Vu 1° sous le n° 58 789, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 27 avril 1984 et 17 août 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société "TOP SERVICE", dont le siège est ... à Paris 75002 , représentée par son président directeur général en exercice, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
a- réforme le jugement n° 256481/4 du 29 février 1984 par lequel le tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la réparation du préjudice subi à la suite du paiement par l'administration des PTT de "lettres-chèques Sevigné" volées le 3 septembre 1981 dans les locaux de la Société "TOP SERVICE" ;
b- condamne l'Etat à lui verser la somme de 185 000 F ainsi que les intérêts et les intérêts des intérêts à compter du 4 janvier 1982 ;
Vu, 2°, sous le n° 59 447, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 22 mai 1984 et 19 septembre 1984, présentés par le ministre délégué, chargé des PTT, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
a- annule le jugement du 29 février 1984 par lequel le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à rétablir sur le compte de la Société "TOP SERVICE" le montant des sommes payées à tort à des tiers, à partir du 5 septembre 1981 à Paris, et à partir du 16 septembre 1981 sur l'ensemble du territoire, à la suite du paiement par l'administration des PTT de lettres-chèques volées ;
b- rejette la demande présentée par la Société "TOP SERVICE" devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code des postes et télécommunications ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Garcia, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Fortunet, Mattei-Dawance, avocat de la SOCIETE "TOP SERVICE",
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la requête de la Société "TOP SERVICE" et le recours du ministre délégué chargé des postes et télécommunications sont dirigés contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, si la Société "TOP SERVICE" soutient que le jugement attaqué a été rendu sur une procédure irrégulière, elle n'apporte, à l'appui de ce moyen, aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Au fond :
Considérant que si aux termes de l'article L.108 du code des PTT, auquel renvoie l'engagement contractuel signé par tout émetteur de lettres-chèques : "Le titulaire d'un compte courant postal est seul responsable des conséquences résultant de l'emploi abusif, de la perte, de la disparition des formules de chèques qui lui ont été remises par l'administration des postes ettélécommunications", et s'il résulte du contrat "l'impossibilité de faire opposition au paiement des lettres-chèques pour quelques motifs que ce soit", ces dispositions ne peuvent exonérer totalement le service des PTT, dont la responsabilité est engagée à l'égard du titulaire d'un compte-courant postal, autorisé par l'administration des postes et télécommunications à utiliser des formules de lettres-chèques, dans le cas où il est établi que ledit service a commis une faute lourde ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration des postes et télécommunications a été avertie le 4 septembre 1981 du vol de lettres-chèques qui avait eu lieu la veille à Paris au détriment de la Société "TOP SERVICE" ; qu'elle devait informer immédiatement les agents payeurs des guichets des postes des caractéristiques des formulaires volés et les mettre en mesure de surseoir à leur paiement ; qu'en diffusant cette information le 15 septembre seulement aux guichets de Marseille et des Bouches-du-Rhône et en s'abstenant d'avertir l'ensemble de ses services dès le 4 septembre 1981, l'administration des PTT a commis une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'aucune faute n'est invoquée à l'encontre de la société requérante qui est dès lors fondée à réclamer à l'Etat une somme égale à celles qui ont été indûment payées à compter du 5 septembre 1981 ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que la Société "TOP SERVICE" a droit aux intérêts des sommes susvisées à compter du 7 janvier 1982 date à laquelle la demande préalable est parvenue au service ; qu'elle a demandé le 27 avril 1984 la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : L'Etat est condamné à payer à la Société "TOP SERVICE" une somme égale à celles qui ont été indûment payées à compter du 5 septembre 1981.
Article 2 : Cette somme portera intérêts au taux légal à compterdu 7 janvier 1982. Les intérêts échus le 27 avril 1984 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris, en date du 29 février 1984 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Les conclusions présentées par le ministre délégué chargé des PTT sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Société "TOP SERVICE" et au ministre délégué auprès du ministre de l'industrie, des P.et T. et du tourisme, chargé des P. et T.