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09/12/1987 | FRANCE | N°72634

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 09 décembre 1987, 72634


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 septembre 1985 et 30 octobre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Philippe Z..., demeurant 3, Palais des Allées à l'Ile Rousse 20220 et M. François Y..., demeurant à Santa Reparata-di-Balagna, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 14 juin 1985 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur protestation dirigée contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 17 mars 1985 dans le canton de l'Ile-Rousse Haute-Corse ;


2° annule ces opérations électorales ;
Vu les autres pièces du do...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 septembre 1985 et 30 octobre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Philippe Z..., demeurant 3, Palais des Allées à l'Ile Rousse 20220 et M. François Y..., demeurant à Santa Reparata-di-Balagna, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 14 juin 1985 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur protestation dirigée contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 17 mars 1985 dans le canton de l'Ile-Rousse Haute-Corse ;
2° annule ces opérations électorales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Frydman, Auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de M. Z... et de M. Y... et de la SCP Labbé, Delaporte, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme Hubac, Commissaire du gouvernement ;
Sur le grief tiré de l'inéligibilité alléguée de M. X... :

Considérant que M. X... exerce les fonctions de prospecteur placier à l'agence nationale pour l'emploi ; que ces fonctions n'entrent dans aucun des cas d'inéligibilité au conseil général prévus par les articles L. 195 et L. 196 du code électoral ; que le grief tiré de l'inéligibilité alléguée du candidat proclamé élu doit, par suite être écarté ;
Sur les griefs relatifs à la tenue des listes d'émargements et au dépouillement du scrutin :
Considérant que la circonstance que la liste d'émargements utilisée lors du scrutin dans le bureau de vote de l'Ile Rousse n'a pas été certifiée par le maire, est sans incidence sur la régularité des opérations électorales, dès lors qu'il n'est pas allégué que le contenu de ladite liste aurait différé de celui de la liste électorale ;
Considérant qu'il résulte de l'examen de cette même liste d'émargements que celle-ci a été régulièrement signée par les membres du bureau de vote à l'issue du scrutin et satisfait ainsi aux exigences de l'article R. 62 du code électoral ;
Considérant que si les requérants soutiennent qu'en violation de l'article R. 63 du code, les électeurs n'auraient pu, dans ce même bureau, circuler librement autour des tables de dépouillement, il n'est apporté à l'appui de cette affirmation aucun commencement de preuve ; que l'irrégularité ainsi alléguée n'est dès lors pas établie ;
Considérant que s'il résulte de l'instruction qu'à l'Ile Rousse, le nombre des votants porté au procès-verbal des opérations de vote était inférieur au nombre de votants résultant de l'examen de la liste d'émargements, cette circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à entraîner l'annulation du scrutin, dès lors qu'aucune manoeuvre susceptible d'altérer la sincérité du vote ne peut être tenue pour établie ; que le nombre de bulletins trouvés dans les urnes correspondant au nombre d'émargements porté sur le procès-verbal, il n'y a lieu d'apporter aucune modification aux énonciations dudit procès-verbal ;

Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction qu'à Monticello, le nombre de bulletins trouvés dans les urnes était supérieur d'une unité au nombre de votants résultant de l'examen de la liste d'émargements ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de faire prévaloir ce dernier chiffre et, par suite, de déduire une unité tant du nombre de votants mentionné au procès-verbal que du nombre de suffrages obtenus par le candidat proclamé élu à l'issue des opérations électorales ;
Sur les griefs relatifs au vote par procuration :
Considérant que s'il est allégué que, dans presque toutes les communes du canton, des procurations périmées ou irrégulières auraient été utilisées et qu'à l'Ile Rousse, les conditions dans lesquelles les votes de nombreux mandataires ont été recueillis, seraient révélatrices d'une manoeuvre susceptible d'avoir faussé la sincérité du scrutin, les requérants n'apportent à l'appui de ces affirmations aucune précision ni aucun commencement de preuve ; que les faits allégués ne peuvent par suite être regardés comme établis ;
Considérant qu'il résulte de l'examen de la liste d'émargements du bureau de l'Ile Rousse que celle-ci comporte l'inscription à l'encre rouge du nom des mandants au regard du nom de leur mandataire ; qu'ainsi le grief tiré de ce que ladite liste n'aurait pas comporté les mentions prévues par l'article R. 76 du code électoral manque en fait ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 73 du code électoral : "chaque mandataire ne peut disposer de plus de deux procurations. Si deux procurations ont été établies au nom d'un même mandataire, celles qui ont été dressées les premières sont seules valables ; la ou les autres sont nulles de plein droit" ; qu'en l'espèce, il est établi qu'à Santa Reparata di Balagna, une électrice avait reçu mandat de trois autres électeurs ; qu'il résulte des dispositions susrappelées que celle de ces trois procurations dressée en dernier lieu était nulle de plein droit ; que cette procuration a été utilisée lors du scrutin ; qu'il y a lieu, par suite, de retirer une unité du nombre de suffrages obtenus par le candidat proclamé élu à l'issue des opérations électorales ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 75 du code électoral, dans sa rédaction résultant du décret n° 79-380 du 10 mai 1979 : "chaque procuration est établie sur un imprimé contenant deux volets et un talon. Les deux volets sont signés par le mandant" ; qu'il résulte de l'instruction que sept procurations utilisées lors du scrutin ne comportaient pas la signature des mandants au nom desquels elles avaient été établies ; qu'ainsi, ces procurations étaient irrégulières ; qu'il y a lieu, par suite, de retrancher de ce chef sept unités au nombre de voix obtenues par M. X... ;
Considérant, en revanche, que s'il résulte de l'instruction que six procurations utilisées lors du scrutin ne comportaient pas le cachet de l'autorité devant laquelle elles avaient été dressées et qu'une autre ne comportait pas la mention de la qualité exacte de cette autorité, l'omission de ces formalités n'est pas de nature, à elle seule, à mettre en cause l'authenticité desdites procurations ; que s'il est allégué que quarante-sept procurations auraient été utilisées lors du second tour de scrutin, alors qu'elles étaient établies soit en vue d'autres élections, soit en vue du seul premier tour de scrutin, il résulte de l'instruction que ce grief manque en fait, s'agissant de quarante-deux de ces procurations, dont la validité s'étendait aux opérations électorales du 17 mars 1985 ; que si, dans cinq cas, les procurations établies par les mandants n'étaient effectivement valables que pour le premier tour, il n'est pas établi par les pièces du dossier que ces mandants n'aient pas personnellement émis leur vote lors du second tour ; que, par suite, ces différents griefs doivent être rejetés ;
Sur les autres griefs relatifs au déroulement du vote :

