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03/12/1986 | FRANCE | N°47523;47524;47525

France | France, Conseil d'État, 10/ 3 ssr, 03 décembre 1986, 47523, 47524 et 47525


Vu 1° la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 décembre 1982 et 22 avril 1983 sous le n° 47 523 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX ET DE FINITIONS SOMETRA , représentée par son président-directeur général, domicilié en cette qualité au siège social à Carros Industrie 06510 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 18 octobre 1982 par lequel le tribunal administratif de Nice : 1° l'a condamnée solidairement avec MM. René et André X..., architectes

, à verser la somme de 52 690 F à la ville de Bastia Haute-Corse en réparat...

Vu 1° la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 décembre 1982 et 22 avril 1983 sous le n° 47 523 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX ET DE FINITIONS SOMETRA , représentée par son président-directeur général, domicilié en cette qualité au siège social à Carros Industrie 06510 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 18 octobre 1982 par lequel le tribunal administratif de Nice : 1° l'a condamnée solidairement avec MM. René et André X..., architectes, à verser la somme de 52 690 F à la ville de Bastia Haute-Corse en réparation des désordres affectant la construction de la cité scolaire technique "Montessoro" ; 2° a ordonné une expertise aux fins d'évaluer les désordres apparus postérieurement à l'expertise de 1978 ;
2° la décharge de toute condamnation ;
3° rejette la requête de la ville de Bastia ;
Vu, 2° la requête sommaire enregistrée le 23 décembre 1982 sous le n° 47 524 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat et le mémoire complémentaire enregistré le 22 avril 1983, présentés pour la société TURZINI NESSI, représentée par son président-directeur général en exercice, domicilié en cette qualité au siège social... Val d'Oise , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 18 octobre 1982 par lequel le tribunal administratif de Nice : 1° l'a condamnée solidairement avec MM. René et André X..., architectes, à payer à la ville de Bastia Haute-Corse la somme de 9 801 F en réparation des désordres affectant la construction de la cité scolaire technique "Montessoro", 2° a ordonné une expertise aux fins d'évaluer les désordres apparus postérieurement à l'expertise de 1978 ;
2° la décharge de toute condamnation ;
3° rejette la requête de la ville de Bastia ;
Vu, 3° la requête sommaire enregistrée le 23 décembre 1982 sous le n° 47 525 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat et le mémoire complémentaire enregistré le 22 avril 1983, présenté pour la société à responsabilité limitée OMNIUM D'ETUDES ET DE TRAVAUX DU SUD-EST, représentée par M. Lanzaro, syndic à la liquidation des biens, domicilié en cette qualité ... de l'Escarène, Nice Alpes-Maritimes et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 18 octobre 1982 par lequel le tribunal administratif de Nice : 1° l'a condamnée solidairement avec MM. René et André X..., architectes, à verser la somme de 12 650 F à la ville de Bastia Haute-Corse en réparation des désordres affectant la cité scolaire technique "Montessero", 2° a ordonné une expertise aux fins d'évaluer les désordres apparus postérieurement à l'expertise de 1978 ;
2° la décharge de toute condamnation ;
3° rejette la requête de la ville de Bastia ;
Vu les autres pièces du dossier ; u le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre
1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Terquem, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Odent, avocat de la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX ET DE FINITIONS et autres et de SCP Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de la Ville de Bastia,
- les conclusions de M. Van Ruymbeke, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les trois requêtes de la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX ET DE FINITIONS, de la société Tunzini Nessi et de la société Omnium d'Etudes et de Travaux du Sud-Est sont dirigées contre un même jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a statué sur l'action en responsabilité décennale engagée par la ville de Bastia à l'encontre des constructeurs de la cité scolaire technique Montessoro à Bastia ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que la construction des onze bâtiments, répartis en quatre tranches, de la cité scolaire technique Montessoro à Bastia a été confiée par l'Etat, agissant dans le cadre d'une convention passée le 4 novembre 1967 entre le ministre de l'éducation nationale et la ville de Bastia, à la société Omnium d'études et de travaux du Sud-Est pour le gros oeuvre lot n°1 , à la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX ET DE FINITIONS pour les travaux d'étanchéité et de couverture lot n°2 et à la société Tunzini Nessi pour le chauffage lot n° 17 ; que la réception provisoire des travaux de construction a été prononcée le 20 juin 1972, sous réserve de l'exécution de quelques finitions ou remises en état, avec effet du 25 septembre 1969 pour la première tranche des bâtiments, du 10 septembre 1970 pour la deuxième tranche, du 16 juillet 1971 pour la troisième tranche et du 20 juin 1972 pour la quatrième tranche ; qu'après achèvement, le 15 septembre 1974, des "quelques menus travaux de remise en état" faisant l'objet des réserves jointes au procès-verbal de réception provisoire susmentionné, la réception définitive sans réserve des travaux, pour l'ensemble des tranches, a été prononcée le 23 octobre 1974, avec effet du 15 septembre 1974 pour le lot 1, du 8 février 1974 pour les lots 2 à 12 et du 16 octobre 1974 pour le lot 17 ; qu'un expert, désigné à la demande de la ville de Bastia par une ordonnance de référé du 1er mars 1978, a constaté dans son rapport du 12 septembre 1978 l'existence, dans certains bâtiments de la cité scolaire, d'infiltrations d'eaux pluviales, de fuites d'eau provenant de canalisations, de fissurations et de soulèvements de carrelages et