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16/06/1986 | FRANCE | N°63283;63467

France | France, Conseil d'État, 7 / 8 ssr, 16 juin 1986, 63283 et 63467


Vu 1°, sous le n° 63 283, la requête du Commissaire de la République du département de la Corse du sud, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 9 octobre 1984, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
annule les opérations électorales qui se sont déroulées les 3 et 10 juin 1984 dans la commune de Propriano pour la désignation des membres du conseil municipal ;
Vu 2°, sous le n° 63 467, la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 15 octobre 1984 et le mémoire complémentaire, enregistré le 14 novembre 1984

, présentés par MM. Charles A..., demeurant à Ajaccio, Résidence l'Aiglon,...

Vu 1°, sous le n° 63 283, la requête du Commissaire de la République du département de la Corse du sud, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 9 octobre 1984, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
annule les opérations électorales qui se sont déroulées les 3 et 10 juin 1984 dans la commune de Propriano pour la désignation des membres du conseil municipal ;
Vu 2°, sous le n° 63 467, la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 15 octobre 1984 et le mémoire complémentaire, enregistré le 14 novembre 1984, présentés par MM. Charles A..., demeurant à Ajaccio, Résidence l'Aiglon, quartier Balestrino, Paul Marie X..., demeurant ..., Charles Y..., demeurant à Propriano, avenue Napoléon, Jacques Z..., demeurant à Propriano, rue des Ecoles, Claude D..., demeurant à Propriano, route de Vigiannello et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement en date du 14 septembre 1984 par lequel le tribunal administratif de Bastia a sursis à statuer sur leurs demandes tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées les 3 et 10 juin 1984 à Propriano ;
2° annule ces opérations électorales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Leclerc, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Choucroy, avocat de M. C... et autres et de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de M. Charles B... et autres ,
- les conclusions de Mme Latournerie, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement et concernent les mêmes opérations électorales ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R.120 du code électoral : "Le tribunal administratif prononce sa décision dans le délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la réclamation au greffe... S'il intervient une décision ordonnant une preuve, le tribunal administratif doit statuer définitivement dans le mois à partir de cette décision..." ; qu'aux termes de l'article R.121 : "Faute d'avoir statué dans les délais ci-dessus fixés, le tribunal administratif est dessaisi..." ;
Considérant que le tribunal administratif de Bastia, saisi de déférés du Commissaire de la République de la Corse du sud, et de plusieurs protestations relatives aux opérations électorales qui se sont déroulées les 3 et 10 juin 1984 dans la commune de Propriano, pour l'élection du conseil municipal, a, par un jugement en date du 14 août 1984, rendu une décision ordonnant une preuve, qui avait pour effet de prolonger d'un mois à compter de cette date le délai qui lui était imparti pour statuer ; que, le Commissaire de la République, lui ayant fait connaître, par lettre en date du 3 septembre 1984, qu'il n'était pas en mesure de donner suite à sa demande, le tribunal administratif a, par un jugement en date du 14 septembre 1984, décidé de surseoir à statuer sur les déférés et protestations dont il était saisi ;

