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13/11/1987 | FRANCE | N°55445

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 13 novembre 1987, 55445


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés le 5 décembre 1983 et le 5 avril 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Syndicat intercommunal pour la création et le fonctionnement de l'école des Clos Ferolles Seine-et-Marne , représenté par sa présidente en exercice et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1 annule le jugement du 7 juillet 1983, par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire et conjointe des S.C.I "Résidence du Clos de la Vigne" et "Résidence du

Clos Prieur", Société auxiliaire d'Entreprises, Société des Etablisse...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés le 5 décembre 1983 et le 5 avril 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Syndicat intercommunal pour la création et le fonctionnement de l'école des Clos Ferolles Seine-et-Marne , représenté par sa présidente en exercice et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
°1 annule le jugement du 7 juillet 1983, par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire et conjointe des S.C.I "Résidence du Clos de la Vigne" et "Résidence du Clos Prieur", Société auxiliaire d'Entreprises, Société des Etablissements Vissol et Société Immobilière et de Participations Foncières à lui verser diverses indemnités en réparation des désordres affectant les bâtiments du groupe scolaire de Ferolles-Attily en Seine-et-Marne ;
°2 condamne lesdites sociétés à lui payer solidairement les indemnités demandées,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil notamment ses articles 1792 et 2270 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Le Pors, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Lemaitre, Monod, avocat du SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR LA CREATION ET LE FONCTIONNEMENT DE L'ECOLE DES CLOS, de Me Odent, avocat de la Société Auxiliaire d'Entreprises et de Me Roger, avocat de la Société Immobilière et de Participations Foncières,
- les conclusions de M. Robineau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par convention en date du 28 novembre 1969, le Syndicat Intercommunal pour l'équipement et l'urbanisation de la zone dite "Grande et Petite Romaine" a confié aux Sociétés civiles immobilières "Résidence du Clos Prieur" et "Résidence du Clos de la Vigne" l'aménagement de la zone d'aménagement concerté "Grande et Petite Romaine" ; que l'article 5 de cette convention mettait à la charge des deux sociétés la réalisation et le financement d'un groupe scolaire de sept classes élémentaires et de deux classes maternelles avec leurs annexes réglementaires et de trois logements d'instituteurs ; que, pour l'exécution des travaux de construction, les deux sociétés ont passé un marché avec la Société Auxiliaire d'Entreprises, laquelle a sous-traité les travaux à la Société des Etablissements Vissol ; que le Syndicat Intercommunal a, en outre, confié directement à cette dernière entreprise l'exécution d'une deuxième tranche de travaux comportant deux bâtiments à usage de réfectoire et de classes enfantines ;
Sur les désordres affectant la première tranche des travaux :
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, pour rejeter la requête du Syndicat Intercommunal, les premiers juges ont dénié la qualité de constructeur, au sens des dispositions des articles 1792 et 2270 du code cvil, aux deux sociétés civiles immobilières précitées ; que, s'agissant du champ d'application desdits articles, il leur appartenait de rechercher si la condamnation de ces sociétés pouvait être éventuellement prononcée sur le fondement de la garantie décennale ; qu'ainsi et contrairement à ce que soutient le requérant, les premiers juges, en soulevant d'office ce moyen, ne se sont pas prononcés sur des conclusions qui ne leur auraient pas été soumises et n'ont pas, en conséquence, porté atteinte au caractère contradictoire de la procédure ;
Au fond :

Considérant, d'une part, que la convention susanalysée du 28 novembre 1969 a eu pour effet de conférer aux deux sociétés civiles immobilières la qualité de mandataires du Syndicat Intercommunal ; que, compte tenu des dispositions des articles 1792 et 2270 du code civil dans leur rédaction en vigueur à la date de la convention, ces sociétés n'étaient pas des constructeurs ; que le syndicat ne pouvait leur réclamer que la réparation des fautes qu'elles auraient pu commettre dans l'exécution de leur mandat ; qu'ayant exercé, devant les premiers juges, la seule action en garantie décennale, le Syndicat Intercommunal n'est pas recevable pour la première fois en appel à invoquer lesdites fautes ;
Considérant, d'autre part, que les sociétés civiles immobilières, agissant pour le compte du Syndicat Intercommunal, ont passé marché avec la Société Auxiliaire d'Entreprises ; que le syndicat est, par suite, fondé à poursuivre la condamnation éventuelle de cette société en vertu des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, la réception définitive ayant été prononcée au milieu de l'année 1970 ;
Considérant, enfin, que la Société Vissol ayant seulement contracté avec la Société Auxiliaire d'Entreprises, le Syndicat Intercommunal ne pouvait mettre en jeu sa responsabilité ;
Sur la réparation :
Considérant que les désordres affectant les travaux de la première tranche sont de nature à rendre les immeubles impropres à leur destination ; qu'ils sont imputables tant à la conception qu'à l'exécution de l'ouvrage ; qu'ils engagent par suite la responsabilité de la Société Auxiliaire d'Entreprises ;

Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation de la réparation due au Syndicat Intercommunal en condamnant la Société Auxiliaire d'Entreprises à lui verser une indemnité de 300 000 F au titre des désordres et la somme de 50 000 F du chef des troubles de jouissance relatifs à l'utilisation des équipements ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que le Syndicat Intercommunal a droit aux intérêts au taux légal afférents à l'indemnité de 350 000 F à compter du 31 octobre 1979, date d'enregistrement de sa demande introductive d'instance devant le tribunal administratif ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 12 avril 1985 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément à l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Considérant que de tout ce qui précède il résulte que le syndicat requérant s'il est fondé à soutenir que c'est à tort que, par son article 1er, le jugement attaqué a rejeté les conclusions de sa demande en tant qu'elles poursuivaient la condamnation de la Société Auxiliaire d'Entreprises et à en demander, dans cette mesure, l'annulation ne l'est pas en ce qui concerne le rejet de ses autres conclusions au titre de la première tranche de travaux ;
Sur les désordres affectant la deuxième tranche de travaux :
Considérant qu'il ressort notamment du rapport de l'expertise ordonnée en référé, que la seconde tranche de travaux a été peu concernée par les désordres existants ; qu'il n'est pas établi que ces désordres soient de nature à compromettre la solidité des immeubles ni à les rendre impropres à leur destination ; que, dès lors, le Syndicat Intercommunal, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à ce que la Société des Etablissements Vissol soit condamnée à réparer les désordres affectant la deuxième tranche de travaux ;
Sur les frais d'expertise exposés en première instance :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre ces frais, qui se montent à 11 000 F, à la charge de la Société Auxiliaire d'Entreprises ;
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Versailles du 7 juillet 1983 en tant qu'il rejette les conclusions de la demande du Syndicat Intercommunal pour l'équipement et l'urbanisation de la zone dite "Grande et Petite Romaine" dirigées contre la Société Auxiliaire d'Entreprises et l'article 2 du même jugement qui met les frais d'expertise à la charge dudit syndicat sont annulés.
Article 2 : La Société Auxiliaire d'Entreprises est condamnée à verser au Syndicat Intercommunal pour la création et le fonctionnement de l'école des Clos la somme de 350 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 1979. Les intérêts échus le 12 avril 1985 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du SyndicatIntercommunal pour la création et le fonctionnement de l'école des Clos est rejeté.
Article 4 : Les frais d'expertise exposés en première instance et liquidés à la somme de 11 000 F onze mille francs sont mis à la charge de la Société Auxiliaire d'Entreprises.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au Syndicat Intercommunal pour la création et le fonctionnement de l'école des Clos, aux sociétés civiles immobilières "Résidence du Clos Prieur" et"Résidence du Clos de la Vigne", à la Société Auxiliaire d'Entreprises, à la Société des Etablissements Vissol, à la Société Civile Immobilière et de Participations Foncières et au ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 55445
Date de la décision : 13/11/1987
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - Notion de constructeur d'un ouvrage - Absence - Article 1792 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 janvier 1978 - Sociétés mandataires du maître de l'ouvrage - chargées de l'aménagement d'une Z - A - C.

39-08-03-01-01 Pour rejeter la requête d'un syndicat intercommunal, les premiers juges ont dénié la qualité de constructeur, au sens des dispositions des articles 1792 et 2270 du code civil, aux deux sociétés civiles immobilières auxquelles ce syndicat a confié l'aménagement d'une Z.A.C. par une convention qui mettait à leur charge la réalisation et le financement d'un groupe scolaire et de trois logements d'instituteurs. S'agissant du champ d'application des articles précités du code civil, il appartenait aux premiers juges de rechercher si la condamnation de ces sociétés pouvait être éventuellement prononcée sur le terrain de la garantie décennale. Ainsi, les premiers juges, en soulevant d'office ce moyen, ne se sont pas prononcés sur des conclusions qui ne leur auraient pas été soumises et n'ont pas, en conséquence, porté atteinte au caractère contradictoire de la procédure.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - POUVOIRS ET OBLIGATIONS DU JUGE - POUVOIR DU JUGE - MOYENS D'ORDRE PUBLIC - Existence - Champ d'application de la loi - Article 1792 du code civil - Qualité de constructeur de la personne dont la responsabilité est recherchée sur le terrain de la garantie décennale.

39-06-01, 54-07-01-04-01-02-01 Par convention en date du 28 novembre 1969, le syndicat intercommunal pour l'équipement et l'urbanisation de la zone d'aménagement concerté dite "Grande et Petite Romaine" à Ferolles-Attily [Seine-et-Marne] a confié l'aménagement de cette zone à deux sociétés civiles immobilières. L'article 5 de cette convention mettait à la charge des deux sociétés la réalisation et le financement d'un groupe scolaire de sept classes élémentaires et de deux classes maternelles avec leurs annexes réglementaires et de trois logements d'instituteurs. La convention susanalysée a ainsi eu pour effet de conférer aux deux sociétés la qualité de mandataire du syndicat intercommunal. Compte tenu des dispositions des articles 1792 et 2270 du code civil, dans leur rédaction en vigueur à la date de la convention, ces sociétés n'étaient pas des constructeurs. Le syndicat ne pouvait leur réclamer que la réparation des fautes qu'ils auraient commises dans l'exécution de leur mandat. Ayant exercé, devant les premiers juges, la seule action en garantie décennale, il n'est pas recevable pour la première fois en appel à invoquer lesdites fautes.

PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES - MOYENS - MOYENS D'ORDRE PUBLIC A SOULEVER D'OFFICE - EXISTENCE - CHAMP D'APPLICATION DE LA LOI - Inapplicabilité ratione materiae - Champ d'application de l'article 1792 du code civil - Qualité de constructeur de la personne dont la responsabilité est recherchée sur le terrain de la garantie décennale.


Références :

Code civil 1792, 2270, 1154


Publications
Proposition de citation : CE, 13 nov. 1987, n° 55445
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. Le Pors
Rapporteur public ?: M. Robineau

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:55445.19871113
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