Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 19 septembre 1984 et 9 janvier 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE, dont le siège social est ... à Nantes 44000 , représentée par son président en exercice, venant aux droits de la société Conduites et Canalisations, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1 annule le jugement du 20 juin 1984 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. X..., la décision du 3 juin 1983 par laquelle le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale a annulé la décision du 16 novembre 1982 par laquelle l'inspecteur du travail de Loire-Atlantique a refusé d'autoriser le licenciement de M. X..., délégué du personnel suppléant ;
°2 rejette la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Nantes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Faure, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Vier, Barthélémy, avocat de la SOCIETE "L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE",
- les conclusions de Mme de Clausade, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.425-1 du code du travail : "Tout licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement. Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement..." ;
Considérant qu'en vertu de ces dispositions, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si ladite inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont le salarié est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation del'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant que la Société "Conduites et Canalisations" a demandé l'autorisation de licencier M. X... au motif que l'intéressé avait fait l'objet d'une suspension de son permis de conduire pour une durée de trente mois et que cette circonstance le rendait inapte à exécuter son contrat de travail et à exercer les fonctions qui lui étaient confiées ; que ce licenciement a été autorisé le 3 juin 1983 par le ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale qui a annulé, sur le recours hiérarchique de l'employeur, le refus opposé par l'inspecteur du travail ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X..., ouvrier qualifié 1er échelon selon la classification de la convention collective nationale des travaux publics, était employé comme manutentionnaire magasinier ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la possession du permis de conduire ait été une cause déterminante de l'embauche de M. X..., ni une clause substantielle du contrat de travail de l'intéressé dont la qualification, telle que définie par la convention collective précitée, n'impliquait d'ailleurs pas la conduite habituelle de véhicules ; que, dès lors, la suspension du permis de conduire de l'intéressé n'a pu avoir pour effet de rendre impossible l'exécution du contrat de travail de M. X..., ni celle des fonctions qui lui étaient alors confiées ; qu'il suit de là que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision précitée du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE "L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE" est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE "L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE", à M. X... et au ministre des affaires sociales et de l'emploi.