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18/03/1988 | FRANCE | N°67063

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 18 mars 1988, 67063


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 21 mars 1985 et 22 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT INTERCOMMUNAL A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-MICHEL DE MAURIENNE, représenté par son président en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du 26 décembre 1984 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté comme irrecevable une partie de ses conclusions et réforme ce même jugement en tant qu'il a condamné M.Berthe, architecte, et la Société Indu

strielle Drômoise du Bâtiment à lui payer chacun la somme de 3 316 F,...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 21 mars 1985 et 22 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT INTERCOMMUNAL A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-MICHEL DE MAURIENNE, représenté par son président en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1) annule le jugement du 26 décembre 1984 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté comme irrecevable une partie de ses conclusions et réforme ce même jugement en tant qu'il a condamné M.Berthe, architecte, et la Société Industrielle Drômoise du Bâtiment à lui payer chacun la somme de 3 316 F, en réparation du préjudice que lui ont causé les désordres qui ont affecté les bâtiments du C.E.S. Paul-Mougin, à Saint-Michel de Maurienne ;
°2) condamne solidairement la Société Industrielle Drômoise du Bâtiment, M. X... et M. Y... à lui verser la somme de 486 208,59 F représentant le coût des travaux de réfection augmentée d'une somme de 30 000 F à titre de dommages et intérêts pour troubles de jouissance, ainsi que les intérêts et les intérêts capitalisés à la date de sa requête,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Sauzay, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Delaporte, Briard, avocat du SYNDICAT INTERCOMMUNAL A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-MICHEL DE MAURIENNE, de la S.C.P. Nicolas, Masse-Dessen, Georges, avocat de la Société Industrielle Drômoise du Bâtiment (IDBAT) et de Me Boulloche, avocat de MM. X... et Y...,
- les conclusions de Mme Moreau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, fait partiellement droit aux conclusions présentées le 22 février 1982 par le SYNDICAT INTERCOMMUNAL A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-MICHEL DE MAURIENNE et tendant à ce que la Société Industrielle Drômoise du Bâtiment et M. X..., architecte, soient condamnés à réparer les conséquences dommageables des désordres affectant les façades des bâtiments du C.E.S. Paul Z... et, d'autre part, déclaré irrecevables comme non motivées les conclusions présentées le 11 avril 1984 par le Syndicat intercommunal à vocation multiple ;
Considérant, d'une part, que le mémoire enregistré le 22 février 1982 au greffe du tribunal administratif contenait l'exposé sommaire des faits et des moyens invoqués par le Syndicat intercommunal à vocation multiple à l'appui de ses conclusions ; que le Syndicat intercommunal à vocation multiple, qui n'était pas tenu à ce stade de présenter des conclusions chiffrées, a chiffré ses prétentions dans un mémoire du 11 avril 1984 produit après l'expertise ; qu'il résulte de e qui précède que la Société Industrielle Drômoise du Bâtiment n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a déclaré recevables les conclusions présentées le 22 février 1982 ;
Considérant, d'autre part, que le mémoire enregistré le 11 avril 1984 comportait l'exposé sommaire des faits et des moyens invoqués par le Syndicat intercommunal à vocation multiple à l'appui des conclusions qu'il y formulait ; que, par suite, ces conclusions, qui tendaient non seulement à la condamnation de la Société Industrielle Drômoise du Bâtiment et de MM. X... et Y..., architectes, à réparer les conséquences dommageables des désordres affectant les installations de chauffage du C.E.S. Paul Z... et à verser une somme de 30 000 F à titre de dommages-intérêts, mais également, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, à la condamnation de M. Y... à réparer, avec la Société Industrielle Drômoise du Bâtiment et M. X..., les conséquences dommageables des désordres affectant les façades, étaient recevables ; que, dès lors, le jugement attaqué doit, ainsi que le demande le Syndicat intercommunal à vocation multiple requérant, être annulé en tant qu'il a déclaré irrecevables les conclusions présentées le 11 avril 1984 et en tant qu'il a mis hors de cause M. Y... ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur ces conclusions ;
En ce qui concerne les désordres dus à l'absence d'étanchéité des murs de façade :

