La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/06/1987 | FRANCE | N°39250;39291;39308

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 15 juin 1987, 39250, 39291 et 39308


Vu 1° sous le n° 39 250 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 janvier 1982 et 7 mai 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société Navale des Chargeurs DELMAS-VIELJEUX, dont le siège est ... à Paris 75016 , représentée par son président-directeur général en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du tribunal administratif de Rouen, en date du 23 octobre 1981, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation du Port Autonome du Havre et de l'Etat à lui verser la s

omme de 297 526 F en réparation du préjudice subi du fait du blocage du p...

Vu 1° sous le n° 39 250 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 janvier 1982 et 7 mai 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société Navale des Chargeurs DELMAS-VIELJEUX, dont le siège est ... à Paris 75016 , représentée par son président-directeur général en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du tribunal administratif de Rouen, en date du 23 octobre 1981, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation du Port Autonome du Havre et de l'Etat à lui verser la somme de 297 526 F en réparation du préjudice subi du fait du blocage du port du Havre par les marins-pêcheurs du 28 au 31 mars 1977 ;
2° condamne le Port Autonome du Havre et l'Etat à lui verser la somme de 297 256 F avec les intérêts à compter du 17 mai 1977 et la capitalisation de ces intérêts ;
Vu 2° sous le n° 39 291, la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 11 janvier 1982, présentée pour la Compagnie Générale Maritime dont le siège est ... , Normandy Ferries France S.A. dont le siège est ... , P. et O. Normandy Ferries Limited, dont la direction en France est Tour Atlantique Puteaux 92800 , Société Navale Chargeurs Delmas-Vieljeux dont le siège est ... , Carline, G.I.E. dont le siège est ... , CETRAGPA, G.I.E. dont le siège est 30, place de la Madeleine Paris 75008 , Services Europe Atlantique Sud S.E.A.S. G.I.E. dont le siège est ... 75008 , Compagnie Générale Transbaltique dont le siège est à Paris la Défense 92000 , Atlantic Container Line A.C.L. dont le siège est à Paris la Défense, Central America Services C.A.S. dont le siège est à Paris la Défense 92000 , agissant poursuites et diligences de leurs dirigeants en exercice, domiciliés en-qualités auxdits sièges et le mémoire complémentaire, enregistré le 11 mai 1982, présenté pour la Compagnie Générale Maritime, le G.I.E. CETRAGPA, le G.I.E. Services Europe Atlantique Sud, la Compagnie Générale Transbaltique, la Compagnie Atlantic Container Line, la Compagnie Central America Services et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du tribunal administratif de Rouen, en date du 23 octobre 1981, en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la condamnation du Port Autonome du Havre et de l'Etat à verser respectivement, en réparation du préjudice subi du fait du blocage du Port du Havre par les marins-pêcheurs du 28 au 31 mars 1977, à la Compagnie Générale Maritime la somme de 409 080 F à la Société Normandy Ferries la somme de 313 621 F, à la société P et O Normandy Ferries Limited la somme de 305 841 F, à la société Navale Chargeurs Delmas-Vieljeux la somme de 297 526 F, à l Carline la somme de 49 646 F, à CETRAGPA la somme de 34 045 F, à la société Services Europe Atlantique Sud S.E.A.S. la somme de 60 600 F, à la Compagnie Générale Transbaltique la somme de 40 000 F, à la société Atlantic Container Line la somme de 142 200 F et à la société Central America Services C.A.S. la somme de 52 142 F, lesdites sommes portant intérêts de droit à compter du 17 mai 1977 ;

