ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)
2 octobre 2024 ( *1 )
« Concurrence – Ententes – Marchés portugais et espagnol des télécommunications – Clause de non-concurrence sur le marché ibérique insérée dans le contrat pour l’acquisition par Telefónica de la part détenue par Portugal Telecom dans l’opérateur brésilien de téléphonie mobile Vivo – Annulation partielle de la décision initiale – Décision modifiant le montant de l’amende – Autorité de la chose jugée – Défaut d’adoption d’une communication des griefs complémentaire – Détermination de la valeur des
ventes – Exclusion des ventes des services pour lesquelles les parties ne sont pas en concurrence potentielle »
Dans l’affaire T‑181/22,
Pharol, SGPS SA, établie à Lisbonne (Portugal), représentée par Mes N. Mimoso Ruiz et R. Prates, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. P. Caro de Sousa, C. Urraca Caviedes et Mme C. Zois, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (sixième chambre),
composé de Mme M. J. Costeira, présidente, MM. U. Öberg et P. Zilgalvis (rapporteur), juges,
greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure,
à la suite de l’audience du 28 septembre 2023,
rend le présent
Arrêt ( 1 )
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Pharol, SGPS SA, demande l’annulation partielle de la décision C(2022) 324 final de la Commission, du 25 janvier 2022, modifiant la décision C(2013) 306 final, du 23 janvier 2013, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE (affaire AT.39839 – Telefónica/Portugal Telecom) (ci-après la « décision attaquée ») et, à titre subsidiaire, la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée dans la décision attaquée.
I. Antécédents du litige
2 Le présent litige a pour origine une clause (ci-après la « clause ») insérée à l’article 9 de l’accord d’achat d’actions (ci-après l’« accord ») signé par Telefónica, SA et Portugal Telecom, SGPS SA, renommée ultérieurement Pharol, SGPS SA (ci-après « PT » ou la « requérante » et, prise avec Telefónica, les « parties »), le 28 juillet 2010, ayant pour objet le contrôle exclusif par Telefónica de l’opérateur de réseau mobile brésilien Vivo Participações, SA (ci-après « Vivo »). La clause est
rédigée comme suit :
« Neuf – non-concurrence
Dans la mesure autorisée par la loi, chaque partie s’abstiendra de participer ou d’investir, directement ou indirectement, par l’intermédiaire de toute filiale, dans tout projet relevant du secteur des télécommunications (y compris les services de téléphonie fixe et de téléphonie mobile, les services d’accès à Internet et les services de télévision, à l’exception de tout investissement ou de toute activité en cours au jour de la signature du présent accord) susceptible d’être en concurrence avec
l’autre partie sur le marché ibérique, pendant une période qui débute au jour de la date [de la conclusion définitive de la transaction le 27 septembre 2010] et qui prend fin le 31 décembre 2011. »
A. Décision de 2013
3 Le 23 janvier 2013, la Commission européenne a adopté la décision C(2013) 306 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE (affaire AT.39.839 – Telefónica/Portugal Telecom) (ci-après la « décision de 2013 »), par laquelle elle a estimé que la clause constituait un accord de non-concurrence et que, en participant à celui-ci, Telefónica et PT avaient enfreint l’article 101 TFUE.
4 S’agissant du champ d’application de la clause, la Commission a considéré, compte tenu du libellé de celle-ci, qu’elle couvrait tout projet relevant des services de communications électroniques, sous réserve que l’autre partie à l’accord fournisse ou puisse fournir un tel service. Par conséquent, la clause concernait les services de téléphonie fixe et mobile, d’accès à Internet et de télévision ainsi que les services de radiodiffusion. En revanche, la Commission a constaté que toute activité
exercée et tout investissement réalisé préalablement à la signature de l’accord, à savoir le 28 juillet 2010, étaient exclus du champ d’application de la clause. À cet égard, la Commission a noté que les services mondiaux de télécommunication et les services de portage international de gros étaient exclus du champ d’application de la clause, en raison de la présence de chaque partie sur les marchés desdits services dans la péninsule Ibérique à la date de signature de l’accord.
5 Concernant la portée géographique de la clause, la Commission a interprété l’expression « marché ibérique » comme faisant référence aux marchés espagnol et portugais. Compte tenu des activités commerciales des parties, qui consistaient en une présence sur la plupart des marchés de communications électroniques dans le pays d’origine de chacune d’elles et une présence faible, voire inexistante, dans le pays d’origine de l’autre partie, la Commission a considéré que le champ d’application
géographique de la clause concernait le Portugal, pour Telefónica, et l’Espagne, pour PT.