évalué à 196 141 F la dépense nécessaire pour réparer ces désordres et remédier à leurs causes ; qu'après avoir fait établir en 1981 un projet de rénovation de l'ensemble des toitures de la cité scolaire dont le montant s'élevait à 6 334 493,90 F, la ville de Bastia a saisi le tribunal administratif de Nice, le 8 avril 1982, d'une demande fondée sur les principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil et tendant à la condamnation solidaire de l'Etat, des architectes René et André X..., de la société Omnium d'études et de travaux du Sud-Est, de la SOCIETE MEDITERRANEENNE DE TRAVAUX ET DE FINITIONS, de la société Carrelages réunis et de la société Tunzini Nessi au paiement d'une indemnité correspondant au coût de la réfection de la toiture des bâtiments et à la remise en état des carrelages, des installations de chauffage et des canalisations sanitaires ; que la ville de Bastia a présenté le 13 septembre 1982 une demande complémentaire relative à des travaux d'étanchéité et à la mise en conformité des installations électriques ; que, par jugement du 18 octobre 1982, le tribunal administratif de Nice a notamment prononcé au profit de la ville des condamnations à l'encontre des trois sociétés requérantes pour les désordres constatés par l'expert en 1978 et ordonné une expertise avant de se prononcer sur les conclusions de la ville afférentes aux
désordres apparus après l'expertise de 1978 ;
Considérant que les sociétés requérantes, se prévalent des stipulations de l'article 68 du cahier des clauses administratives générales du ministère de l'éducation nationale aux termes desquelles : "L'entrepreneur demeure soumis après la réception définitive aux seules dispositions des articles 1792 et 2270 du code civil, et ce durant dix ans à compter de la réception provisoire. Dans le cas où des défectuosités se sont révélées pendant le délai de garantie, la période de dix ans prévue à l'alinéa précédent ne commence à courir qu'après qu'il y a été remédié" ; que ce cahier des charges a été rendu applicable au marché passé par l'Etat avec les entreprises en vertu de l'article 2.1 du cahier des prescriptions spéciales ; que, contrairement à ce que soutient la ville de Bastia, il n'existe pas de contradiction entre les dispositions de l'article 6.54 du cahier des prescriptions spéciales selon lesquelles "le délai de garantie... est fixé à un an à dater de la réception provisoire" et celles de l'article 68 du cahier des clauses administratives générales, qui peuvent avoir éventuellement pour effet de faire courir en même temps le délai de garantie contractuel et le délai décennal ; qu'il n'y a pas lieu dès lors d'écarter l'application de l'une de ces dispositions en faisant jouer l'ordre de priorité des documents contractuels fixé par le marché ; qu'il suit de là que le délai de dix ans imparti pour mettre en jeu la responsabilité décennale des constructeurs courait en l'espèce à compter de la réception provisoire, sauf pour les ouvrages ou parties d'ouvrages affectés de défectuosités qui se seraient révélées pendant le délai de garantie contractuel et auxquelles il n'aurait pas été remédié ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les demandes de la ville ne portaient pas sur les parties de l'ouvrage qui avaient fait l'objet des menues réserves formulées lors des réceptions provisoires et qui, d'ailleurs, avaient fait l'objet de réparations ; qu'ainsi, par application des stipulations ci-dessus rappelées, le délai décennal courait à compter de la réception provisoire de chacune des tranches de bâtiments ; que, dès lors, les sociétés requérantes sont fondées à soutenir que ce délai était expiré en ce qui concerne les bâtiments des trois premières tranches, qui avaient fait l'objet de réceptions provisoires prenant effet le 25 septembre 1969, le 10 septembre 1970 et le 16 juillet 1971, lorsque la ville de Bastia a saisi le tribunal administratif le 8 avril 1982 ;
Condidérant qu'en ce qui concerne les bâtiments "internat B" et "internat C" formant la quatrième tranche des constructions, il ne résulte ni des constatations faites par l'expert en 1978, ni mêmes des allégations de la ville que les désordres dont ils seraient atteints soient de nature à provoquer leur ruine ou à les rendre impropres à leur destination ; que, par suite, les sociétés requérantes sont fondées à faire valoir que leur responsabilité ne peut être engagée à raison de ces désordres sur la base des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, que les sociétés requérantes sont fondées à demander l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il les condamne à verser des indemnités à la ville de Bastia pour les désordres constatés en 1978 et en tant qu'il ordonne une expertise avant de statuer sur les conclusions dirigées par la ville de Bastia à leur encontre pour la réparation des autres désordres ;
Considérant enfin que la responsabilité décennale des sociétés requérantes n'étant pas engagée envers la ville de Bastia, les conclusions incidentes présentées en appel par la ville et tendant à l'allocation des intérêts sur les sommes qui lui seraient dues par les sociétés requérantes et à la capitalisation de ces intérêts ne sauraient être accueillies ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 18 octobre 1982 est annulé en tant qu'il a condamné la société Omnium d'études et de travaux du Sud-Est, la Société méditerranéenne de travaux et de finitions et la société Tunzini Nessi à verser des sommes de 12 650 F, 52 690 F et 9 801 F à la ville de Bastia et en tant qu'il a ordonné une expertise avant de statuer sur les autres conclusions de la demande de la ville dirigées contre ces trois sociétés.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Nice par la ville de Bastia est rejetée en tant qu'elle est dirigée contre la société Omnium d'études et de travaux du Sud-Est, la société méditerranéenne de travaux et de finitions et la société Tunzini Nessi.
Article 3 : Les conclusions de la ville de Bastia tendant à l'allocation d'intérêts et à la capitalisation des intérêts sont rejetées.


