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12/06/1987 | FRANCE | N°41369

France | France, Conseil d'État, 9 / 7 ssr, 12 juin 1987, 41369


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 5 avril 1982 et 2 août 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre X..., exploitant agricole, demeurant à Chavignon, Laon 02000 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 2 février 1982 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu et de majoration exceptionnelle auquel il a été assujetti au titre de l'année 1975 dans les rôles de la commune de Chavignon ;
2° lui

accorde la décharge de l'imposition contestée,
Vu les autres pièces du d...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 5 avril 1982 et 2 août 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre X..., exploitant agricole, demeurant à Chavignon, Laon 02000 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 2 février 1982 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu et de majoration exceptionnelle auquel il a été assujetti au titre de l'année 1975 dans les rôles de la commune de Chavignon ;
2° lui accorde la décharge de l'imposition contestée,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales du nouveau code des impôts ;
Vu la loi n° 70-1199 du 21 décembre 1970 et la loi n° 76-903 du 29 septembre 1976 ;
Vu le décret n° 76-903 du 29 septembre 1976 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Vu l'article 93-II de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 portant loi de finances pour 1984 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Teissier du Cros, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de M. Pierre X...,
- les conclusions de M. Le Roy, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions relatives à la réintégration dans les bases d'imposition d'une somme de 719 663 F :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 76-903 du 29 septembre 1976 pris sur le fondement de l'article 69 quater du code général des impôts et codifié à l'article 38 sexdecies D bis de l'annexe III à ce code applicable jusqu'à l'entrée en vigueur de l'article 78 de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 : "Les avances aux cultures ne sont pas inscrites au bilan d'ouverture ni au bilan de clôture des exercices soumis au régime d'imposition d'après le bénéfice réel. Les dépenses correspondant sont déduites intégralement au titre de l'exercice de leur réalisation" ;
Considérant que par instruction n° 5-E-6-76 du 18 octobre 1976, publiée au Bulletin officiel de la direction générale des impôts, l'administration a admis que les exploitants qui sont passés sous le régime du bénéfice réel et qui ont clos un ou plusieurs exercices avant la publication du décret du 29 septembre 1976 précité pourraient demander pour l'ensemble des exercices considérés le bénéfice de l'application des nouvelles mesures, qu'en pareil cas les bilans déjà établis seraient corrigés par les soins des intéressés pour exclure les inscriptions effectuées au titre des avances aux cultures portées en stock et que, en contrepartie, l'intégralité des dépenses exposées pour les avances aux cultures, serait déduite au titre de l'exercice de leur réalisatin ;
Considérant que M. X..., exploitant agricole soumis au régime du bénéfice réel depuis le 1er janvier 1972, a fait application de l'article 2 du décret du 29 septembre 1976, selon l'interprétation qu'en avait donné l'administration par l'instruction ministérielle du 18 octobre 1976, aux exercices clos depuis le 1er janvier 1972 et a, en conséquence, corrigé les bilans qu'il avait établis et souscrit une déclaration rectificative de ses bénéfices au titre de ces exercices ; que l'administration a estimé que cette déclaration faisait apparaître une augmentation de ses bases d'imposition de 719 663 F au titre de l'année 1975 ;

Considérant que l'administration ne soutient pas que les impositions contestées peuvent trouver une base légale dans les dispositions en vigueur avant l'intervention de l'article 2 du décret du 29 septembre 1976, seul légalement applicable pour l'établissement de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1975 ; que, pour justifier ces impositions, elle se borne à invoquer les dispositions dudit article 2, qui n'ont pu être appliquées pour la détermination du bénéfice imposable de M. X... qu'en vertu de l'instruction ministérielle du 18 octobre 1976 ; que les instructions ministérielles contraires à la loi ne peuvent pas donner une base légale à une décision administrative elle-même contraire à la loi, même si, par application des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts repris à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales, ces instructions peuvent, dans certains cas, être invoquées par le contribuable à l'appui d'une demande en décharge ou en réduction des impositions qui lui sont assignées ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la réduction du complément d'impôt sur le revenu et de majoration exceptionnelle mise à sa charge en tant qu'il procède de la réintégration dans ses bases d'imposition de la somme susmentionnée de 719 663 F ;
Sur le surplus des conclusions de la requête :
Considérant qu'à l'appui de ses conclusions tendant à la décharge du surplus des impositions contestées, M. X... ne soulève aucun moyen ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est entaché d'aucun vice de forme, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ces conclusions ;
Article 1er : La base des impositions à l'impôt sur le revenu et à la majoration exceptionnelle assignées à M. X... au titre de l'année 1975 est réduite d'une somme de 719 663 F.