6 La Commission est arrivée à la conclusion selon laquelle la clause imposait une obligation de non-concurrence aux parties et constituait un accord de partage des marchés ayant pour objet de restreindre la concurrence sur le marché intérieur. Selon la Commission, la clause violait, de ce fait, l’article 101 TFUE, compte tenu de la teneur de l’accord ainsi que du contexte économique et juridique dans lequel celui-ci s’inscrivait (par exemple, les marchés des communications électroniques, lesquels
étaient libéralisés) et de la conduite et du comportement effectif des parties (en particulier, de la résiliation de la clause par leurs soins le 4 février 2011, à la suite de l’ouverture d’une procédure par la Commission).
7 S’agissant du calcul du montant des amendes, la Commission a fait application, dans la décision de 2013, des dispositions des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »).
8 Pour déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission a pris en compte la valeur des services couverts par la clause, tels que définis aux points 4 et 5 ci-dessus et, notamment, pour chaque partie, uniquement la valeur de ses propres ventes dans son pays d’origine. Elle a utilisé les ventes des entreprises au cours de l’année 2011 et estimé que le pourcentage de la valeur des ventes à prendre en considération était de 2 % pour les deux entreprises concernées. Elle a tenu compte
du fait que l’infraction avait couvert la période du 27 septembre 2010 (date de la constatation notariée de la transaction et, donc, de la conclusion définitive de celle-ci) au 4 février 2011 (date à laquelle, à la suite de l’ouverture de la procédure par la Commission le 19 janvier 2011, Telefónica et PT ont signé un accord en vue de supprimer la clause). Enfin, la Commission a considéré que la date de fin de la clause constituait une circonstance atténuante, compte tenu du fait qu’elle se
situait seulement 16 jours après l’ouverture de la procédure et 30 jours après l’envoi de la première demande d’informations aux parties et qu’elle n’était pas secrète, de sorte qu’il convenait de réduire le montant de l’amende à imposer aux parties de 20 %.
9 Le montant définitif des amendes s’élevait à 66894000 euros pour Telefónica et à 12290000 euros pour PT. La Commission a précisé que ce montant n’excédait pas 10 % du chiffre d’affaires total réalisé par chacune des entreprises concernées.
B. Annulation partielle de la décision de 2013
10 Par arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368), le Tribunal a annulé l’article 2 de la décision de 2013 en ce qu’il fixe le montant de l’amende infligée à PT à 12290000 euros, dans la mesure où ce montant a été fixé sur la base de la valeur des ventes retenue par la Commission. Le Tribunal a estimé que la Commission aurait dû, afin de déterminer la valeur des ventes, déterminer les services pour lesquels les parties n’étaient pas en concurrence potentielle sur le
marché ibérique, en examinant les éléments avancés par ces dernières dans leurs réponses à la communication des griefs afin de démontrer l’absence de concurrence potentielle entre elles au regard de certains services pendant la durée d’application de la clause.
11 Par arrêt du 28 juin 2016, Telefónica/Commission (T‑216/13, EU:T:2016:369), le Tribunal a annulé l’article 2 de la décision de 2013 en ce qu’il fixe le montant de l’amende infligée à Telefónica à 66894000 euros, dans la mesure où ce montant a été fixé sur la base de la valeur des ventes retenue par la Commission. L’annulation repose sur le même motif que celle prononcée dans l’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368).
12 Par arrêt du 13 décembre 2017, Telefónica/Commission (C‑487/16 P, non publié, EU:C:2017:961), la Cour a rejeté le pourvoi formé contre l’arrêt du 28 juin 2016, Telefónica/Commission (T‑216/13, EU:T:2016:369). L’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368), n’a pas fait l’objet d’un pourvoi.
C. Décision attaquée
13 À la suite de l’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368), la Commission a envoyé, entre janvier et novembre 2018, plusieurs demandes d’informations à la requérante. Ces demandes avaient pour objet de déterminer la valeur des ventes de celle-ci.
14 Le 5 novembre 2019, la Commission a envoyé une lettre d’exposé des faits à la requérante. Le 10 janvier 2020, celle-ci a présenté ses observations sur ladite lettre.
15 Le 25 janvier 2022, la Commission a adopté la décision attaquée, dans laquelle elle a examiné les éléments avancés par les parties afin de démontrer l’absence de concurrence potentielle entre elles au regard de certains services sur le marché ibérique pendant la période d’application de la clause. La Commission en a conclu que, s’agissant de la requérante, la valeur des ventes à prendre en considération correspondait à la valeur des ventes retenue à son égard dans la décision de 2013, dont il
convenait de déduire la valeur des ventes des services pour lesquels les parties n’étaient pas en concurrence potentielle pendant la période d’application de la clause. Les ventes des services à déduire étaient, premièrement, les ventes de services d’accès de gros aux infrastructures de réseau (physique) (LLU), deuxièmement, les ventes de services de vente en gros pour la diffusion de la télévision numérique et, troisièmement, les ventes de services de vente en gros pour la diffusion de la
télévision analogique terrestre.