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier, et notamment du rapport d'expertise du 8 juin 1982, que les infiltrations d'eau constatées sur les plafonds et le long des murs ont causé des dommages intérieurs et provoqué une humidité ambiante source de moisissure importante, de nature à rendre les bâtiments impropres à leur destination et à engager la responsabilité décennale des constructeurs selon les principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Considérant que si les désordres constatés proviennent, selon l'expert, du choix du procédé utilisé pour la construction des façades, qui a été agréé et imposé par l'Etat en qualité de maître d'ouvrage délégué, cette circonstance ne saurait exonérer de toute responsabilité ni les architectes, qui ont insuffisamment contrôlé le choix des matériaux, ni l'entreprise qui a réalisé l'exécution des travaux en utilisant ces matériaux ; que, compte tenu de ces circonstances, il y a lieu de fixer la part de responsabilité qui leur incombe à 30 %, soit 15 % à la charge de la Société Industrielle Drômoise du Bâtiment, 7,5 % à la charge de M. X... et 7,5 % à la charge de M. Y... ;
Considérant que le Syndicat intercommunal à vocation multiple a demandé la condamnation des constructeurs à lui verser la somme de 110 538,59 F, correspondant aux travaux de réfection des peintures et tapisseries tels qu'évalués par l'expert pour les infiltrations d'eau provenant des défauts d'étanchéité et d'isolation des seules façades des bâtiments ; que les désordres et la dégradation des peintures ont été constatés dès le mois de novembre 1975, alors que la réception définitve des bâtiments a eu lieu pour partie en septembre 1974 et pour partie en avril 1975 ; que, dès lors, le Syndicat intercommunal à vocation multiple est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a appliqué au montant de ces travaux de réfection un abattement pour vétusté de 80 % ; que l'évaluation des dommages causés aux immeubles doit être faite à la date où, leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à les réparer ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont évalué à la date du premier rapport de l'expert, soit le 8 juin 1982, le coût des réparations rendues nécessaires par les conséquences des désordres ayant affecté les murs de façade ; qu'ainsi, le montant du préjudice indemnisable doit être fixé, compte tenu de la part de responsabilité mise à la charge de l'entrepreneur et des architectes, à 33 161 F ; qu'il y a lieu, en conséquence, en faisant partiellement droit sur ce point à l'appel du Syndicat intercommunal à vocation multiple et en rejetant les appels incidents de la Société Industrielle Drômoise du Bâtiment et de M. X..., de porter à 16 580,80 F la somme de 3 316 F que le jugement attaqué a condamné la Société Industrielle Drômoise du Bâtiment à verser au Syndicat intercommunal à vocation multiple, de porter à 8 290,40 F la somme de 3 316 F qu'il a condamné M. X... à verser au Syndicat intercommunal à vocation multiple et de condamner M. Y... à verser au Syndicat intercommunal à vocation multiple une indemnité de 8 290,40 F ;

Considérant, enfin, que les conclusions tendant à obtenir la condamnation solidaire de l'entreprise et de M. X... ont été présentées par le SYNDICAT INTERCOMMUNAL A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-MICHEL DE MAURIENNE pour la première fois devant le Conseil d'Etat ; qu'elles doivent dès lors être rejetées comme irrecevables ;
En ce qui concerne les désordres ayant affecté les installations de chauffage des bâtiments et les dommages-intérêts réclamés par le Syndicat intercommunal à vocation multiple :
Considérant qu'il résulte du dossier, et notamment du rapport d'expertise établi le 28 juin 1983, que les causes des désordres affectant le chauffage des bâtiments du C.E.S. Paul Z... étaient apparents au moment de la réception des travaux ; que, dans ces conditions, ces désordres ne sont pas de nature à donner lieu à la garantie qu'impliquent les principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil et à engager les responsabilités des architectes et de l'entrepreneur ; que, par suite, la demande présentée sur ce point par le SYNDICAT INTERCOMMUNAL A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-MICHEL DE MAURIENNE doit être rejetée ;
Considérant que la demande du Syndicat intercommunal à vocation multiple tendant à l'octroi de 30 000 F au titre de dommages et intérêts n'est assortie d'aucune justification précise permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'elle doit, par suite, être rejetée ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que le SYNDICAT INTERCOMMUNAL A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-MICHEL DE MAURIENNE a droit aux intérêts au taux légal à compter du 22 février 1982 sur les sommes de 16 580,80 F et 8 290,40 F que la Société Industrielle Drômoise du Bâtiment et M. X... sont condamnés à lui verser et à compter du 11 avril 1984 sur la somme de 8 290,40 F que M. Y... est condamné à lui verser ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 22 juillet 1985 ; qu'à cette date il était dû, sur l'ensemble des sommes dues par la Société Industrielle Drômoise du Bâtiment, par M. X... et par M. Y..., au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu, par suite, en application de l'article 1154 du code civil, de faire droit à cette demande de capitalisation ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que les frais de l'expertise ordonnée le 24 décembre 1982, que le jugement attaqué a mis pour moitié à la charge de la Société Industrielle Drômoise du Bâtiment et pour moitié àla charge de M. X..., devront être supportés pour 50 % par la Société Industrielle Drômoise du Bâtiment, pour 25 % par M. X... et pour 25 % par M. Y... ;

