Vu la requête enregistrée le 5 mai 1980 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme X..., demeurant ... (76000), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du 4 mars 1980, par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes dirigées contre une décision du 20 décembre 1977 du directeur de l'Ecole Nationale d'Application des Secrétariats-greffiers de Dijon, refusant de l'admettre au stage des greffiers en chef à dater du 1er janvier 1978, une décision du Garde des sceaux, ministre de la justice, lui refusant le versement d'une indemnité de 6 626 F au titre de son éviction dudit stage et des arrêtés du Garde des sceaux, ministre de la justice, en date du 13 décembre 1978, titularisant les greffiers en chef issus des concours de recrutement de 1977 et les affectant à leurs postes respectifs ;
°2) annule pour excès de pouvoir ces décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret °n 67-472 du 20 juin 1967, modifié, portant statuts particuliers des secrétaires-greffiers en chef des cours et tribunaux ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Faure, Maître des requêtes,
- les conclusions de Mme de Clausade, Commissaire du gouvernement ;
Sur la compétence du tribunal administratif de Dijon :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 47 du code des tribunaux administratifs : "Tous les litiges d'ordre individuel ... intéressant les fonctionnaires ou agents de l'Etat ... relèvent du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le lieu d'affectation du fonctionnaire ou agent que la décision attaquée concerne" ; qu'après avoir été admise à participer aux épreuves du concours externe organisé en 1977 pour le recrutement de greffiers en chef stagiaires des cours et tribunaux, Mme X..., professeur certifié en fonction au Lycée de Bondy (Seine-Saint-Denis), n'a pas été nommée greffier-en-chef stagiaire et n'a pas été affectée à l'Ecole nationale d'application des secrétariats-greffes de Dijon ; que, dès lors, les conclusions dirigées par l'intéressée contre la décision refusant de procéder à cette nomination et à cette affectation, ainsi que ses conclusions subsidiaires dirigées contre la décision refusant de l'admettre à participer aux épreuves du concours interne et ses conclusions à fins d'indemnité, relevaient, par application des dispositions précitées, de la compétence du tribunal administratif de Paris dans le ressort duquel se trouvait le lieu d'affectation de Mme X... en qualité d'enseignante ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 47 précité "Si la décision a un caractère collectif ... et si elle concerne des agents affectés ou des emplois situés dans le ressort de plusieurs tribunaux administratifs, l'affaire relève de la compétence dutribunal administratif dans le ressort duquel siège l'auteur de la décision attaquée" ; que, par suite, les conclusions de Mme X... dirigées contre les arrêtés du Garde des sceaux, ministre de la justice, en date du 13 décembre 1978 titularisant et nommant dans leurs postes respectifs les greffiers-en-chef issus des concours de recrutement organisés en 1977 relevaient également de la compétence du tribunal administratif de Paris ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon s'est reconnu compétent pour statuer sur les demandes de Mme X... ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens relatifs à sa régularité en la forme, ledit jugement doit être annulé ;
Considérant, que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par Mme X... ;
Sur les conclusions dirigées contre le refus de nommer Mme X... greffier-en-chef stagiaire :
Considérant que les conclusions dirigées contre la lettre en date du 20 décembre 1977 du directeur de l'école nationale d'application des secrétariats-greffes, lequel s'est borné à informer Mme X... de la décision prise à son égard, doivent être regardées comme tendant à l'annulation de la décision en date du 13 décembre 1977 par laquelle le Garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de nommer l'intéressée greffier-en-chef stagiaire malgré son admission au concours externe organisé en 1977 ; que, par cette décision, le ministre a entendu retirer à Mme X... le bénéfice de son admission à concourir au motif qu'elle avait dépassé la limite d'âge du concours externe fixée à 45 ans par les dispositions combinées des articles 8, 1er alinéa, °1, et 122, a, du décret °n 67-472 du 20 juin 1967 modifié portant statuts particuliers des greffiers-en-chef et des secrétaires-greffiers des cours et tribunaux ;
