Vu la requête sommaire enregistrée le 29 octobre 1981 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, et le mémoire complémentaire, enregistré le 25 février 1982, présentés pour M. Dominique X..., demeurant ..., St Germain Laval à Montereau 77130 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 29 juin 1981 en tant que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que le préfet de police de Paris et M. Y... gardien de la paix soient condamnés conjointement et solidairement à lui verser 50 000 F à titre d'indemnité assortie des intérêts de droit en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de la mort de son frère le 20 février 1975 ;
2° condamne le préfet de police de Paris et M. Y... conjointement et solidairement à lui verser la somme de 50 000 F assortie des intérêts de droit à compter de la date de sa demande ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu l'arrêté des consuls du 12 Messidor An VIII ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Schrameck, Maître des requêtes,
- les observations de Me Vuitton, avocat de M. X... et de Me Foussard, avocat de M. le maire de Paris,
- les conclusions de Mme Hubac, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions dirigées contre M. Y... :
Considérant que si les fautes commises par les fonctionnaires ou agents publics, dans l'exercice de leurs fonctions, peuvent constituer des fautes de service de nature à engager la responsabilité de l'administration et si, dans cette mesure, la juridiction administrative est compétente pour apprécier la gravité de telles fautes et condamner la puissance publique, il n'appartient pas en revanche à la juridiction administrative de se prononcer sur les conclusions qui mettent en cause la responsabilité personnelle de ces agents publics ou fonctionnaires ; que dans la mesure où il demande la condamnation de M. Y... gardien de la paix conjointement et solidairement avec le préfet de police de Paris, M. Dominique X... forme des conclusions qui doivent être regardées comme dirigées à titre personnel contre M. Y... ; que ces conclusions présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître, ont été à bon droit rejetées par le tribunal administratif ;
Sur les conclusions dirigées contre la ville de Paris :
Considérant que le jeune Jean-Luc X..., âgé de 17 ans, a été appréhendé le 20 février 1975 vers 5 h 30 par les agents d'un car de "Police-secours" dans le premier arrondissement de Paris alors qu'en état d'ébriété il avait eu une altercation avec une autre personne sur la voie publique ; que cette opération de police relève des pouvoirs de police municipale conférés au préfet de police de Paris en vue de la liberté et de la sûreté de la voie publique par l'article 22 e l'arrêté des consuls du 12 Messidor An VIII ; que dès lors les conclusions présentées par le requérant contre le préfet de police de Paris, qui doivent être regardées comme mettant en cause la responsabilité de la ville de Paris, sont bien dirigées ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la chute du jeune Jean-Luc X... qui a été la cause directe de son décès, a été provoquée par l'éviction brutale de l'intéressé hors des locaux du commissariat après le refus opposé à sa demande de demeurer dans ces locaux jusqu'au lever du jour ; qu'en faisant ainsi usage de violence à l'égard d'un jeune homme dont l'état physique appelait manifestement ainsi que cela ressort du rapport médical joint au dossier des précautions particulières, les services de police ont commis, dans l'exercice de leur mission, une faute lourde de nature à engager la responsabilité de la ville de Paris ;
Considérant toutefois que le comportement de l'intéressé qui a provoqué l'intervention de Police-secours, ainsi que son attitude vis-à-vis des agents en service dans le commissariat ont constitué des fautes de nature à exonérer la ville de Paris de la moitié de sa responsabilité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Dominique X..., qui a seul fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes des consorts X..., est fondé à soutenir que c'est à tort que ce jugement lui a dénié tout droit à indemnité ;
Sur le montant de l'indemnité :
Considérant qu'il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation du préjudice moral subi par M. Dominique X..., frère de la victime, en le chiffrant à 9 000 F ; que, compte tenu du partage de responsabilité ci-dessus indiqué, l'indemnité à laquelle le requérant a droit doit être fixée à 4 500 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. Dominique X... a droit aux intérêts de la somme de 4 500 F à compter du jour de sa demande au préfet de police de Paris, le 13 juillet 1978 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 29 juin 1981 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions présentées par M. Dominique X... et tendant à ce que laville de Paris soit condamnée à lui verser une indemnité.
Article 2 : La ville de Paris est condamnée à verser à M. Dominique X... la somme de 4 500 F avec intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 1978.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Dominique X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Dominique X..., à la ville de Paris et au ministre de l'intérieur.