2° condamne le Port Autonome du Havre et l'Etat à leur verser lesdites sommes ;
Vu, enregistré le 23 octobre 1985, l'acte par lequel la Compagnie Générale Maritime déclare se désister purement et simplement de sa requête ;
Vu enregistré le 20 mai 1987, l'acte par lequel la Compagnie Service Europe Atlantique Sud, la Compagnie Générale Transbaltique, la Compagnie Atlantique Container Line, la Compagnie Central America Services déclarent se désister purement et simplement de leur requête ;
Vu 3° sous le n° 39 308 la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 11 janvier 1982, et le mémoire complémentaire, enregistré le 11 mai 1982, présentés pour la société Normandy Ferries France dont le siège est ... , représentée par son président en exercice, la société P et O Normandy Ferries Limited dont la direction en France est Tour Atlantique à Puteaux 92000 et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du tribunal administratif de Rouen, en date du 23 octobre 1981, en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la condamnation du Port Autonome du Havre, de la ville du Havre et de l'Etat à verser à la société Normandy Ferries France la somme de 313 621 F et à la société P et O Normandy Ferries Limited la somme de 305 841 F en réparation du préjudice subi du fait du blocage du port du Havre par les marins-pêcheurs du 28 au 31 mars 1977 ;
2° condamne la ville du Havre, le Port Autonome du Havre et l'Etat à leur verser lesdites sommes ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des ports maritimes ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Dubos, Maître des requêtes,
- les observations de Me Foussard, avocat de la Société Navale des Chargeurs DELMAS-VIELJEUX, de Me Vincent avocat du Port Autonome du Havre, de Me Consolo avocat de la ville du Havre, de Me Le Prado avocat de la société Normandy Ferries France S.A. et de la société P et O Normandy Ferries Limited et de Me Celice avocat de la Compagnie générale maritime et autres,
- les conclusions de M. Schrameck, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de la Société Navale des Chargeurs DELMAS-VIELJEUX, de la Compagnie Générale Maritime et autres et des sociétés Normandy Ferries France et P et O Normandy Ferries Limited présentent à juger la même question ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 53-3 du décret du 30 juillet 1963 modifié par le décret du 16 janvier 1981 "lorsque la requête ou le recours mentionne l'intention du requérant ou du ministre de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat dans un délai de quatre mois à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. Si ce délai n'est pas respecté, le requérant ou le ministre est réputé s'être désisté à la date d'expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Le Conseil d'Etat donne acte de ce désistement" ;
Considérant que le groupement d'intérêt économique CARLINE, a annoncé la production d'un mémoire complémentaire ; qu'à la date d'expiration du délai précité, ce mémoire n'était pas parvenu au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; que dès lors ce groupement est réputé s'être désisté de sa requête ;
Considérant, en second lieu, que le désistement de la Compagnie Générale Maritime et celui de la Compagnie Générale Transbaltique, de la Compagnie Atlantic Container Line, de la Compagnie Central America Services et de la Compagnie Services Europe Atlantique Sud sont purs et simples ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;
Sur la responsabilité de la ville du Havre :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que devant le tribunal administratif de Rouen, aucune des parties n'a présenté de conclusions tendant à la condamnation de la ville du Havre ; qu'ainsi, les sociétés requérantes, qui ne sont pas recevables à présenter de telles conclusions pour la première fois en appel, ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont mis hors de cause la ville de Havre ;
Sur la responsabilité du Port Autonome du Havre :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L.111.2 du code des ports maritimes "le port autonome est chargé de l'exploitation, de l'entretien et de la police, au sens du livre III du présent Code, du port et de ses dépendances, et de la gestion du domaine immobilier qui lui est affecté" ; que ces dispositions n'ont pas pour objet et ne peuvent avoir pour effet de transférer au port autonome les pouvoirs de police qui, en cas de troubles graves, ressortissent aux autorités chargées du maintien de l'ordre ; qu'ainsi, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à se plaindre de ce que les premiers juges ont rejeté leurs demandes sur ce point ;
Considérant, d'autre part, que si les sociétés requérantes reprochent aux autorités portuaires de ne pas les avoir avisées de l'imminence des troubles, cette circonstance manque en fait et ne saurait, en tout état de cause, à elle seule, engager la responsabilité desdites autorités ;
Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant que les autorités de l'Etat chargées de l'exploitation et de la police des ports maritimes sont tenues, en principe, d'exercer les pouvoirs qu'elles tiennent de la législation en vigueur et notamment du livre III du code des ports maritimes, pour assurer aux usagers du domaine public portuaire une utilisation normale de ce domaine public ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que le mouvement revendicatif des marins-pêcheurs de la région du Havre, destiné à protester contre la pollution de la Seine et limité à ce seul secteur, était prévisible plusieurs jours avant qu'il ne se produise et que les autorités chargées de la police de l'ordre public en avaient été dûment informées ; qu'ainsi et alors qu'il ne ressort pas de l'instruction et en particulier des observations produites devant le Conseil d'Etat par le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'urbanisme, du logement et des transports, chargé de la mer, qu'existait un risque sérieux de troubles graves, les autorités chargées de la police de l'ordre public dans la commune du Havre, en s'abstenant de prendre des dispositions pour s'opposer à la formation des barrages à l'entrée du port du Havre dans la matinée du 28 mars 1977 ont commis une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers les compagnies requérantes, dont les navires ont été immobilisés dans le port du 28 au 31 mars 1977 ;
Sur le préjudice :
Considérant que l'état du dossier ne permet pas de déterminer le montant du préjudice subi par les sociétés requérantes du fait du blocage du port du Havre ; que, par suite, il y a lieu, avant de statuer sur leur demande d'indemnité, d'ordonner une expertise en vue de déterminer l'étendue du préjudice subi et notamment d'évaluer les pertes de recettes compensées éventuellement par les frais économisés et par les recettes nées du déroutement vers d'autres ports ;
Article 1er : Il est donné acte du désistement du G.I.E. CARLINE, de la Compagnie Générale Maritime, de la Compagnie Générale Transbaltique, de la Compagnie Atlantic Container Line, de la Compagnie Central America Services et de la Compagnie Service Europe Atlantique Sud.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 23 octobre 1981 est annulé en tant qu'il a rejeté les demandes présentées devant ce tribunal par la société P et O Normandy Ferries Limited, la société Normandy Ferries France, la société Navale des Chargeurs DELMAS-VIELJEUX, le G.I.E. CETRAGPA.

