Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 septembre 1981 et 8 janvier 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE DE NICE, représentée par son maire en exercice à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal du 29 janvier 1982, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 8 juillet 1981 par lequel le tribunal administratif de Nice l'a condamnée à verser à Mme X... une indemnité de 13 000 F, ainsi que les frais d'expertise et les autres sommes versées à titre de dépens de première instance en réparation du préjudice subi en qualité de propriétaire riverain de l'autoroute urbaine sud A.U.S. ;
2° rejette la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Nice ;
3° subsidiairement, limite la condamnation de la VILLE DE NICE à la somme de 5 700 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Lenoir, Maître des requêtes,
- les observations de Me Célice, avocat de la VILLE DE NICE et de la S.C.P. Vier, Barthélemy, avocat de Mme X...,
- les conclusions de M. Fornacciari, Commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le projet de réalisation de l'autoroute urbaine sud figurait au plan directeur d'urbanisme de la VILLE DE NICE, qui, après avoir fait l'objet d'une enquête publique du 1er au 30 septembre 1960 a été déclaré d'utilité publique par décret du 27 novembre 1962 ; que, toutefois, ce projet qui constituait l'une des 30 opérations de voirie inscrites au plan d'urbanisme dont la réalisation a été déclarée d'utilité publique par le même décret, n'y était pas décrit de façon précise et que le projet, tel qu'il était présenté par les documents joints au dossier soumis à l'enquête publique, ne prévoyait pas, s'agissant de la partie du tracé de l'autoroute située le long de la rue d' Estienne d'Orves, que cet ouvrage serait, à cet endroit, construit en surplomb au-dessus de la voie ferrée, qu'il comporterait une bretelle d'accès et qu'il serait implanté à faible distance des immeubles riverains, notamment de l'immeuble "le Caméléon" où Mme X... possède un appartement qu'elle habite ; qu'il n'est pas établi que cette dernière ait eu connaissance des caractéristiques du projet, tel qu'il a été réalisé avant le 31 décembre 1963 date à laquelle elle est devenue propriétaire dans cet immeuble d'un appartement et qu'elle ait pu, par voie de conséquence, prévoir la nature et l'importance des nuisances entraînées par la mise en service de cette portion de l'autoroute ; que dès lors, la VILLE DE NICE n'est pas fondée à soutenir que Mme X... ne serait pas en droit de prétendre à la réparation du préjudice résultant pour elle de ces nuisances ;
Conidérant que l'appartement de Mme Sacuto est situé au 2ème étage du corps principal de l'immeuble "le Caméléon, dont la facade orientée vers l'ouvrage public constitué par la chaussée principale de l'autoroute urbaine, sa bretelle d'accès et les portiques qui les supportent est distante de 16 m de la bretelle d'accès et de 22 m de la chaussée principale, lesquelles passent respectivement à la hauteur des 4ème et 5ème étages de l'immeuble ;
Considérant que la mise en service de l'autoroute urbaine a entraîné, dans les conditions d'habitation de l'appartement de Mme Sacuto, en raison notamment des pertes de vues et d'éclairement dues à la proximité de l'ouvrage, une aggravation qui a été exactement estimée par l'expert commis par les premiers juges et qui, bien que l'appartement dont il s'agit fut situé dans une zone déjà urbanisée, excède par son importance la gêne que doivent normalement supporter, dans l'intérêt général, les propriétaires voisins d'une autoroute ; que, par suite, la VILLE DE NICE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice l'a déclarée responsable du préjudice anormal et spécial subi par Mme X... ;
Sur le montant de l'indemnité :
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, le tribunal administratif n'a pas fait une appréciation excessive du préjudice subi par Mme X... au titre des troubles de jouissance et de la perte de valeur vénale de son appartement, en condamnant la ville de Nice à lui verser une indemnité de 13 000 F ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que Mme X... a droit aux intérêts de la somme de 13 000 F à compter du 6 octobre 1975 date de l'enregistrement de sa demande introductive d'instance devant le tribunal administratif de Nice ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 21 juin 1982 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : La requête de la ville de Nice est rejetée.
Article 2 : La somme de 13 000 F que la VILLE DE NICE a été condamnée à verser à Mme X... portera intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 1975. Les intérêts échus le 21 juin 1982 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la VILLE DE NICE, à Mme X..., au ministre de l'intérieur et au ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports.