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13/06/1986 | FRANCE | N°47328

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 13 juin 1986, 47328


Vu la requête sommaire enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 17 décembre 1982 et le mémoire complémentaire enregistré le 16 mars 1983, présentés pour la SOCIETE INFORMATIQUE ET BATIMENTS, dont le siège social est ... à PARIS 75013 , représentée par son liquidateur M. X... et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement en date du 14 octobre 1982 par lequel le tribunal administratif de Versailles l'a condamnée conjointement et solidairement avecla société Ateliers de construction Schwartz Hautmont et M. Y... architecte à payer au Syndi

cat intercommunal pour la construction, le fonctionnement et l'entre...

Vu la requête sommaire enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 17 décembre 1982 et le mémoire complémentaire enregistré le 16 mars 1983, présentés pour la SOCIETE INFORMATIQUE ET BATIMENTS, dont le siège social est ... à PARIS 75013 , représentée par son liquidateur M. X... et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement en date du 14 octobre 1982 par lequel le tribunal administratif de Versailles l'a condamnée conjointement et solidairement avecla société Ateliers de construction Schwartz Hautmont et M. Y... architecte à payer au Syndicat intercommunal pour la construction, le fonctionnement et l'entretien du CES de Vert St Denis Seine-et-Marne la somme de 441 773,06 F avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 1979 et en ce qu'il a mis hors de cause l'Etat
- condamne en tous frais et dépens le Syndicat intercommunal pour la construction, le fonctionnement et l'entretien du CES de Vert St Denis
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code civil en ses articles 1892 et 2270 ;
Vu la loi du 3 janvier 1967 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Wahl, Auditeur,
- les observations de Me Pradon, avocat de la SOCIETE INFORMATIQUE ET BATIMENTS, de Me Luc-Thaler, avocat du SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR LA CONSTRUCTION, LE FONCTIONNEMENT ET L'ENTRETIEN DU CES DE VERT ST DENIS, de Me Odent, avocat de la société Schwartz-Hautmont et de Me Boulloche, avocat de M. Diego Y..., architecte
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande du syndicat intercommunal devant le tribunal administratif :

Considérant qu'il résulte des stipulations de la convention signée le 9 mars 1970 entre l'Etat et le syndicat intercommunal pour la construction, le fonctionnement et l'entretien du collège d'enseignement secondaire de Vert Saint-Denis, que l'Etat assure la direction et la responsabilité des travaux de construction du collège ; que la mission de l'Etat s'est achevée avec la réception définitive de l'ouvrage qui a été prononcée sans réserve le 28 juin 1972 ; qu'à compter de cette date, le syndicat intercommunal, propriétaire de l'ouvrage, avait seul qualité pour invoquer la garantie décennale qui pèse sur les constructeurs en application des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; que l'absence de quitus accordé à l'Etat pour sa mission ne saurait avoir pour effet de priver le syndicat de cette qualité ;
Sur le principe de la garantie décennale :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis en référé, que les désordes qui ont affecté les bâtiments du collège concernaient d'une part l'étanchéité des façades et, d'autre part, les faux-plafonds qui ont subi de graves dégradations en raison de pénétrations d'eau par les coffres des volets roulants, pénétrations elles-mêmes rendues possibles par la mauvaise fixation des lambrequins extérieurs, et par le fait qu'un isolant plastique dont la suppression avait été ordonnée par application des nouvelles normes en matière de lutte contre l'incendie n'a pas été remplacé ; que ces désordres, qui n'étaient pas apparents à la date de la réception définitive, étaient de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ; qu'en revanche, si la porte d'une issue de secours frottait en partie haute sur un auvent dont l'ossature avait fléchi, un tel désordre, auquel il pouvait être remédié par des travaux de faible importance, n'est pas de nature à permettre la mise en oeuvre de la garantie décennale des constructeurs ; qu'ainsi, la Société "INFORMATIQUE ET BATIMENTS" et, par voie d'appel provoqué, M. Roman et la Société "Schwartz Hautmont" sont fondés à demander, sur ce dernier point, la réformation du jugement attaqué ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2-2 du marché du 7 juillet 1970, la société de constructions modulaires aux droits de laquelle vient la Société "INFORMATIQUE ET BATIMENTS" requérante, et la société "Ateliers de Construction Schwartz Hautmont", se sont engagées conjointement et solidairement à construire le Collège d'Enseignement Secondaire, la société "Ateliers de Construction Schwartz Hautmont" étant mandataire commun du groupement ; que, par suite, la Société "INFORMATIQUE ET BATIMENTS" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a déclarée solidairement responsable avec ladite société et avec M. Y..., architecte, à raison de l'ensemble des désordres constatés ;
Sur la répartition des responsabilités et le montant des indemnités :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les désordres sont dus pour une part importante à la conception même des ouvrages, qui est imputable tant à l'Etat, maître d'ouvrage délégué, qui a retenu le procédé choisi, qu'à la Société de constructions modulaires, qui a effectué un important travail de mise au point ; que, toutefois, des malfaçons de construction, imputables à la Société "Schwartz Hautmont" et à ses sous-traitants, ont joué un rôle non négligeable dans la survenance des dommages ; qu'enfin, M. Y..., architecte chargé de l'adaptation au terrain et de la direction des travaux, a participé à leur conception et assuré la surveillance de leur exécution ;

