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10/03/1986 | FRANCE | N°50987

France | France, Conseil d'État, 7 / 9 ssr, 10 mars 1986, 50987


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 mai 1983 et 8 septembre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société SOBREFIM, antérieurement dénommée SOGIMOR, société anonyme dont le siège est ... 56000 , agissant en qualité de gérante de la société civile immobilière "Résidence Les Néréides", et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement en date du 23 mars 1983 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en décharge de la taxe pour dépassement du plafond légal de

densité, avec triplement de son montant, et de la taxe locale d'équipement et...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 mai 1983 et 8 septembre 1983 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société SOBREFIM, antérieurement dénommée SOGIMOR, société anonyme dont le siège est ... 56000 , agissant en qualité de gérante de la société civile immobilière "Résidence Les Néréides", et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1- annule le jugement en date du 23 mars 1983 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en décharge de la taxe pour dépassement du plafond légal de densité, avec triplement de son montant, et de la taxe locale d'équipement et de la taxe départementale d'espaces verts, avec doublement de leur montant auxquelles elle a été assujettie par décisions du directeur départemental de l'équipement en date des 29 décembre 1980 et 15 janvier 1982 ;
2- lui accorde la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Leclerc, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, avocat de la Société "SOBREFIM",
- les conclusions de Mme Latournerie, Commissaire du gouvernement ;
En ce qui concerne la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif :

Considérant que la société civile immobilière "Résidence Les Néréides", dont la Société SOBREFIM, antérieurement dénommée SOGIMOR, assure la gérance, a été autorisée, par un permis de construire en date du 17 novembre 1978, à réaliser à Larmor Plage un ensemble immobilier d'une superficie de 1 510 M2 ; que, un dépassement de 100 m2 de la surface autorisée ayant été constaté par un procès-verbal dressé le 2 septembre 1980 par un agent assermenté des services du ministère de l'urbanisme et du logement, le directeur départemental de l'équipement du Morbihan a, par des lettres en date des 29 décembre 1980 et 15 janvier 1981, mis à la charge de la société civile immobilière "Résidence Les Néréides" le versement, d'une part, de la taxe locale d'équipement et de la taxe départementale d'espaces verts ainsi que d'une amende fiscale d'égal montant, d'autre part, du versement pour dépassement du plafond légal de densité porté au triple de son montant ; que la société civile immobilière "Résidence Les Néréides" a acquitté la partie correspondant au montant simple desdites taxes, mais a contesté l'exigibilité du supplément de taxes qui lui était réclamé, par des lettres en date du 29 janvier 1981 adressées au trésorier principal de Lorient Sud et au directeur départemental de l'équipement du Morbihan ; que le directeur départemental de l'équipement, compétent pour statuer sur ces réclamations en vertu des dispositions ds articles L.142-2 et L.333-14 du code de l'urbanisme et de l'article 406 nonies de l'annexe III au code général des impôts pris sur le fondement de l'article L.142-2 du code de l'urbanisme, n'a pas répondu à la lettre que lui avait adressée la société ; que, par sa requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Rennes le 27 juillet 1981, la société civile immobilière "Résidence Les Néréides", nonobstant l'intitulé de recours pour excès de pouvoir figurant sur ce document, entendait contester, pour la partie correspondant selon elle à des pénalités et qu'elle n'avait pas acquitée, le bien-fondé du supplément de taxe mis à sa charge ; que cette demande, qui avait été régulièrement précédée d'une réclamation auprès du directeur départemental de l'équipement et qui, en l'absence de notification d'une décision explicite de rejet, ne pouvait encourir aucune forclusion, était dès lors recevable ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir opposée par le ministre ne peut être retenue ;
En ce qui concerne la taxe locale d'équipement et la taxe départementale d'espaces verts :

