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08/04/1987 | FRANCE | N°50742

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 08 avril 1987, 50742


Vu la requête enregistrée le 19 mai 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 7 mars 1983 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a déclarée responsable des 4/5 des conséquences dommageables de l'accident dont M. Irénée X... a été victime le 4 octobre 1979 au cours des travaux effectués à la gare de Montauban Tarn-et-Garonne , et l'a condamnée à payer à Mme X... la somme de 136 000 F, et à chacun de ses trois enfants,

respectivement les sommes de 72 000 F, 88 000 F et 100 000 F ;
2° rej...

Vu la requête enregistrée le 19 mai 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 7 mars 1983 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a déclarée responsable des 4/5 des conséquences dommageables de l'accident dont M. Irénée X... a été victime le 4 octobre 1979 au cours des travaux effectués à la gare de Montauban Tarn-et-Garonne , et l'a condamnée à payer à Mme X... la somme de 136 000 F, et à chacun de ses trois enfants, respectivement les sommes de 72 000 F, 88 000 F et 100 000 F ;
2° rejette la demande présentée par les consorts X... devant le tribunal administratif de Toulouse ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Moreau, Maître des requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat de la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS, de la SCP Desaché, Gatineau, avocat de la CPAM de Paris, de la SCP de Chaisemartin, avocat de l'entreprise Drouard Frères SA et de la SCP Lesourd, Baudin, avocat de Mme X...,
- les conclusions de M. Fornacciari, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, par recours incident, la caisse primaire d'assurance-maladie de Paris demande l'annulation du jugement du 7 mai 1983 du tribunal administratif de Toulouse, qui aurait été rendu hors de sa présence ; qu'il ressort de l'examen du dossier que le tribunal a, dès le 17 février 1981, communiqué la demande dont il était saisi par la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS, ainsi que, par la suite, l'ensemble des pièces de la procédure et l'avis de convocation à l'audience de jugement du 2 février 1983, à la caisse primaire d'assurance-maladie de la région parisienne, à laquelle la victime était affiliée ; que la circonstance allègue que lesdites pièces et convocation aient été communiquées, non à la direction du contentieux de cette caisse, mais à un de ses centres de paiement, qui a d'ailleurs attendu deux années avant de les transmettre aux services compétents, n'est pas de nature à affecter la régularité des conditions dans lesquelles le tribunal administratif a mis en cause ladite caisse ; que, par suite, la caisse primaire d'assurance-maladie de Paris n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué a été rendu sur une procédure irrégulière ;
Sur la responsabilité de la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS :
Considérant que l'accident mortel dont M. X... a été victime est survenu le 4 octobre 1979 alors que l'intéressé travaillait sur la voie n° 1 de la gare de Villebaudon à Montauban en qualité d'ouvrier de l'entreprise Drouard, chargé d'effectuer des travaux de remaniement des caténaires et des installations électriques ;

Considérant que le dommage dont s'agit résulte de l'exécution d'un travail public ; qu'il engage à l'égard de celui qui participe audit travail ou de ses ayants droit la responsabilité du maître de l'ouvrage s'il est établi que ledit dommage est imputable à une faute de celui-ci ; que toutefois, s'agissant d'un accident du travail, les dispositions de l'article L.470 du code de la sécurité sociale limitent les droits de la victime à l'égard du maître de l'ouvrage, tiers auteur de l'accident, à la réparation de la part du préjudice non réparée par les prestations des organismes de sécurité sociale et imputable à ce dernier ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'accident survenu à M. X... est imputable, d'une part, aux erreurs, commises par divers agents SNCF dans la transmission ou l'exécution des ordres reçus, qui ont conduit à rétablir le courant électrique sur la ligne "F 3", sur laquelle travaillait M. X..., en lieu et place de la ligne "voie I" ; que ces erreurs ont été facilitées par la méconnaissance, par deux de ces agents, de la consigne de transmission écrite des ordres relatifs à la mise sous-tension des lignes électriques ; mais que, d'autre part, ledit accident ne serait pas davantage survenu sans la négligence de l'entreprise Drouard, qui avait omis, en n'établissant pas de connexion entre ladite ligne "F 3" et le rail, de respecter l'une des consignes de sécurité prescrites en vertu du marché de travaux conclu entre la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS et cette entreprise ; qu'ainsi, il sera fait une juste appréciation de la responsabilité encourue par la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS en la fixant à la moitié des conséquences dommageables de l'accident ; qu'il y a lieu de réformer en ce sens le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 7 mars 1983 ;
Sur le préjudice :

Considérant que, contrairement à ce que soutient la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS, le tribunal administratif a déterminé le préjudice indemnisable en tenant compte de la rente versée par les organismes de sécurité sociale, et n'a pas indemnisé les pertes de revenus subies par les consorts X... ; qu'en revanche, en fixant à 50 000 F le montant de l'indemnité due en réparation du préjudice moral causé à chacun des ayants-droit et respectivement à 120 000 F pour Mme X... et 40 000 F, 60 000 F et 75 000 F pour chacun de ses trois enfants mineurs, les montants des indemnités dues en réparation des troubles subis dans leur condition d'existence, le tribunal administratif a fait une évaluation exagérée de ces chefs de préjudice ; qu'il en sera fait une exacte appréciation en fixant, pour chacun d'eux, à 60 000 F le montant des indemnités qui leur sont dues ; qu'il convient, dès lors, compte tenu du partage de responsabilité susindiqué, de fixer le préjudice indemnisé de chacun d'eux à la moitié de ce montant ; qu'il y a lieu de réformer en ce sens le jugement attaqué ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 28 mars 1986 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les autres conclusions du recours incident de la caisse primaire d'assurance-maladie de Paris :

Considérant que la CPAM-Paris présente des conclusions tendant à ce que la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS soit condamnée à lui rembourser le montant des prestations versées aux ayants-cause de M. X... ; que, toutefois, il est constant qu'elle n'a présenté devant le tribunal administratif aucune demande contenant de telles conclusions ; que ces conclusions, présentées pour la première fois en appel, sont irrecevables ;
Article ler : La SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS est condamnée à verser à Mme X... la somme de 30 000 F, et la même somme à son fils Dominique, à sa fille Sylvie et à sa fille Nathalie.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse, du 7 mars 1983, est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS, et les recours incidents de Mme X... et de la CPAM-Paris sont rejetés.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS, à Mme X..., à la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie-Paris, à l'entreprise Drouard, et au ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoireet des transports.


Synthèse
Formation : 5 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 50742
Date de la décision : 08/04/1987
Type d'affaire : Administrative

Analyses

TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES CREES PAR L'EXECUTION DES TRAVAUX PUBLICS - Accident mortel provoqué par la mise sous-tension d'installations électriques - Responsabilité du maître de l'ouvrage.

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - CAUSES D'EXONERATION - Non respect d'une consigne de sécurité - Négligence consitutive d'une faute - Responsabilité de l'entreprise chargée de l'exécution des travaux.


Références :

Code de la sécurité sociale L470


Publications
Proposition de citation : CE, 08 avr. 1987, n° 50742
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Moreau
Rapporteur public ?: Fornacciari

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1987:50742.19870408
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