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15/01/2019 | FRANCE | N°2018-755

France | France, Conseil constitutionnel, 15 janvier 2019, 2018-755


LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 15 octobre 2018 par le Conseil d'État (décision n° 422618 du 12 octobre 2018), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Luc F. par Me Marc Bornhauser, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2018-755 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa du paragraphe II de l'article 979 du code gén

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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 15 octobre 2018 par le Conseil d'État (décision n° 422618 du 12 octobre 2018), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Luc F. par Me Marc Bornhauser, avocat au barreau de Paris. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2018-755 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa du paragraphe II de l'article 979 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code général des impôts ;
- la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 ;
- le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations présentées pour le requérant par Me Bornhauser, enregistrées le 6 novembre 2018 ;
- les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 6 novembre 2018 ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu Me Bornhauser, pour le requérant, et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 8 janvier 2019 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. L'article 979 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2017 mentionnée ci-dessus, soumet l'impôt sur la fortune immobilière à un plafonnement en fonction des revenus du contribuable. Précisant les modalités selon lesquelles ces revenus sont pris en compte, le premier alinéa de son paragraphe II prévoit :
« Les plus-values ainsi que tous les revenus sont déterminés sans considération des exonérations, seuils, réductions et abattements prévus au présent code, à l'exception de ceux représentatifs de frais professionnels ».

2. Le requérant reproche à ces dispositions d'inclure dans le revenu en fonction duquel est plafonné l'impôt sur la fortune immobilière le montant brut des plus-values réalisées par le contribuable, sans leur appliquer ni abattement pour durée de détention ni aucun autre correctif tenant compte de l'érosion monétaire affectant leur valeur réelle. Ces dispositions auraient, dès lors, pour effet de majorer artificiellement les revenus pris en compte pour le calcul du plafonnement. Il en résulterait une méconnaissance des capacités contributives des redevables de l'impôt sur la fortune immobilière et donc une rupture d'égalité devant les charges publiques.
3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « Les plus-values ainsi que » figurant au premier alinéa du paragraphe II de l'article 979 du code général des impôts.
4. Selon l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.
5. En application de l'article 979 du code général des impôts, le cumul de l'impôt sur la fortune immobilière et des impositions sur les revenus ne peut excéder 75 % du total des revenus du contribuable. En application des dispositions contestées, les plus-values sont incluses dans ces revenus, à hauteur de leur montant brut, sans application d'aucune exonération ou réduction ni d'aucun seuil ou abattement.
6. En premier lieu, l'impôt sur la fortune immobilière ne figure pas au nombre des impositions sur le revenu. En instituant cet impôt, le législateur a entendu frapper la capacité contributive que confère la détention d'un ensemble de biens et de droits immobiliers. Les dispositions contestées n'ont ainsi pas pour objet de déterminer les conditions d'imposition des plus-values, mais les modalités selon lesquelles ces plus-values sont prises en compte dans les revenus en fonction desquels est plafonné l'impôt sur la fortune immobilière.
7. En second lieu, en prenant en compte, dans le calcul de ce plafonnement, les plus-values à hauteur de leur montant brut, le législateur a intégré aux revenus du contribuable des sommes correspondant à des revenus que ce dernier a réalisés et dont il a disposé au cours de la même année.
8. Par conséquent, le fait que les dispositions contestées incluent dans ces revenus les plus-values réalisées par le contribuable, sans prendre en compte l'érosion monétaire entre la date d'acquisition des biens ou droits et celle de leur cession, ne méconnaît pas l'exigence de prise en compte des facultés contributives résultant de l'article 13 de la Déclaration de 1789.
9. Le grief tiré de la violation du principe d'égalité devant les charges publiques doit ainsi être écarté. Les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent donc être déclarées conformes à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - Les mots « Les plus-values ainsi que » figurant au premier alinéa du paragraphe II de l'article 979 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, sont conformes à la Constitution.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 janvier 2019, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

Rendu public le 15 janvier 2019.


M. Luc F. [Calcul du plafonnement de l'impôt sur la fortune immobilière]
Sens de l'arrêt : Conformité
Type d'affaire : Question prioritaire de constitutionnalité

Références :

QPC du 15 janvier 2019 sur le site internet du Conseil constitutionnel
QPC du 15 janvier 2019 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Disposition législative (type)


Publications
Proposition de citation: Cons. Const., décision n°2018-755 QPC du 15 janvier 2019

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Origine de la décision
Date de la décision : 15/01/2019
Date de l'import : 18/01/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro de décision : 2018-755
Numéro NOR : CONSTEXT000038016824 ?
Numéro NOR : CSCX1901500S ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.constitutionnel;qpc;2019-01-15;2018.755 ?
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