Considérant, en premier lieu, que les désordres affectant les faux-plafonds, et ceux qui concernent les coffres de volets roulants et les lambrequins, qui sont partiellement à l'origine des premiers, peuvent être réparés par des travaux qui ont été évalués par l'expert et les premiers juges au montant total non contesté de 207 004,22 F ; que, si l'Etat, maître d'ouvrage délégué, a provoqué, pour un motif d'économie, des modifications au devis descriptif qui ont favorisé la survenance des désordres, il est en revanche étranger, ainsi que la société "INFORMATIQUE ET BATIMENTS", aux conséquences dommageables de l'absence de pose d'un élément isolant en remplacement de celui dont l'arrachage avait été prescrit par mesure de sécurité contre l'incendie ; que, compte-tenu de la participation des services de l'Etat et de ladite société à la conception du projet, qui s'est révélée défectueuse, des fautes d'exécution imputables à la Société Schwartz-Hautmont, et de l'insuffisante surveillance exercée par M. Roman, architecte, il y a lieu de laisser 15 % des dommages, au maître de l'ouvrage, sous réserve de son recours contre l'Etat, et de répartir la charge définitive des 85 % restant à raison de 10 % pour la Société "INFORMATIQUE ET BATIMENTS", 35 % pour la société Schwartz Hautmont et 40 % pour M. Y... ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que les désordres résultant du manque d'étanchéité des façades peuvent être réparés par des travaux évalués à la somme non contestée de 201 280,63 F sur laquelle il y a lieu de pratiquer un abattement de 10 %, qui n'est pas davantage contesté, compte-tenu de la plus-value apportée à l'ouvrage ; que ces désordres sont dus essentiellement aux insuffisances de la conception du projet et de son adaptation au site ; que, dans ces conditions, il y a lieu de laisser 20 % du montant indemnisable au maître de l'ouvrage, sous réserve de son recours contre l'Etat, et de répartir la charge définitive des 80 % restant à raison de 40 % pour la Société "INFORMATIQUE ET BATIMENTS", 25 % pour M. Y... et 15 % pour la Société Schwartz Hautmont, qui aurait dû appeler l'attention du maître d'oeuvre sur les insuffisances du projet ;