Article 1er : Le jugement rendu le 26 décembre 1984 par le tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il a déclaré irrecevables les conclusions présentées le 11 avril 1984 par le SYNDICAT INTERCOMMUNAL A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-MICHEL DE MAURIENNE et en tant qu'il a mis hors de cause M. Y....
Article 2 : Les sommes de 3 316 F que la Société Industrielle Drômoise du Bâtiment et M. X... ont été chacun condamnés, par le jugement attaqué, à verser au SYNDICAT INTERCOMMUNAL A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-MICHEL DE MAURIENNE sont portées respectivement à 16 580,80 F et 8 290,40 F. Ces sommes porteront intérêts à compter du 22 février 1982. Les intérêts échus le 22 juillet 1985 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : M. Y... est condamné à verser au SYNDICAT INTERCOMMUNAL A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-MICHEL DE MAURIENNE une somme de 8 290,40 F. Cette somme portera intérêts à compter du 11 avril 1984. Les intérêts échus le 22 juillet 1985 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée le 24 décembre 1982 seront supportés pour moitié par la Société Industrielle Drômoise du Bâtiment, pour un quart par M. X... et pour un quart par M. Y....
Article 5 : Les articles 1 et 3 du jugement rendu le 26 décembre 1984 par le tribunal administratif de Grenoble sont réformés en ce qu'ils ont de contraire à la présente décision.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête du SYNDICATINTERCOMMUNAL A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-MICHEL DE MAURIENNE et de sa demande devant le tribunal administratif, ainsi que les appels incidents de la Société Industrielle Drômoise du Bâtiment et de M. X... sont rejetés.
Article 7 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT INTERCOMMUNAL A VOCATION MULTIPLE DU CANTON DE SAINT-MICHEL DE MAURIENNE, à la Société Industrielle Drômoise du Bâtiment, à M. X..., à M. Y... et au ministre de l'éducation nationale.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 67063
Date de la décision : 18/03/1988
Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - DESORDRES DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DECENNALE DES CONSTRUCTEURS - ONT CE CARACTERE - Infiltrations d'eau - Désordres de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - RESPONSABILITE DE L'ARCHITECTE - FAITS DE NATURE A ENGAGER SA RESPONSABILITE - Insuffisance de contrôle.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - RESPONSABILITE DE L'ENTREPRENEUR - FAITS DE NATURE A ENGAGER SA RESPONSABILITE - Vice de construction.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - RESPONSABILITE DE L'ENTREPRENEUR - FAITS SUSCEPTIBLES D'ATTENUER LA RESPONSABILITE DE L'ENTREPRENEUR - Procédé agréé et imposé par l'Etat - maître d'ouvrage délégué.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - ACTIONS EN GARANTIE - Réception définitive ayant mis fin aux relations contractuelles - Rejet de l'action.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - PREJUDICE INDEMNISABLE - EVALUATION - DATE D'EVALUATION - Date du dépôt du rapport d'expertise.

PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES - CONCLUSIONS - CONCLUSIONS IRRECEVABLES - Appel - Conclusions présentées pour la première fois.


Références :

Code civil 1154, 1792 et 2270


Publications
Proposition de citation : CE, 18 mar. 1988, n° 67063
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Sauzay
Rapporteur public ?: Mme Moreau

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1988:67063.19880318
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