Considérant que les dispositions précitées du code électoral faisaient obligation au tribunal administratif de statuer définitivement dans le délai d'un mois à partir de sa décision du 14 août 1984 ordonnant une preuve ; qu'en se prononçant comme il vient d'être dit, le tribunal administratif de Bastia a méconnu les dispositions précitées des articles R. 120 et R. 121 du code électoral ; qu'ainsi MM. A... et autres sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Considérant que le délai imparti au tribunal administratif par l'article R. 120 du code électoral pour statuer sur les protestations et déférés dont il était saisi est expiré ; que dès lors il y a lieu pour le Conseil d'Etat de statuer immédiatement sur les protestations et déférés dont était saisi le tribunal administratif ;
Sur la régularité des opérations électorales :
Considérant que les requérants soutiennent que la procédure de vote par procuration a été, dans son ensemble, entachée d'une fraude, qui aurait été systématiquement organisée ; que ce grief est recevable alors même que les requérants ne mentionnent pas expressément le nom de chacun des électeurs qui auraient fait usage de cette procédure dans des conditions irrégulières ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, lors des opérations électorales contestées, 242 procurations, sur un total de 2 271 électeurs ont été établies pour des électeurs domiciliés à Propriano ; que, parmi ces dernières, 189 ont été établies au vu de certificats médicaux, dont 159 pour un an ; que la proportion exceptionnelle de procurations établies pour des électeurs domiciliés dans la commune ne trouve aucune explication dans une situation médicale particulière ou dans des éléments tenant à la répartition par âges de la population ; que les 159 procurations valables pour un an établies par la gendarmerie de Propriano font suite à des demandes formulées sur un imprimé préexistant et remplies de la même écriture, identiques à celle d'une partie des attestations d'inscription sur la liste électorale qui les accompagnaient ; que les certificats médicaux produits à l'appui de ces demandes émanent d'une partie seulement des médecins exerçant à Propriano ; qu'enfin, il ressort d'un rapport de l'autorité hiérarchique que la brigade de gendarmerie de Propriano a accepté toutes les demandes de procuration sans exercer le contrôle qui lui incombait ; qu'eu égard à l'ensemble de ces circonstances, le Commissaire de la République du département de la Corse du sud et MM. A... et autres sont fondés à soutenir que la procédure de vote par procuration a été, dans son ensemble, entachée d'une fraude systématiquement organisée, qui compte tenu, d'une part, du nombre de votes par procuration qu'elle a affectés et, d'autre part, du faible écart constaté au premier tour entre le nombre de voix des candidats proclamés élus et la majorité absolue et, au second tour, entre les deux listes en présence, a été de nature à vicier les opérations électorales qui se sont déroulées à Propriano les 3 et 10 juin 1984 ; que ces opérations doivent, dès lors, être annulées ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia, en date du 10 septembre 1984, est annulé.

Article 2 : Les opérations électorales organisées à Propriano les 3 et 10 juin 1984 pour l'élection du conseil municipal sont annulées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'Intérieur et à MM. Charles A..., Claude D... et Emile C....


Sens de l'arrêt : Annulation totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

28-04-05-03,RJ1 ELECTIONS - ELECTIONS MUNICIPALES - OPERATIONS ELECTORALES - VOTE PAR PROCURATION -Régularité des procurations - Absence - Fraude systématique entachant la procédure de vote par procuration [1].

28-04-05-03 Lors des opérations électorales qui se sont déroulées dans la commune de P., 242 procurations, sur un total de 2.271 électeurs ont été établies pour des électeurs domiciliés dans la commune, et, parmi ces dernières, 189 ont été établies au vu de certificats médicaux, dont 159 pour un an. Or, d'une part, la proportion exceptionnelle de procurations établies pour des électeurs domiciliés dans la commune ne trouve aucune explication dans une situation médicale particulière ou dans des éléments tenant à la répartition par âges de la population ; d'autre part, les 159 procurations valables pour un an établies par la gendarmerie font suite à des demandes formulées sur un imprimé préexistant et remplies de la même écriture, identiques à celle d'une partie des attestations d'inscription sur la liste électorale qui les accompagnaient ; en outre, les certificats médicaux produits à l'appui de ces demandes émanent d'une partie seulement des médecins exerçant dans la commune ; enfin, il ressort d'un rapport de l'autorité hiérarchique que la brigade de gendarmerie a accepté toutes les demandes de procuration sans exercer le contrôle qui lui incombait. Eu égard à l'ensemble de ces circonstances, la procédure de vote par procuration a été, dans son ensemble, entachée d'une fraude systématiquement organisée, qui compte tenu, d'une part, du nombre de votes par procuration qu'elle a affectées et, d'autre part, du faible écart constaté au premier tour entre le nombre de voix des candidats proclamés élus et la majorité absolue et, au second tour, entre les deux listes en présence, a été de nature à vicier les opérations électorales. Annulation de ces opérations [1].


Références :

Code électoral R120, R121

1.

Rappr. Section, 1973-10-26, Elections municipales de Villeneuve-sur-Lot, p. 597


Publications
Proposition de citation: CE, 16 jui. 1986, n° 63283;63467
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. M. Bernard
Rapporteur ?: M. Leclerc
Rapporteur public ?: Mme Latournerie

Origine de la décision
Formation : 7 / 8 ssr
Date de la décision : 16/06/1986
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 63283;63467
Numéro NOR : CETATEXT000007712156 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1986-06-16;63283 ?
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