Synthèse
Formation : 10/ 3 ssr
Numéro d'arrêt : 47523;47524;47525
Date de la décision : 03/12/1986
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04-02-01 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - DELAI DE MISE EN JEU - POINT DE DEPART DU DELAI -Date de la réception des ouvrages - Date de la réception provisoire, en vertu de dispositions du cahier des clauses administratives générales du ministère de l'éducation nationale - Coïncidence du point de départ du délai de garantie contractuelle et du délai de responsabilité décennale.

39-06-01-04-02-01 Aux termes des stipulations de l'article 68 du cahier des clauses administratives générales du ministère de l'éducation nationale dont se prévalent les requérants : "L'entrepreneur demeure soumis après la réception définitive aux seules dispositions des articles 1792 et 2270 du code civil, et ce durant dix ans à compter de la réception provisoire. Dans le cas où des défectuosités se sont révélées pendant le délai de garantie, la période de dix ans prévue à l'alinéa précédent ne commence à courir qu'après qu'il y a été remédié". Ce cahier des charges a été rendu applicable au marché passé par l'Etat avec les entreprises en vertu de l'article 2.1 du cahier des prescriptions spéciales. Il n'existe pas de contradiction entre les dispositions de l'article 6.54 du cahier des prescriptions spéciales selon lesquelles "le délai de garantie ... est fixé à un an à dater de la réception provisoire" et celles de l'article 68 du cahier des clauses administratives générales, qui peuvent avoir éventuellement pour effet de faire courir en même temps le délai de garantie contractuel et le délai décennal. Il n'y a pas lieu dans ces conditions d'écarter l'application de l'une de ces dispositions en faisant jouer l'ordre de priorité des documents contractuels fixé par le marché. Dès lors, le délai de dix ans imparti pour mettre en jeu la responsabilité décennale des constructeurs courait en l'espèce à compter de la réception provisoire, sauf pour les ouvrages ou parties d'ouvrages affectés de défectuosités qui se seraient révélées pendant le délai de garantie contractuelle et auxquelles il n'aurait pas été remédié.


Références :

Code civil 2270, 1792


Publications
Proposition de citation : CE, 03 déc. 1986, n° 47523;47524;47525
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur ?: M. Terquem
Rapporteur public ?: M. Van Ruymbeke

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1986:47523.19861203
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