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09/10/1987 | FRANCE | N°68531

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 09 octobre 1987, 68531


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 10 mai 1985 et 9 septembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE EUROPEENNE DE VIGILANCE INDUSTRIELLE ET PRIVEE, dont le siège est ... à Paris 75001 , représentée par son président en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 1er mars 1985 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé, à la demande de M. Z..., la décision du 21 juin 1984 par laquelle le directeur régional de l'industrie et de la recherche de la régio

n Rhône-Alpes a autorisé la société requérante à licencier M. Z..., d...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 10 mai 1985 et 9 septembre 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE EUROPEENNE DE VIGILANCE INDUSTRIELLE ET PRIVEE, dont le siège est ... à Paris 75001 , représentée par son président en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 1er mars 1985 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé, à la demande de M. Z..., la décision du 21 juin 1984 par laquelle le directeur régional de l'industrie et de la recherche de la région Rhône-Alpes a autorisé la société requérante à licencier M. Z..., délégué du personnel suppléant ;
2° rejette la demande présentée par M. Z... devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fraisse, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Labbé, Delaporte, avocat de la SOCIETE EUROPEENNE DE VIGILANCE INDUSTRIELLE ET PRIVEE SEVIP et de la S.C.P. Nicolas, Masse-Dessen, Georges, avocat de M. Z...,
- les conclusions de M. Robineau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.425-1 du code du travail, "tout licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement. Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement." ; que par application de l'article L.236-11, les mêmes règles s'appliquent au licenciement d'un représentant du personnel siégeant dans un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ;
Considérant qu'en vertu de ces dispositions, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Z..., délégué du personnel suppléant et membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, a, le 16 mai 1984, alors qu'il était en poste aux "locaux chauds" de la centrale nucléaire du Tricastin, où il était employé comme agent de sécurité, refusé d'obéir à l'ordre qui lui était donné par le brigadier Y... de fermer une porte, donnant accès à la zone contrôlée et restée accidentellement ouverte ; qu'il a réitéré ce refus à son chef d'équipe, M. X..., qui avait confirmé l'ordre par téléphone ;

Considérant que la SOCIETE EUROPEENNE DE VIGILANCE INDUSTRIELLE ET PRIVEE, employeur de M. Z..., avait institué, pour faire face à une telle situation, une procédure spéciale qui avait été employée à de nombreuses reprises et que M. Z... avait lui-même pratiquée ; qu'en admettant que cette procédure dérogeât aux règles édictées par une note de service en date du 29 avril 1982, dont les prescriptions ne s'appliquaient d'ailleurs pas au problème à résoudre, M. Z... avait néanmoins le devoir, eu égard à l'urgence de la manoeuvre qui lui était demandée et à la gravité de ses conséquences sur la sécurité de l'entreprise, d'obéir aux ordres qui lui étaient donnés conformément à la procédure susmentionnée, laquelle comportait la mise à sa disposition de la clef nécessaire et le remplacement momentané de l'intéressé à son poste de garde ; qu'en refusant à deux reprises d'exécuter les ordres reçus, qu'il avait la possibilité matérielle d'exécuter et qui ne l'obligeaient pas à méconnaître les règles esentielles de sécurité en vigueur sur le site, M. Z... a commis un acte d'indiscipline caractérisé, constitutif d'une faute grave ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a estimé que la faute reprochée à M. Z... n'était pas suffisamment grave pour justifier son licenciement et a, par ce motif, annulé la décision en date du 21 juin 1984 par laquelle le directeur régional de l'industrie et de la recherche de la région Rhône-Alpes, agissant en qualité d'inspecteur du travail, avait autorisé le licenciement de l'intéressé ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Z... dans sa demande, présentée au tribunal administratif de Grenoble ;
Considérant qu'en vertu de l'article R.436-4 du code du travail, l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé "procède à une enquête contradictoire" et "statue dans un délai de quinze jours qui est réduit à huit jours en cas de mise à pied. Ce délai ... ne peut être prolongé que si les nécessités de l'enquête le justifient. L'inspecteur avise de la prolongation ..." notamment l'employeur et le salarié ;
Considérant que si la demande d'autorisation de licenciement de M. Z... est datée du 25 mai 1984 et si la décision par laquelle le directeur régional a autorisé le licenciement n'a été prise que le 21 juin 1984, alors que M. Z... avait été mis à pied, la circonstance, à la supposer établie, que le directeur régional n'ait pas avisé les intéressés de la prolongation du délai susmentionné qui était justifiée par les nécessités de l'enquête, n'est pas de nature à entacher la régularité de sa décision ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'enquête à la suite de laquelle a été prise la décision attaquée, au cours de laquelle M. Z... a d'ailleurs été mis en présence de deux représentants de la direction de la société, a eu le caractère contradictoire exigé par le texte précité ; que l'auteur de l'enquête n'était pas tenu de communiquer à chaque partie les documents reçus de l'autre partie ;

Considérant que s'il est établi d'une part que M. Y..., auteur du rapport au vu duquel l'employeur a engagé une procédure disciplinaire à l'encontre de M. Z..., a participé, en tant que membre élu, au vote du comité d'entreprise consulté, par application de l'article L.425-1 du code du travail, sur le projet de licenciement de l'intéressé, d'autre part qu'une rivalité d'ordre syndicale opposait M. Y... à M. Z..., ces circonstances ne sont pas de nature à entraîner la nullité de la décision attaquée ;
Considérant enfin que la faute commise par M. Z... ne saurait être regardée comme se rattachant à l'exécution normale des mandats dont il était investi ; que le licenciement envisagé par l'employeur n'était pas en rapport avec les fonctions représentatives ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance que la SOCIETE EUROPEENNE DE VIGILANCE INDUSTRIELLE ET PRIVEE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision en date du 21 juin 1984 du directeur régional de l'industrie et de la recherche ;
Article 1er : Le jugement en date du 1er mars 1985 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Z... devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE EUROPEENNE DE VIGILANCE INDUSTRIELLE ET PRIVEE, à M. Z... et au ministre des affaires sociales et de l'emploi.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

TRAVAIL - LICENCIEMENT - SALARIES PROTEGES - Procédure préalable à l'autorisation administrative - Enquête contradictoire - Régularité.

TRAVAIL - LICENCIEMENT - SALARIES PROTEGES - LICENCIEMENT POUR FAUTE - FAUTE D'UNE GRAVITE SUFFISANTE - EXISTENCE - Refus d'exécuter les ordres reçus - Agent de sécurité dans une centrale nucléaire.


Références :

Code du travail L236-1, L425-1, R436-4
Décision du 21 juin 1984 Directeur régional industrie et recherche Rhône-Alpes décision attaquée confirmation


Publications
Proposition de citation: CE, 09 oct. 1987, n° 68531
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Fraisse
Rapporteur public ?: Robineau

Origine de la décision
Formation : 1 / 4 ssr
Date de la décision : 09/10/1987
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 68531
Numéro NOR : CETATEXT000007730843 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1987-10-09;68531 ?
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