16 Le montant définitif de l’amende infligée à la requérante par la décision attaquée s’élève à 12146000 euros.
17 Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :
« Article premier
À l’article 2, sous a) et b), de la [décision de 2013], les montants des amendes sont modifiés comme suit :
a) [Telefónica] : 66894000 euros
b) [Pharol] : 12146000 euros
[…] »
II. Conclusions des parties
18 La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler l’article 1er, sous b), de la décision attaquée ;
– à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée à l’article 1er, sous b), de la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
19 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
III. En droit
A. Sur les conclusions en annulation
20 À l’appui de sa demande en annulation de l’article 1er, sous b), de la décision attaquée, la requérante soulève trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368), le deuxième, d’une violation de ses droits de la défense ainsi que d’une violation des formes substantielles résultant de l’article 27, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002,
relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), et, le troisième, d’erreurs de droit et de fait dans la détermination de la valeur des ventes.
1. Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13)
21 Par son premier moyen, la requérante soutient que, en interprétant, aux considérants 72 à 77 de la décision attaquée, la clause comme interdisant aux parties d’effectuer des démarches préparatoires à une entrée sur le marché, la Commission a violé l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368). En effet, de l’avis de la requérante, la clause interdit uniquement les participations ou les investissements, sans faire obstacle
aux démarches préparatoires. Or, une interprétation de la clause comme interdisant lesdites démarches n’aurait pas été envisagée dans la décision de 2013, pas plus qu’elle n’aurait été discutée dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368). Partant, cette interprétation se heurterait à l’autorité de la chose jugée de cet arrêt.
22 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
23 Il ressort d’une jurisprudence constante, d’une part, que l’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par la décision juridictionnelle en cause et, d’autre part, que cette autorité ne s’attache pas qu’au dispositif de cette décision, mais s’étend aux motifs de celle-ci qui constituent le soutien nécessaire de son dispositif et en sont, de ce fait, indissociables (arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl
Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 44, et du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C‑221/10 P, EU:C:2012:216, point 87).
24 En l’espèce, il est vrai que, au considérant 76 de la décision attaquée, la Commission a relevé que « [la clause] empêchait […] les parties d’entreprendre des démarches préparatoires qui auraient pu conduire à une entrée sur l’un des marchés [qu’elle couvrait] ».
25 Il est également vrai que les considérants 72 à 77 de la décision attaquée, relatifs à l’interprétation de la clause comme interdisant les démarches préparatoires, ne figurent pas dans la décision de 2013.
26 Toutefois, dans l’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368), le Tribunal ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si la clause interdisait uniquement à la requérante de pénétrer l’un des marchés espagnols des télécommunications et à Telefónica d’étendre sa présence, limitée, sur les marchés portugais des télécommunications, ou si elle prohibait également les démarches préparatoires à une telle entrée ou à un tel développement, telles que l’obtention des
licences requises ou la réalisation d’études de marché.
27 En effet, il ressort du point 182 de l’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368), que le champ d’application de la clause a été défini non pas par rapport au type de mesures que la clause prohibe, entrée effective sur le marché ou préparation d’une telle entrée, mais par rapport aux services couverts par celle-ci, à savoir, comme cela est indiqué au point 4 ci-dessus, les services de communications électroniques et les services de télévision en Espagne et au
Portugal, à l’exception des services mondiaux de télécommunication et des services de portage international de gros.
28 Par ailleurs, il convient de relever que, bien que, dans certains points de la requête, la requérante fasse valoir que le Tribunal s’est prononcé sur l’interdiction des démarches préparatoires, elle n’en reconnaît pas moins, dans d’autres points de la requête et dans la réplique, que le Tribunal ne s’est pas prononcé sur cette question. Ainsi soutient-elle, par exemple, que, « dans [l’]arrê[t] [du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368)], l’interprétation de la clause
[…] en ce sens qu’elle aurait visé à faire obstacle […] à des démarches préparatoires à une entrée sur le marché après son expiration […] n’a jamais été établie » ; que l’interdiction des démarches préparatoires « n’a pas fait l’objet […] de l’arrêt [du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368)] » et que, dans cet arrêt, « le Tribunal a pris position sur le champ d’application de la [clause], sans toutefois se prononcer sur la question […] visant à savoir si les
démarches préparatoires relevaient du champ d’application de cette clause ».
29 Il découle de ce qui précède que, dans l’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368), le Tribunal ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si la clause interdisait ou non les démarches préparatoires, de sorte qu’il ne saurait être considéré que, en interprétant la clause comme interdisant ces démarches, la Commission a violé l’autorité de la chose jugée attachée audit arrêt.