Considérant que s'il est allégué qu'en violation de l'article L. 60 du code électoral, le nombre d'enveloppes disposées dans les bureaux de vote aurait été inférieur au nombre d'électeurs inscrits, qu'en violation de l'article L. 62, de nombreux électeurs auraient voté sans utiliser l'isoloir, qu'en violation de l'article L. 64, des électeurs de l'Ile Rousse qui n'étaient pas dans l'impossibilité physique d'exercer eux-mêmes leur droit de vote auraient été assistés par des membres du bureau et enfin que, dans cette même commune, des conseillers municipaux auraient accompagné les électeurs jusqu'à une table sur laquelle n'étaient entreposés que des bulletins au seul nom de M. X..., les requérants n'apportent à l'appui de ces différentes affirmations aucune preuve ni aucun commencement de preuve ; que les faits ainsi allégués, ne peuvent, par suite, être tenus pour établis ;
Considérant que si les requérants font état de l'existence de doubles votes dans diverses communes, ils n'assortissent pas ces allégations de précisions suffisantes, s'agissant notamment de l'identification des électeurs et des communes concernés, pour permettre au juge de l'élection d'apprécier la portée du grief ainsi soulevé ; que dès lors, ce grief ne peut qu'être écarté ;
Sur le grief tiré de ce que M. Z... aurait été mis dans l'impossibilité d'inscrire ses observations au procès-verbal :
Considérant que s'il est allégué que M. Z... aurait été mis dans l'impossibilité d'inscrire ses observations au procès-verbal des opérations de vote de la commune de l'Ile Rousse, cette circonstance n'est pas, en tout état de cause, de nature à entacher d'irrégularité l'élection contestée, dès lors que l'intéressé a eu la possibilité de saisir le tribunal administratif des griefs dont il entendait faire état ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de retirer neuf unités au nombre de voix obtenues par le candidat proclamé élu à l'issue des opérations électorales ; que la modification ainsi opérée, qui a pour effet de ramener le nombre des suffrages émis en faveur de M. X... à 1 653, contre 1 634 pour M. A..., est sans influence sur les résultats du scrutin ;
Considérant, dès lors, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel n'est entaché d'aucune omission de statuer, le tribunal administratif de Bastia a rejeté leur protestation dirigée contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 17 mars 1985 dans le canton de l'Ile Rousse ;
Article 1er : La requête de M. Z... et de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Z..., à M. Y..., à M. X... et au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

ELECTIONS - ELECTIONS AU CONSEIL GENERAL - OPERATIONS ELECTORALES - [1] Dépouillement - Nombre de bulletins trouvés dans l'urne supérieur à celui des émargements - Pouvoirs du juge - [2] Vote par procuration - Electeur ayant reçu mandat de plus de deux autres électeurs - Conséquences - Nullité de droit des procurations surabondantes.

ELECTIONS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - POUVOIRS DU JUGE - Conséquences tirés par le juge des irrégularités - Nouveau décompte des voix.


Références :

Code électoral L60, L62, L64, L73, L195, L196, R62, R63, R75, R76
Décret 79-380 du 10 mai 1979


Publications
Proposition de citation: CE, 09 déc. 1987, n° 72634
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Frydman
Rapporteur public ?: Mme Hubac

Origine de la décision
Formation : 3 / 5 ssr
Date de la décision : 09/12/1987
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 72634
Numéro NOR : CETATEXT000007728235 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1987-12-09;72634 ?
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