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. de X... de RUPIERRE, architecte, demeurant ..., M. Yves Y..., demeurant ..., Mme Roger Z..., demeurant ... (16ème), Mme veuve Y..., demeurant à Neuilly-Sur-Seine (92200), 4 Square Perounet, héritiers de M. Y..., architecte, décédé et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule les articles 2, 3 et 6 du jugement en date du 11 septembre 1984 par lesquels le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne les a condamnés solidairement avec les sociétés Sercosi e

t Pascal, sur le fondement des principes posés par les articles 1792...

Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. de X... de RUPIERRE, architecte, demeurant ..., M. Yves Y..., demeurant ..., Mme Roger Z..., demeurant ... (16ème), Mme veuve Y..., demeurant à Neuilly-Sur-Seine (92200), 4 Square Perounet, héritiers de M. Y..., architecte, décédé et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule les articles 2, 3 et 6 du jugement en date du 11 septembre 1984 par lesquels le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne les a condamnés solidairement avec les sociétés Sercosi et Pascal, sur le fondement des principes posés par les articles 1792 et 2270 du code civil, à verser à la ville de Troyes une indemnité de 476 005,42 F, avec les intérêts au taux légal, capitalisés au 17 septembre 1982 ;
2°) rejette la demande présentée par la ville de Troyes devant le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne en ce qu'elle est dirigée à leur encontre ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Vu le décret n° 62-1409 du 27 novembre 1962 modifié ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Portes, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Boulloche, avocat de M. de X... de RUPIERRE et les héritiers de M. Y..., de Me Choucroy, avocat de la ville de Troyes et de Me Jousselin, avocat de la société "Entreprise Pascal",
- les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance de la ville de Troyes :

Considérant que la ville de Troyes a demandé, à titre principal, au tribunal administratif de Châlons-sur-Marne, de déclarer MM. Y... et de X... de RUPIERRE, architectes, et les entreprises Sercosi et Pascal responsables, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, des désordres qui se sont produits dans les bâtiments du lycée polyvalent Chrétien de Troyes et de les condamner à réparer les dommages résultant pour la ville de l'état desdits bâtiments ;
Considérant que la convention conclue entre l'Etat et la ville de Troyes, en application de l'article 6 du décret n° 62-1409 du 27 novembre 1962, confiait à l'Etat la direction et la responsabilité des travaux de construction ; qu'en vertu de l'article 1er de cette convention, la mission de l'Etat s'achève avec la réception définitive des travaux ; que, par suite, si l'Etat, qui assume au nom et pour le compte de la ville la direction et la responsabilité des travaux, a qualité pour mettre en cause la responsabilité contractuelle des architectes et des entreprneurs jusqu'à la réception définitive, la ville, propriétaire des ouvrages, a seule qualité, après cette réception, pour invoquer la garantie décennale qui pèse sur les constructeurs en application des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; que la circonstance que la ville de Troyes a refusé de signer le procès-verbal de remise des bâtiments et, par conséquent, de donner quitus à l'Etat de la mission qu'elle lui avait contractuellement confiée ne saurait avoir pour effet de permettre à ce dernier d'intenter contre les constructeurs une action en responsabilité décennale, dès lors que la réception définitive des ouvrages a mis fin à la mission qui lui était dévolue par la convention ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la ville de Troyes était sans qualité pour agir devant le tribunal administratif doit être écarté ;
Sur la mise en jeu de la responsabilité des constructeurs en raison des désordres affectant les sous-sols du bâtiment logement et le bâtiment externat :
Considérant, d'une part, que la ville de Troyes ne conteste pas que, comme l'a estimé le tribunal administratif, les venues d'eau dans les sous-sols du bâtiment logement étaient apparentes lors de la réception définitive ; que, dans ces conditions, les appelants sont fondés à soutenir que leur responsabilité décennale ne pouvait être engagée de ce chef et que c'est à tort que le tribunal les a condamnés à payer à la ville de Troyes la somme de 8 500 F ;
Considérant, d'autre part, que la somme de 5 468 F, que les constructeurs ont également été condamnés à verser à la ville de Troyes, correspond au coût de remise en état du bâtiment externat ; que M. de X... de RUPIERRE et les héritiers Y... ne soutiennent pas que les désordres affectant ce bâtiment n'étaient pas de nature à engager la responsabilité décennale des architectes ; qu'ils ne sont, dès lors, pas fondés à prétendre à la réformation du jugement sur ce point ;
Sur la responsabilité des constructeurs en raison du défaut d'étanchéité des cabines de douche :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert commis par les premiers juges que le défaut d'étanchéité des cabines de douche qui affecte le bâtiment internat est principalement imputable à la conception du sol des salles de douche ; que, si les architectes soutiennent que le vice de conception tient au choix du procédé de construction mis au point par les entreprises Sercosi et Pascal et agréé par le ministère de l'éducation nationale qui leur fût imposé, il ne ressort pas de l'instruction que l'obligation qui leur était faite de ne pas modifier les caractéristiques architecturales du projet ait fait obstacle à ce qu'ils prévoient les dispositifs techniques nécessaires pour obtenir une bonne étanchéité des sols des cabines de douche ; que l'erreur d'adaptation et de conception qu'ils ont commise est de nature à engager, vis-à-vis du maître de l'ouvrage, leur responsabilité décennale sans que celle-ci puisse être atténuée par une prétendue faute de l'Etat qui n'est d'ailleurs nullement établie en l'espèce ;
Sur le montant de l'indemnité due à la ville :

Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que, comme le soutient la ville de Troyes, les désordres affectant le bâtiment internat se seraient manifestés avant 1977 ; que, par suite, les constructeurs sont fondés à soutenir qu'il convient d'appliquer au montant des travaux nécessaires pour faire cesser ces désordres, évalués par l'expert à 442 037,42 F, un abattement pour vétusté ; que celui-ci doit être fixé à 20 % ; qu'ainsi, le montant de l'indemnité due à la ville au titre des travaux de réfection du bâtiment internat s'élève à 353 629,94 F ;
Considérant, en second lieu, que le défaut d'étanchéité des cabines de douches durant une longue période de temps a causé à la ville de Troyes des sujétions d'entretien entraînant des troubles de jouissance dont elle était fondée à demander réparation ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en fixant à 20 000 F le montant de l'indemnité due à la ville, le tribunal administratif en ait fait une évaluation exagérée ;
Considérant, enfin, que le point de départ des intérêts doit être fixé au 11 mars 1982, date d'enregistrement de la requête au greffe du tribunal administratif ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 17 septembre 1982 ; qu'à cette date, il n'était pas dû une année d'intérêts ; que c'est, par suite, en méconnaissance de l'article 1154 du code civil que le tribunal administratif a fait droit à cette demande ;
Sur les conclusions de la société Pascal :
Considérant, d'une part, qu'il ressort du rapport de l'expert que les désordres qui se sont manifestés dans le bâtiment externat sont imputables à l'exécution des travaux, et que le défaut d'étanchéité des cabines de douche qui affecte le bâtiment internat est imputable à la fois à la conception et à l'exécution de l'ouvrage ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le jugement attaqué a inclus parmi les constructeurs solidairement responsables envers la ville de Troyes la société Pascal ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le montant de la somme que la société Pascal a été condamnée solidairement à verser à la ville de Troyes doit être ramené à 379 097,94 F ;
Considérant, enfin, que si la société Pascal conclut, par la voie du recours incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à garantir les architectes des condamnations mises à leur charge, ces conclusions présentées après l'expiration du délai d'appel portent sur une partie du jugement expressément exclue des conclusions de l'appel principal et soulèvent par rapport à cet appel principal, un litige distinct ; que ces conclusions incidentes ne sont pas recevables ;
Article 1er : La somme de 476 005,42 F que M. de BAZELAIREde RUPIERRE, la succession de M. Y..., et la société Pascal ont étécondamnés à payer à la ville de Troyes solidairement avec la société Sercosi est en ce qui les concerne ramenée à 379 097,94 F. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 11 mars 1982.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne en date du 11 septembre 1984 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. de X... de RUPIERRE et de la succession de M. Y..., le recours incident de la société Pascal ainsi que le surplus de ses conclusionsd'appel provoqué sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. de BAZELAIREde RUPIERRE, à M. Yves Y..., à Mme Roger Z..., à Mme veuve Y..., à la société Pascal, à la société Sercosi, à la ville de Troyes et au ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 64636
Date de la décision : 14/10/1988
Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - CHAMP D'APPLICATION - Limité aux désordres non apparents au moment de la réception définitive.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - QUALITE POUR LA METTRE EN JEU - Ouvrage réalisé par l'Etat pour le compte d'une commune et ayant fait l'objet d'une réception définitive - Absence de quitus sans influence sur cette qualité.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - RESPONSABILITE DE L'ARCHITECTE - FAITS DE NATURE A ENGAGER SA RESPONSABILITE - Défaut de conception.


Références :

Code civil 1154, 1792 et 2270
Décret 62-1409 du 27 novembre 1962 art. 6


Publications
Proposition de citation : CE, 14 oct. 1988, n° 64636
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Portes
Rapporteur public ?: Daël

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:64636.19881014
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