30 Il convient donc de rejeter le premier moyen.
2. Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et d’une violation des formes substantielles résultant de l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, en raison du défaut d’adoption d’une communication des griefs complémentaire
31 Par son deuxième moyen, la requérante soutient que, en interprétant la clause comme interdisant les démarches préparatoires, la Commission a violé ses droits de la défense ainsi que les formes substantielles résultant de l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003. Une telle interprétation de la clause dans la décision attaquée aurait élargi le champ d’application de ladite clause et modifié la décision de 2013. L’inclusion des démarches préparatoires dans le champ d’application de la
clause constituerait un élément nouveau à l’encontre de la requérante. Partant, la Commission aurait dû adopter une communication des griefs complémentaire afin de donner à la requérante la possibilité de présenter des observations sur cet élément. Or, la Commission aurait adopté une simple lettre d’exposé des faits en lieu et place d’une communication des griefs complémentaire. La requérante souligne, à cet égard, que les droits de la défense ne sont ni exercés ni garantis de la même manière en
cas d’adoption d’une communication des griefs et en cas d’adoption d’une simple lettre d’exposé des faits. En effet, une telle lettre ne donnerait pas aux parties le droit de demander une audition.
32 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
33 Selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, constitue un principe fondamental du droit de l’Union européenne, qui doit être pleinement observé par la Commission (voir arrêt du 16 juin 2022, Sony Corporation et Sony Electronics/Commission, C‑697/19 P, EU:C:2022:478, point 69 et jurisprudence citée).
34 L’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 prévoit l’envoi aux parties d’une communication des griefs qui doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission ainsi que des éléments de preuve dont elle dispose (arrêt du 25 janvier 2023, GEA Group/Commission, T‑640/16 RENV, non publié,
EU:T:2023:18, point 207 ; voir également, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, points 66 et 67).
35 La communication aux intéressés d’un complément de griefs n’est nécessaire que dans le cas où le résultat des vérifications amène la Commission à mettre à la charge des entreprises des actes nouveaux ou à modifier sensiblement les éléments de preuve des infractions contestées [arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 192, et du 15 juin 2022, Qualcomm/Commission (Qualcomm – paiements
d’exclusivité), T‑235/18, EU:T:2022:358, point 310], c’est-à-dire si de nouveaux griefs sont émis ou si la nature intrinsèque de l’infraction en cause est modifiée [arrêt du 29 septembre 2021, Nippon Chemi-Con Corporation/Commission, T‑363/18, EU:T:2021:638, point 123 (non publié)].
36 En revanche, conformément au point 111 de la communication de la Commission concernant les bonnes pratiques relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 [TFUE] (JO 2011, C 308, p. 6), une simple lettre (lettre d’exposé des faits) est suffisante dans le cas où les griefs soulevés contre les entreprises en cause dans la communication des griefs sont simplement corroborés par les nouveaux éléments de preuve sur lesquels la Commission a l’intention de s’appuyer.
37 En l’espèce, dans le cadre de la procédure ayant abouti à la décision de 2013, la Commission a, le 21 octobre 2011, adopté une communication des griefs (ci-après la « communication des griefs de 2011 »). Le 13 janvier 2012, Telefónica et la requérante ont répondu à celle-ci.
38 À la suite de l’annulation partielle de la décision de 2013 par le Tribunal, la Commission a envoyé une lettre d’exposé des faits à Telefónica le 23 juillet 2019 et à la requérante le 5 novembre 2019. Celles-ci y ont répondu, respectivement, le 18 octobre 2019 et le 10 janvier 2020.
39 La Commission n’a pas émis de communication des griefs complémentaire avant d’adopter la décision attaquée. À cet égard, aux considérants 23 à 26 de ladite décision, la Commission a indiqué qu’elle n’avait retenu aucun nouveau grief à l’encontre de Telefónica et de la requérante. Elle a souligné, auxdits considérants, qu’elle s’était contentée de recalculer la valeur des ventes conformément aux arrêts du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368), et du 28 juin 2016,
Telefónica/Commission (T‑216/13, EU:T:2016:369), et que les parties avaient eu la possibilité de présenter leurs observations sur tout nouvel élément de preuve mentionné dans la lettre d’exposé des faits, de sorte que la décision attaquée ne modifiait pas de manière significative le caractère essentiel des griefs retenus dans la communication des griefs de 2011.
40 À cet égard, il convient de rappeler que l’annulation d’un acte de l’Union n’affecte pas nécessairement les actes préparatoires, la procédure visant à remplacer l’acte annulé pouvant en principe être reprise au point précis auquel l’illégalité est intervenue. L’annulation de l’acte n’affecte, en principe, pas la validité des mesures préparatoires de celui-ci, antérieures au stade où ce vice a été constaté. S’il est constaté que l’annulation n’affecte pas la validité des actes de procédure
antérieurs, la Commission n’est pas, du seul fait de cette annulation, tenue d’adresser une nouvelle communication des griefs aux entreprises en cause (arrêt du 6 juillet 2017, Toshiba/Commission, C‑180/16 P, EU:C:2017:520, point 24).