Article 3 : L'Etat est condamné à réparer le préjudice subi par la société P et O Normandy Ferries Limited, la société Normandy Ferries France, la société Navale des Chargeurs DELMAS-VIELJEUX et le G.I.E. CETRAGPA du fait du blocage du port du Havre du 28 au 31 mars 1977.

Article 4 : Il sera, avant de statuer sur les demandes d'indemnité de la société P et O Normandy Ferries Limited, de la société Normandy Ferries France, de la société Navale des Chargeurs DELMAS-VIELJEUX et du G.I.E. CETRAGPA, procédé par un expert désigné par le Président de la Section du Contentieux du Conseil d'Etat à une expertise en vue de déterminer l'étendue du préjudice subi et notamment d'évaluer les pertes de recettes compensées éventuellement par les frais économisés et par les recettes nées du déroutement versd'autres ports.

Article 5 : L'expert prêtera serment par écrit ou devant le secrétaire du Contentieux du Conseil d'Etat ; le rapport d'expertise sera déposé au secrétariat du Contentieux dans le délai de six mois suivant la prestation de serment.

Article 6 : Les frais d'expertise seront réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 7 : Le surplus des requêtes de la société P et O NormandyFerries Limited, la société Normandy Ferries France, la société Navale des Chargeurs DELMAS-VIELJEUX et du G.I.E. CETRAGPA est rejeté.

Article 8 : La présente décision sera notifiée à la ville du Havre, au Port Autonome du Havre, à la Compagnie Générale Maritime, àla Société Navale des Chargeurs DELMAS-VIELJEUX, au groupement d'intérêt économique CARLINE, au groupement d'intérêt économique CETRAGPA, à la Compagnie Services Europe Atlantique Sud, à la Compagnie Générale Transbaltique, à la Compagnie Atlantic Container Line, à la Compagnie Central America Services, à la société Normandy Ferries France, à la société P et O Normandy Ferries Limited, au ministre de l'intérieur et au secrétaire d'Etat à la mer.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 39250;39291;39308
Date de la décision : 15/06/1987
Sens de l'arrêt : Annulation partielle, expertise
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 PORTS - POLICE DES PORTS - LIBRE ACCES AU PORT - Blocage d'un port - Responsabilité - Responsabilité pour faute lourde de l'Etat - Abstention des autorités de l'Etat - Barrages établis par des marins pêcheurs à l'entrée d'un port [1].

50-025-01, 60-01-02-02-03, 60-02-03-03 Les autorités de l'Etat chargées de l'exploitation et de la police des ports maritimes sont tenues, en principe, d'exercer les pouvoirs qu'elles tiennent de la législation en vigueur et notamment du livre III du code des ports maritimes, pour assurer aux usagers du domaine public portuaire une utilisation normale de ce domaine public. Le mouvement revendicatif des marins pêcheurs de la région du Havre, destiné à protester contre la pollution de la Seine et limité à ce seul secteur, était prévisible plusieurs jours avant qu'il ne se produise et les autorités chargées de la police de l'ordre public avaient été dûment informées. Ainsi, et alors qu'il ne ressort pas de l'instruction qu'existait un risque sérieux de troubles graves, les autorités chargées de la police de l'ordre public dans la commune du Havre, en s'abstenant de prendre des dispositions pour s'opposer à la formation des barrages à l'entrée du port du Havre dans la matinée du 28 mars 1977 ont commis une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers les compagnies requérantes, dont les navires ont été immobilisés dans le port du 28 au 31 mars 1977.

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE POUR FAUTE - APPLICATION D'UN REGIME DE FAUTE LOURDE - Police - Abstention des autorités de l'Etat à prendre des dispositions pour s'opposer à la formation de barrages établis par des marins-pêcheurs à l'entrée d'un port [1].

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE POLICE - POLICE DES PORTS - Barrages établis à l'entrée d'un port par des marins-pêcheurs - Abstention des autorités de l'Etat - Responsabilité pour faute lourde [1].


Références :

Code des ports maritimes L111-2
Décret 63-766 du 30 juillet 1963 art. 53-3
Décret 81-29 du 16 janvier 1981

1. Comp. Section, 1977-05-27, S.A. Victor Delforge et Compagnie et Victor Delforge, p. 253 ;

1984-06-22, Secrétaire d'Etat auprès du ministre des transports chargé de la mer c/ Société Sealink U.K. limited, p. 246


Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 1987, n° 39250;39291;39308
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. Dubos
Rapporteur public ?: M. Schrameck

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:39250.19870615
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award