Considérant que, si la décision autorisant un candidat à participer aux épreuves d'un concours crée des droits au profit de l'intéressé, cette décision peut néanmoins, lorsqu'elle est entachée d'illégalité, être rapportée par son auteur tant que le délai de recours contentieux n'est pas expiré ; que, même si la notification de cette décision à la personne intéressée a entraîné l'expiration du délai de recours en ce qui la concerne, le défaut de publication de ladite décision empêche ce délai de courir à l'égard des tiers ;
Considérant qu'il est constant que Mme X... avait dépassé la limite d'âge, fixée par les dispositions réglementaires susrappelées, du concours externe organisé en 1977 pour le recrutement de greffiers-en-chef stagiaires des cours et tribunaux ; qu'ainsi, la décision l'autorisant à participer aux épreuves dudit concours était illégale ; que si cette décision, qui n'avait fait elle-même l'objet d'aucune publication, a été nécessairement portée à la connaissance des tiers par la publication au Journal Officiel, intervenue le 8 décembre 1977, de l'arrêté ministériel du 30 novembre 1977 fixant la liste des candidats déclarés définitivement admis au concours et parmi lesquels figurait Mme X..., elle pouvait être légalement retirée, ainsi, par voie de conséquence, que la décision déclarant l'intéressée admise au concours, jusqu'à l'expiration du délai de recours courant à compter de cette publication ; que la décision attaquée du Garde des sceaux ayant été prise le 13 décembre 1977, avant l'expiration de ce délai, Mme X... n'est pas fondée à en demander l'annulation ;
Sur les conclusions subsidiaires dirigées contre la décision ministérielle refusant d'autoriser Mme X... à participer aux épreuves du concours interne :
Considérant qu'en vertu de l'article 8 du décret susvisé du 20 juin 1967, modifié, portant statuts particuliers des greffiers-en-chef et des secrétaires-greffiers des cours et tribunaux, le concours interne organisé en 1977 pour le recrutement de greffiers-en-chef stagiaires n'était ouvert qu'aux fonctionnaires et agents justifiant d'au moins cinq années de services civils effectifs, dont deux années au moins de services effectués dans les secrétariats-greffes ou à l'administration centrale du ministère de la justice et accomplis dans un corps de catégorie B ou dans des fonctions de niveau équivalent ; qu'il est constant que Mme X... ne remplissait pas cette dernière condition ; qu'aucune disposition de l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires ni aucun principe général ne s'opposaient, contrairement à ce que soutient la requérante, à ce que ladite condition fût posée par le décret susmentionné pour l'accès à ce corps par la voie du concours interne ; qu'il suit de là que la décision refusant d'autoriser Mme X... à participer aux épreuves du concours interne n'était pas entachée d'illégalité ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision refusant l'octroi d'une indemnité :
Considérant que Mme X... a demandé le 10 février 1978 au Garde des sceaux, ministre de la justice, le versement d'une somme de 6 626 F en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait de la "durée de son inactivité" résultant du refus de la nommer greffier-en-chef stagiaire ; que l'existence du préjudice ainsi invoqué par la requérante n'est pas établie ; que l'intéressée n'est en tout état de cause pas fondée à demander l'annulation de la décision ministérielle du II août 1978 refusant de lui accorder l'indemnité sollicitée ;
Sur les conclusions dirigées contre les arrêtés ministériels du 13 décembre 1978 titularisant les greffiers-en-chef stagiaires issus des concours de recrutement de 1977 et les nommant dans leurs postes respectifs :
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que, si Mme X... a participé aux épreuves du concours organisé en 1977 pour le recrutement de greffiers-en-chef stagiaires, la décision l'y autorisant a été légalement rapportée ; que, par suite, l'intéressée n'est pas recevable à contester les décisions de titularisation et de nomination intervenues à la suite de ce concours ;
Article 1er : Le jugement en date du 4 mars 1980 du tribunal administratif de Dijon est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par Mme X... devant le tribunal administratif de Dijon et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme X... et au Garde des sceaux, ministre de la justice.