41 Il s’ensuit que la validité de la communication des griefs de 2011, dont l’envoi a précédé l’adoption de la décision de 2013, n’est pas remise en cause par l’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368), lequel n’a annulé ladite décision qu’en ce qu’elle fixe le montant de l’amende infligée à la requérante sur la base de la valeur des ventes retenue par la Commission.
42 Dès lors, l’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368), ne s’oppose pas à la prise en considération des indications fournies dans la communication des griefs de 2011 au sujet du champ d’application de la clause, afin de contrôler le respect des droits de la défense de la requérante dans le cadre de la procédure ayant abouti à la décision attaquée.
43 Or, le Tribunal constate que l’interprétation de la clause comme interdisant les démarches préparatoires ne saurait être considérée comme un nouveau grief par rapport à ceux notifiés dans la communication des griefs de 2011, une modification de ceux-ci ou une modification de la nature intrinsèque de l’infraction, au sens de la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus.
44 En effet, bien que la communication des griefs de 2011 ne précise pas expressément que la clause interdit les démarches préparatoires, une telle interprétation s’impose compte tenu, d’une part, de la durée de la clause, trop courte pour permettre une entrée effective sur les marchés en cause et, d’autre part, de la lettre de la clause dans sa version anglaise.
45 S’agissant de la durée de la clause, ainsi qu’il a été confirmé lors de l’audience par la requérante et la Commission, en raison des barrières à l’entrée sur les marchés en cause, telles que l’obligation d’obtenir une licence ou, s’agissant de l’acquisition d’un opérateur existant, d’obtenir l’autorisation de l’autorité de la concurrence compétente, une entrée effective était improbable, voire impossible, pendant la durée de la clause, qu’il s’agisse de la durée prévue par la clause (du
27 septembre 2010 au 31 décembre 2011) ou de la durée d’application de la clause (du 27 septembre 2010 au 4 février 2011). Dès lors, la clause ne peut être interprétée que comme interdisant également les démarches préparatoires à une entrée effective qui aurait lieu après son expiration.
46 Une telle interprétation de la clause est confirmée par son libellé en anglais, cette langue étant, ainsi que l’a fait valoir, sans être contredite, la Commission, celle dans laquelle a été rédigé l’accord. Or, dans sa version anglaise, la clause stipule ce qui suit : « each party shall refrain from engaging or investing […] in any project in the telecommunications business ». Le terme « engag[e] » signifie, selon le Cambridge Dictionary, « s’impliquer », « s’engager dans quelque chose » (« to
become involved with something ») et, selon le Merriam Webster Dictionary, « commencer et continuer une entreprise ou une activité » (« to begin and carry on an enterprise or activity »). La clause interdit donc aux parties non seulement de poursuivre (« invest »), mais également d’entamer, de s’engager ou de se lancer (« engag[e] ») dans un projet relevant du secteur des télécommunications, aux conditions qu’elle définit.
47 Partant, en indiquant expressément, aux considérants 76 et 77 de la décision attaquée, que la clause interdisait les démarches préparatoires, la Commission n’a fait que clarifier, compte tenu de la durée de la clause et de son libellé en anglais, l’objet de celle-ci.
48 Il découle de ce qui précède que, en interprétant la clause comme interdisant les démarches préparatoires, la Commission n’a pas mis un nouveau grief à la charge des parties, modifié ceux notifiés en 2011 ou modifié la nature intrinsèque de l’infraction.
49 Dès lors, la Commission n’était pas tenue d’adopter une communication des griefs complémentaire afin d’entendre les parties sur ladite interprétation.
50 Par ailleurs, il convient de rappeler que c’est afin de recalculer la valeur des ventes conformément à l’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368), que la Commission a interprété la clause comme interdisant les démarches préparatoires. Or, la détermination de la valeur des ventes ne figure pas au nombre des éléments sur lesquels la Commission est tenue d’entendre les parties.
51 En effet, selon la jurisprudence, afin de remplir son obligation de respecter le droit des entreprises à être entendues, la Commission est tenue d’indiquer expressément, dans la communication des griefs, qu’elle examinera s’il convient d’infliger des amendes aux entreprises concernées et d’énoncer les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d’entraîner une amende, tels que la gravité et la durée de l’infraction supposée et le fait d’avoir commis celle-ci de propos délibéré ou par
négligence. Il ressort également de cette jurisprudence que la Commission n’est en revanche pas tenue, dès lors qu’elle a indiqué les éléments de fait et de droit sur lesquels elle fondera son calcul du montant des amendes, de préciser la manière dont elle se servira de chacun de ces éléments pour la détermination du montant de l’amende (arrêt du 6 juillet 2017, Toshiba/Commission, C‑180/16 P, EU:C:2017:520, point 21).