Considérant, en troisième lieu, que le montant des travaux de réfection de peintures, rendus nécessaires par les désordres, évalué par l'expert à 42 446,03 F n'est pas contesté ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont partagé la charge de cette réfection dans la proportion retenue pour les désordres principaux ;
Considérant enfin que si le syndicat intercommunal demande que la somme de 20 000 F qui lui a été attribuée par le jugement attaqué au titre des troubles de jouissance soit portée à 250 000 F, il ne produit aucune justification à l'appui de cette prétention ; que la répartition de la charge de cette indemnité par parts égales entre les trois constructeurs n'est pas contestée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Société "INFORMATIQUE ET BATIMENTS" est seulement fondée à demander que le montant dû solidairement par les constructeurs au syndicat intercommunal de Vert Saint-Denis soit ramené à 375 961,91 F, et que sa part dans la charge définitive soit ramenée à 110 015,33 F ; que la société Schwartz Hautmont et M. Y... sont fondés à demander, par voie d'appel provoqué, que leur propre part soit ramenée à 117 182,76 F pour la première et à 148 763,92 F pour le second ;
Sur la responsabilité contractuelle de l'Etat envers le syndicat intercommunal :
Considérant que l'admission partielle de l'appel principal de la Société "INFORMATIQUE ET BATIMENTS" et des appels provoqués formés par la Société des ateliers de construction Schwartz Hautmont et M. Y... aggrave la situation du syndicat intercommunal, qui se trouve exposé à supporter une diminution des indemnités qui lui sont dues par les constructeurs ; que la prise de possession du collège par le syndicat ne pouvait, en l'absence de dispositions contractuelles, valoir quitus de la mission qu'il avait confiée à l'Etat ; qu'il résulte de l'instruction qu'un tel quitus n'a pas été accordé ; que, par suite, le syndicat intercommunal est recevable à demander, par la voie de l'appel provoqué, que soit reconnue la responsabilité contractuelle de l'Etat à son égard ; qu'en raison des fautes commises par les services de l'Etat dans la conception et la direction des travaux, le syndicat intercommunal est fondé à demander que l'Etat soit condamné à lui verser une somme correspondant au montant du préjudice laissé à sa charge par la présente décision, soit 74 641,40 F, qui portera intérêt à compter du 8 février 1979 ;
Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 21 septembre 1984 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : La somme que la société "INFORMATIQUE ET BATIMENTS", la Société des ateliers de construction Schwartz Hautmontet M. Y... ont été condamnés conjointement et solidairement à verserau syndicat intercommunal de Vert Saint-Denis par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Versailles du 14 octobre 1982 est ramenée de 441 773,06 F à 375 961,91 F.

Article 2 : La charge définitive de cette somme sera supportée par la Société "INFORMATIQUE ET BATIMENTS" à raison de 110 015,23 F, par la Société des ateliers de construction Schwartz Hautmont à raison de 117 182,76 F et par M. Y... à raison de 148 763,92 F.

Article 3 : L'Etat est condamné à payer au syndicat intercommunal de Vert Saint-Denis la somme de 74 641,40 F avec intérêt de droit à compter du 8 février 1979.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 14 octobre 1982 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : Les intérêts afférents aux indemnités que la Société"INFORMATIQUE ET BATIMENTS", la Société des ateliers de construction Schwartz Hautmont et M. Y... ont été condamnés à verser au syndicat intercommunal de Vert Saint-Denis et qui sont échus le 21 septembre 1984 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la Société "INFORMATIQUE ET BATIMENTS" et des recours incidents et provoqués de la Société des ateliers de construction Schwartz Hautmont, de M. Y... et du syndicat intercommunal pour la construction, le fonctionnement et l'entretien du collège d'enseignement secondaire de Vert Saint-Denis est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à la Société "INFORMATIQUE ET BATIMENTS", à la Société des ateliers de construction Schwartz Hautmont, à M. Y..., au syndicat intercommunalpour la construction, le fonctionnement et l'entretien du C.E.S. de Vert Saint-Denis, au ministre de l'éducation nationale et au ministrede l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 47328
Date de la décision : 13/06/1986
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-06 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - ARCHITECTES ET ENTREPRENEURS


Publications
Proposition de citation : CE, 13 jui. 1986, n° 47328
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Wahl
Rapporteur public ?: Bonichot

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1986:47328.19860613
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