Vu la requête, enregistrée le 17 mars 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Y..., demeurant ... 75646 , et tendant :
1° à l'annulation du jugement du 23 décembre 1983 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité égale au montant de l'indemnité d'éloignement qui lui a été refusée ;
2° condamne l'Etat à lui verser le montant de cette indemnité, ainsi que les intérêts de ladite somme ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953 portant aménagement du régime de rémunération des fonctionnaires de l'Etat en service dans les départements d'outre-mer ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Fourré, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de Mme X... LUBIN,
- les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret susvisé du 22 décembre 1953 portant aménagement du régime de rémunération des fonctionnaires de l'Etat en service dans les départements d'outre-mer dispose : "Les fonctionnaires de l'Etat domiciliés dans un département d'outre-mer, qui recevront une affectation en France métropolitaine à la suite de leur entrée dans l'administration, d'une promotion ou d'une mutation, percevront, s'ils accomplissent une durée minimum de service de quatre années consécutives en métropole, une indemnité d'éloignement non renouvelable" ;
Considérant que Mme Y..., née à la Martinique, où résident ses parents, est venue en métropole en 1971 pour y suivre des études supérieures ; qu'elle a été recrutée en qualité de professeur d'enseignement technique théorique stagiaire le 8 septembre 1980 ; que nonobstant la circonstance qu'elle ait exercé auparavant des fonctions de maîtresse auxiliaire en métropole, et y ait suivi une formation en qualité de stagiaire à l'Ecole Normale d'Apprentissage d'Antony, elle doit être regardée comme ayant conservé en Martinique le centre de ses intérêts ; qu'elle est, dès lors, fondée à soutenir que la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale, saisi de sa demande du 30 mars 1981, lui a refusé le bénéfice de l'indemnité d'éloignement prévue par les dispositions susvisées est entachée d'illégalité et à demander condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité correspondant au montant des sommes qui lui ont été indûment refusées ;
Considérant que l'état de l'instruction ne permet pas de fixer le montant de l'indemnité ; qu'il y a lieu de renvoyer Mme Y... devant l'administration pour y être procédé à la liquidation des sommes qui lui sont dues ; que la requérante a droit aux intérêts sur ladite somme à compter du 31 mars 1981, date de sa demande ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 19 février 1987 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu, conformément à l'article 1154 du code civil, de faire droit à cette demande ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 23 décembre 1983 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions d'indemnité de Mme Y....
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme Y... une indemnité égale au montant de l'indemnité d'éloignement prévue par l'article 6 du décret du 22 septembre 1953. Mme Y... est renvoyée devant l'administration pour y être procédé à la liquidation de ladite indemnité.
Article 3 : Ladite indemnité portera intérêt à compter du 31 mars 1981.
Article 4 : Les intérêts seront capitalisés au 19 février 1987 pour porter eux-mêmes intérêts.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Y... et auministre de l'éducation nationale.