52 Or, l’identification des services pour lesquels les parties ne sont pas des concurrentes potentielles et dont les ventes doivent, pour cette raison, être exclues du calcul de l’amende ne saurait être considérée comme l’un des principaux éléments de fait et de droit sur lesquels la Commission fondera son calcul du montant de l’amende. Le droit d’être entendu ne couvre pas un tel élément lié à la méthode de détermination du montant de l’amende (voir, par analogie, arrêts du 28 juin 2005, Dansk
Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 438 et 439, et du 6 juillet 2017, Toshiba/Commission, C‑180/16 P, EU:C:2017:520, point 33).
53 Partant, la Commission n’était pas tenue d’adopter une communication des griefs complémentaire afin d’entendre les parties sur la détermination de la valeur des ventes.
54 En outre, la requérante reproche, en substance, à la Commission de ne pas lui avoir donné la possibilité de développer ses arguments lors d’une audition.
55 Il est vrai que l’adoption de la décision attaquée n’a pas été précédée d’une audition. L’adoption de la décision de 2013 n’avait, elle non plus, été précédée d’aucune audition.
56 À cet égard, il convient de relever que, en vertu de l’article 12 de son règlement (CE) no 773/2004, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), la Commission donne aux parties auxquelles elle a adressé une communication des griefs l’occasion de développer leurs arguments lors d’une audition, si elles en font la demande dans leurs observations écrites.
57 Force est toutefois de constater que le droit à une audition prévu par l’article 12 du règlement no 773/2004 n’existe qu’à la suite de l’émission par la Commission d’une communication des griefs. Aucun droit à une audition n’existe en ce qui concerne une lettre d’exposé des faits.
58 Partant, dès lors que la Commission n’était pas tenue d’adopter une communication des griefs complémentaire en lieu et place de la lettre d’exposé des faits, elle n’était pas tenue de tenir une audition avant l’adoption de la décision attaquée.
59 En tout état de cause, la requérante n’a pas demandé la tenue d’une audition avant l’adoption de la décision attaquée, comme l’exige l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 773/2004. Elle n’avait pas non plus demandé d’audition dans le cadre de la procédure ayant abouti à la décision de 2013.
60 Il découle de ce qui précède que, en n’adoptant pas une communication des griefs complémentaire en lieu et place de la lettre d’exposé des faits, la Commission n’a violé ni les droits de la défense de la requérante ni l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003.
61 Il convient donc de rejeter le deuxième moyen.
3. Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs de droit et de fait dans la détermination de la valeur des ventes
62 Par son troisième moyen, la requérante soutient que la Commission a commis des erreurs de droit et de fait dans le choix et dans l’application du critère permettant de déterminer les services pour lesquels les parties étaient des concurrentes potentielles et qui devaient, à ce titre, être inclus dans la détermination de la valeur des ventes au sens du point 13 des lignes directrices de 2006.
63 Ce moyen se décompose en deux branches, tirées, la première, d’une erreur de droit de la Commission dans le choix du critère permettant d’apprécier l’existence d’une concurrence potentielle entre les parties aux fins de la détermination de la valeur des ventes et, la seconde, d’erreurs de droit et de fait de la Commission dans l’appréciation de l’existence d’une concurrence potentielle entre les parties sur certains des marchés couverts par la clause.
a) Sur la première branche, tirée d’une erreur de droit de la Commission dans le choix du critère permettant d’apprécier l’existence d’une concurrence potentielle entre les parties aux fins de la détermination de la valeur des ventes
64 Par la première branche, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur de droit en appréciant l’existence d’une concurrence potentielle entre les parties sur la base du critère des barrières insurmontables à l’entrée.
65 À cet égard, la requérante conteste la position de la Commission selon laquelle le même critère doit être utilisé afin d’établir l’existence d’une restriction par objet et afin de calculer le montant de l’amende. S’agissant d’établir l’existence d’une restriction par objet, il ressortirait du point 181 de l’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368), que la Commission serait uniquement tenue d’examiner s’il existe des barrières à l’entrée. S’agissant de calculer
le montant de l’amende, l’absence de barrières insurmontables ne suffirait pas à établir l’existence d’une concurrence potentielle. Celle-ci ne saurait être déduite que de la démonstration de possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché en cause. Cela résulterait, notamment, des points 230 et 243 de l’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368), ainsi que des arrêts du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:52), du 29 juin 2012, E.ON
Ruhrgas et E.ON/Commission (T‑360/09, EU:T:2012:332), et du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission (T‑691/14, EU:T:2018:922).
66 La requérante en conclut que, sur la base des éléments factuels qu’elle avait soumis à la Commission, celle-ci aurait dû examiner si Telefónica, qui n’était présente sur aucun des marchés portugais couverts par la clause au 27 septembre 2010, était un concurrent potentiel pendant la période d’application de la clause, c’est-à-dire entre le 27 septembre 2010 et le 4 février 2011. De l’avis de la requérante, la Commission était donc tenue de déterminer s’il existait des barrières insurmontables à
l’entrée sur lesdits marchés et, si tel n’était pas le cas, s’il existait des possibilités réelles et concrètes pour Telefónica d’entrer sur l’un de ces marchés. Partant, en se contentant d’examiner s’il existait des barrières insurmontables afin de déterminer si les parties étaient en concurrence potentielle aux fins du calcul de l’amende, la Commission aurait commis une erreur de droit.