Considérant qu'aux termes de l'article 1723 quater du code général des impôts : "II- En cas de construction sans autorisation ou en infraction aux obligations résultant de l'autorisation, la base de la taxe locale d'équipement ou du complément de taxe éventuellement exigibles est notifiée au service des impôts par le directeur départemental de l'équipement ou par le maire. Le recouvrement de la taxe ou du complément de taxe, augmenté de l'amende fiscale prévue à l'article 1836, est immédiatement poursuivi contre le constructeur" ; qu'aux termes de l'article 1836 du même code : "Dans le cas de construction sans autorisation ou en infraction aux obligations résultant de l'autorisation prévue à l'article 1723 quater II, le constructeur est tenu d'acquitter, outre la taxe locale d'équipement ou le complément de taxe exigible, une amende fiscale d'égal montant" ; qu'aux termes de l'article L.142-2 du code de l'urbanisme, la taxe départementale d'espaces verts "est soumise aux règles qui gouvernent l'assiette, la liquidation, le recouvrement et le contentieux de la taxe locale d'équipement" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que l'ensemble immobilier édifié à Larmor Plage par la société civile immobilière "Résidence Les Néréides" comportait une surface de plancher hors oeuvre supérieure de 100 m2 à la surface autorisée par le permis de construire délivré le 17 novembre 1978 ; que, au regard des dispositions précitées des articles 1723 quater et 1836 du code général des impôts et L.142-2 du code de l'urbanisme, le fait générateur de la taxe locale d'équipement et de la taxe départementale d'espaces verts dues du fait d'une construction réalisée en infraction aux obligations résultant de l'autorisation de construire était le procès-verbal dressé le 2 septembre 1980 ; que la délivrance ultérieure d'un permis de construire modificatif, en date du 18 décembre 1980, est sans influence sur l'obligation au paiement immédiat de la taxe locale d'équipement, de la taxe départementale d'espaces verts et des amendes fiscales correspondantes qui était née à la date du procès-verbal ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les suppléments de taxes contestés ont été calculés sur la seule surface de plancher réalisée en infraction ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que ces suppléments auraient été calculés à tort sur la surface totale des bâtiments construits manque en fait ;
En ce qui concerne le versement pour dépassement du plafond légal de densité :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L.112-1 et L.112-2 du code de l'urbanisme, l'édification d'une construction, dont la densité, définie par le rapport entre la surface de plancher et la surface du terrain sur laquelle elle doit être implantée, excède un plafond légal, "est subordonnée au versement par le bénéficiaire de l'autorisation de construire d'une somme égale à la valeur du terrain dont l'acquisition serait nécessaire pour que la densité de la construction n'excède pas ce plafond" ; qu'aux termes de l'article L.333-10 du même code : "Le tribunal de grande instance de la situation de l'immeuble, statuant soit en matière correctionnelle en application de l'article L.480-5 du code de l'urbanisme, soit en matière civile dans le cas visé à l'article L.480-6 du même code, peut ordonner la démolition totale ou partielle, d'une construction dont la densité excède le plafond légal : a qui a été édifiée sans autorisation ; b qui a été édifiée en infraction aux obligations résultant de l'autorisation. Dans tous les cas où il n'y aura pas démolition, et sans préjudice des sanctions prévues à l'article L.480-4 du code de l'urbanisme, le constructeur sera tenu d'effectuer un versement dont le montant sera trois fois celui qui aurait été dû si la construction avait été régulièrement autorisée. Ce versement... constitue une créance du Trésor immédiatement exigible en totalité" ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société civile immobilière "Résidence Les Néréides" a obtenu, le 18 décembre 1980, un permis modificatif l'autorisant à édifier la surface supplémentaire qu'elle avait bâtie en infraction aux obligations résultant du permis de construire du 17 novembre 1978 ; qu'à la date de ce permis modificatif, le tribunal de grande instance n'avait été saisi d'aucune action tendant à la démolition de l'immeuble ; que, dès lors, la majoration de versement pour dépassement du plafond légal de densité n'est pas devenue exigible ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société civile immobilière "Résidence Les Néréides" est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en décharge de la majoration du versement pour dépassement du plafond légal de densité ;
Article 1er : Il est accordé à la société civile immobilière "Résidence Les Néréides" décharge de la majoration de 200% du versement pour dépassement du plafond légal de densité auquel elle a été assujettie.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 23 mars 1983 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société civile immobilière "Résidence Les Néréides" est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière "Résidence Les Néréides", représentée par la société anonyme SOBREFIM et au ministre de l'urbanisme, du logement et des transports.


Synthèse
Formation : 7 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 50987
Date de la décision : 10/03/1986
Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILEES ET REDEVANCES - TAXES ASSIMILEES - TAXE LOCALE D'EQUIPEMENT - Fait générateur de la taxe - Construction sans autorisation - Procès verbal constatant l'infraction à l'issue des travaux - Absence d'effet d'un permis de construire de régularisation [1].

19-03-05-04 En vertu de l'article L.333-10 du code de l'urbanisme, le tribunal de grande instance peut ordonner la démolition totale ou partielle d'une construction dont la densité excède le plafond légal de densité applicable dans la commune, sans que le constructeur y ait été autorisé ; dans tous les cas où il n'y a pas destruction, le constructeur est tenu d'effectuer un versement d'un montant triple de celui qu'il aurait dû acquitter, en vertu de l'article L.112-2 du même code, si la construction avait été régulièrement autorisée. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de construction édifiée en infraction aux obligations résultant du permis de construire, la majoration du versement pour dépassement du plafond légal de densité n'est pas exigible si le tribunal de grande instance n'a pas été saisi au préalable d'une action tendant à la démolition de l'immeuble.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILEES ET REDEVANCES - TAXES ASSIMILEES - VERSEMENT POUR DEPASSEMENT DU PLAFOND LEGAL DE DENSITE - Majoration du versement en cas de construction sans autorisation [article L - 333-10 du code de l'urbanisme] - Saisine préalable du tribunal de grande instance d'une action tendant à la démolition de l'immeuble.

19-03-05-02, 19-03-06-02 En cas de construction sans autorisation ou en infraction aux obligations résultant de l'autorisation, le fait générateur de la taxe locale d'équipement due en vertu de l'article 1723 quater du C.G.I. et de l'amende fiscale d'égal montant prévue par l'article 1836 est le procès-verbal dressé après l'achèvement des travaux et constatant l'infraction. La délivrance, postérieurement à l'établissement de ce procès-verbal, d'un permis de construire modificatif est sans influence sur l'obligation de paiement immédiat de la taxe et de l'amende fiscale, qui était née à la date du procès-verbal [1]. Même solution pour la taxe départementale d'espaces verts.

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILEES ET REDEVANCES - AUTRES TAXES OU REDEVANCES - TAXE DEPARTEMENTALE D'ESPACES VERTS - Fait générateur en cas de construction sans autorisation - Procès verbal constatant l'infraction à l'issue des travaux - Absence d'effet d'un permis de construire de régularisation [1].


Références :

CGI 1723 quater II, 1836
CGIAN3 406 noniès
Code de l'urbanisme L142-2, L333-14, L112-1, L112-2

1.

Cf. 1980-02-01, n° 6002, Commune de Fleury-Mérogis, p. 66


Publications
Proposition de citation : CE, 10 mar. 1986, n° 50987
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. M. Bernard
Rapporteur ?: M. Leclerc
Rapporteur public ?: Mme Latournerie

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1986:50987.19860310
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