Article 2 : Il est accordé à M. X... la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et à la majoration exceptionnelle ainsi que des intérêts de retard correspondants auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1975 résultant de l'application de l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens, en date du 2 février 1982, est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, chargé du budget.


Synthèse
Formation : 9 / 7 ssr
Numéro d'arrêt : 41369
Date de la décision : 12/06/1987
Sens de l'arrêt : Réformation, réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - OPPOSABILITE DES INTERPRETATIONS ADMINISTRATIVES - OPPOSABILITE SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L - 80 A DU LPF - GENERALITES - Inopposabilité au contribuable d'une doctrine contraire à la loi - Instruction n° 5E-6-76 du 18 octobre 1976 [1].

19-01-01-03-03-01 Les instructions ministérielles contraires à la loi ne peuvent pas donner une base légale à une décision administrative elle-même contraire à la loi, même si, par application des dispositions de l'article 1649 quinquies E du C.G.I. repris à l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, ces instructions peuvent dans certains cas être invoquées par le contribuable à l'appui d'une demande en décharge ou en réduction des impositions qui lui ont été assignées. Application de ce principe à des rehaussements d'imposition fondés par l'administration sur une instruction n° 5-E-6-76 du 18 octobre 1976 publiée au bulletin officiel de la direction générale des impôts faisant une application rétroactive des dispositions du décret du 29 septembre 1976 relatif à la comptabilisation des avances aux cultures pour les agriculteurs soumis au régime du bénéfice réel. Le contribuable avait appliqué cette instruction ce qui, dans son cas, avait conduit à un rehaussement d'imposition [1]. Décharge.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES AGRICOLES - REGIME DU BENEFICE REEL - Détermination du bénéfice imposable - Charges - Régime des avances aux cultures issu du décret du 29 septembre 1976 - Inopposabilité au contribuable de l'instruction 5E-6-76 du 18 octobre 1976.

19-04-02-04-03 Aux termes de l'article 1er du décret du 29 septembre 1976, codifié à l'article 38 sexdecies D bis de l'annexe III au C.G.I., "les avances aux cultures ne sont pas inscrites au bilan d'ouverture ni au bilan de clôture des exercices soumis au régime d'imposition d'après le bénéfice réel. Les dépenses correspondantes sont déduites intégralement au titre de l'exercice de leur réalisation". Par l'instruction 5E-6-76 du 18 octobre 1976 publiée au bulletin officiel de la direction générale des impôts, l'administration a admis que les exploitants qui sont passés sous le régime du bénéfice réel et qui ont clos un ou plusieurs exercices avant la publication du décret du 29 septembre 1976 précité pourraient demander, pour l'ensemble des exercices considérés, le bénéfice de l'application des nouvelles mesures, qu'en pareil cas les bilans déjà établis seraient corrigés par les soins des intéressés pour exclure les inscriptions effectuées au titre des avances aux cultures portées en stock et que, en contrepartie, l'intégralité des dépenses exposées pour les avances aux cultures, serait déduite au titre de l'exercice de leur réalisation. Un exploitant agricole ayant fait application de cette instruction a souscrit une déclaration rectificative de ses bénéfices sur laquelle l'administration a fondé un rehaussement. L'administration ne soutient pas que ces impositions puissent trouver leur base légale dans les dispositions en vigueur avant l'intervention de l'article 2 du décret du 29 septembre 1976, dont l'instruction a fait une application rétroactive. Les instructions ministérielles contraires à la loi ne peuvent pas donner une base légale à une décision administrative elle-même contraire à la loi, même si, par application des dispositions de l'article 1649 quinquies E du C.G.I. repris à l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, ces instructions peuvent dans certains cas être invoquées par le contribuable à l'appui d'une demande en décharge ou en réduction des impositions qui lui ont été assignées.


Références :

CGI 69 quater, 1649 quinquies E
CGI livre des procédures fiscales L80 A
CGIAN3 38 sexdecies D bis
Décret 76-903 du 29 septembre 1976 art. 1, art. 2
Instruction 5-E-6-76 du 18 octobre 1976 DGI
Loi 83-1179 du 29 décembre 1983 art. 78

1. Ab. jur. 1974-12-04, Société X., 91384, p. 613


Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 1987, n° 41369
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. M. Bernard
Rapporteur ?: M. Teissier du Cros
Rapporteur public ?: M. Le Roy

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:41369.19870612
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