67 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
68 Il convient de relever que, dans la décision attaquée comme dans celle de 2013, la Commission a fait application des lignes directrices de 2006.
69 Aux termes du point 13 desdites lignes directrices, « [e]n vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte [...] avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE ».
70 Selon la jurisprudence, si la notion de valeur des ventes visée à ce point 13 ne saurait, certes, s’étendre jusqu’à englober les ventes réalisées par l’entreprise en cause qui ne relèvent pas, directement ou indirectement, du périmètre de l’entente reprochée, il serait toutefois porté atteinte à l’objectif poursuivi par cette disposition si cette notion devait être entendue comme ne visant que le chiffre d’affaires réalisé avec les seules ventes pour lesquelles il est établi qu’elles ont
réellement été affectées par cette entente (arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 148).
71 Il découle de cette considération que doivent être exclues de la valeur des ventes faisant l’objet d’une infraction les ventes de l’auteur de ladite infraction intervenues sur un marché non ouvert à la concurrence, tel que celui dont il est question dans l’arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission (T‑360/09, EU:T:2012:332, points 105 et 155), dans la mesure où un tel marché est insusceptible d’être affecté par une pratique anticoncurrentielle visée à l’article 101 TFUE, ou encore les
ventes réalisées par une des parties à une entente sur des marchés sur lesquels les autres parties à cette entente ne sont pas présentes et ne peuvent pas être considérées comme des concurrentes potentielles (arrêt du 25 mars 2021, Lundbeck/Commission, C‑591/16 P, EU:C:2021:243, point 188).
72 En l’espèce, dans la décision de 2013, afin de déterminer la valeur des ventes au sens du point 13 des lignes directrices de 2006, la Commission a pris en compte les services couverts par la clause, à savoir les services de communications électroniques et les services de télévision en Espagne et au Portugal, à l’exception des services mondiaux de télécommunication et des services de portage international de gros. Pour chaque partie, elle a pris en compte uniquement la valeur de ses propres ventes
dans son pays d’origine.
73 Or, dans l’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368), le Tribunal a annulé l’article 2 de la décision de 2013 en ce qu’il fixe le montant de l’amende infligée à la requérante, mais uniquement dans la mesure où ce montant a été fixé sur la base de la valeur des ventes retenue par la Commission. Le motif de l’annulation est que la Commission n’a pas examiné les éléments factuels avancés par les parties tendant à démontrer qu’elles n’étaient pas en concurrence
potentielle pour certains services. En effet, dans cet arrêt, le Tribunal a jugé que les services pour lesquels les parties n’étaient pas en concurrence potentielle devaient être exclus de la détermination de la valeur des ventes au sens du point 13 des lignes directrices de 2006, parce qu’ils n’étaient pas en relation directe ou indirecte avec l’infraction.
74 Dans la décision attaquée, la Commission a donc recalculé la valeur des ventes en excluant les ventes des services pour lesquels elle a considéré que les parties n’étaient pas en concurrence potentielle, c’est-à-dire les services d’accès de gros aux infrastructures de réseau (physique), les services de vente en gros pour la diffusion de la télévision numérique et les services de vente en gros pour la diffusion de la télévision analogique terrestre.
75 À cet égard, la requérante soutient que, pour apprécier si les parties étaient des concurrentes potentielles aux fins de la détermination de la valeur des ventes, la Commission ne pouvait pas se contenter d’établir l’absence de barrières à l’entrée, mais qu’elle aurait dû démontrer qu’il existait des possibilités réelles et concrètes pour Telefónica d’entrer sur les marchés en cause au Portugal.
76 Une telle argumentation ne saurait être suivie.
77 En effet, dans l’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368), le Tribunal a abordé la question de l’existence et de la pertinence d’une concurrence potentielle entre les parties à deux reprises, d’abord à propos du constat de l’infraction, puis à propos du calcul de l’amende.
78 S’agissant du constat de l’infraction, le Tribunal a relevé, au point 174 de l’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368), que, afin d’apprécier si la clause constituait une restriction de concurrence par objet, il convenait de s’attacher, notamment, au contexte économique et juridique dans lequel elle s’insérait et, dans le cadre de l’appréciation dudit contexte, de prendre en considération les conditions réelles du fonctionnement et de la structure des marchés
en question. Or, selon le point 181 de l’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368), en présence d’un accord de partage des marchés, la Commission « ne [devait] pas procéder à une analyse de […] la question de savoir si l’entrée sur [le] marché [aurait] correspond[u], pour chacune des parties, à une stratégie économique viable […], mais […] [était] tenue d’examiner s’il exist[ait] des barrières insurmontables à l’entrée sur le marché, qui [auraient] excl[u] toute
concurrence potentielle ».
79 S’agissant du calcul de l’amende, le Tribunal a considéré, aux points 239 et 241 de l’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368), que devaient être exclues de la détermination de la valeur des ventes au sens du point 13 des lignes directrices de 2006 les ventes qui n’étaient pas en relation directe ou indirecte avec l’infraction. Or, selon les points 230 et 243 de cet arrêt, les ventes qui n’étaient pas en relation directe ou indirecte avec l’infraction étaient
celles des services ne relevant pas du champ d’application de la clause, c’est-à-dire celles des services pour lesquels les parties n’étaient pas en concurrence potentielle.
80 Toutefois, dans l’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368), le Tribunal n’a pas précisé quel était le critère permettant d’apprécier l’existence d’une concurrence potentielle aux fins du calcul de l’amende, alors qu’il a indiqué que, aux fins du constat de l’infraction, le critère permettant d’apprécier l’existence d’une telle concurrence était celui des barrières insurmontables à l’entrée sur le marché.
81 Dans la décision attaquée, la Commission a identifié ce critère. Aux considérants 58 et 71 de cette décision, elle a estimé que le critère permettant d’apprécier la concurrence potentielle était le même qu’il s’agisse de constater l’infraction ou de calculer le montant de l’amende, et que ce critère était celui de l’existence de barrières insurmontables à l’entrée et non celui des possibilités réelles et concrètes d’entrée.
82 Or, il convient de relever que, en l’espèce, exiger de la Commission que, pour déterminer la valeur des ventes, elle aille au-delà de l’examen des barrières insurmontables à l’entrée pour déterminer si les parties ont des possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché reviendrait à lui imposer, aux fins du calcul de l’amende, une obligation qu’elle n’a pas aux fins du constat de l’infraction.
83 En effet, il découle de la jurisprudence rappelée au point 181 de l’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368), que, en présence d’un marché libéralisé tel que celui en cause en l’espèce, la Commission ne doit pas procéder à une analyse de la structure du marché concerné et de la question de savoir si l’entrée sur ce marché correspondrait, pour chacune des parties, à une stratégie économique viable, mais qu’elle est tenue d’examiner s’il existe des barrières
insurmontables à l’entrée sur le marché, qui excluraient toute concurrence potentielle.
84 De plus, comme l’a relevé le Tribunal au point 240 de l’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368), il ressort du point 64 de l’arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission (C‑534/07 P, EU:C:2009:505), que la Commission ne peut pas se voir imposer, au titre de la méthode de calcul des amendes, une obligation à laquelle elle n’est pas tenue aux fins de l’application de l’article 101 TFUE dès lors que l’infraction en cause a un objet
anticoncurrentiel.
85 Il s’ensuit que la Commission n’était pas tenue, aux fins du calcul de l’amende en exécution de l’arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission (T‑208/13, EU:T:2016:368), de déterminer si les parties avaient des possibilités réelles et concrètes d’entrer sur les marchés en cause, puisqu’une telle obligation ne lui était pas imposée aux fins de l’application de l’article 101 TFUE.
86 Quant à l’argument de la requérante selon lequel le critère des possibilités réelles et concrètes serait le seul compatible avec, notamment, les arrêts du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:52, points 36 à 38 et 58), et du 25 mars 2021, Lundbeck/Commission (C‑591/16 P, EU:C:2021:243, points 54 et 55), il ne saurait être retenu. En effet, ces arrêts traitent tous deux de l’appréciation de l’existence d’une concurrence potentielle aux fins du constat de l’infraction et non,
comme en l’espèce, aux fins du calcul de l’amende.
87 Il découle de ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en retenant le critère des barrières insurmontables à l’entrée afin d’apprécier s’il existait une concurrence potentielle entre les parties aux fins du calcul de l’amende.
88 Il convient donc de rejeter la première branche du troisième moyen.
b) Sur la seconde branche, tirée d’erreurs de droit et de fait de la Commission dans l’appréciation de l’existence d’une concurrence potentielle entre les parties sur certains des marchés couverts par la clause
89 Par la seconde branche de son troisième moyen, la requérante soutient que la Commission a commis des erreurs de droit et de fait dans l’appréciation de la concurrence potentielle sur, premièrement, les marchés de la téléphonie fixe, deuxièmement, les marchés des lignes louées, troisièmement, les marchés de la téléphonie mobile, quatrièmement, les marchés d’accès à Internet et, cinquièmement, le marché des services de télévision payante au détail.
[omissis]
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (sixième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Pharol, SGPS SA est condamnée aux dépens.
Costeira
Öberg
Zilgalvis
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 octobre 2024.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le portugais.
( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.